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Anthologie

Julien Gracq dans le texte

Si Julien Gracq a laissé aux lecteurs de nombreuses pages de fiction, peuplées d'architectures étranges ou de forêts d'errances, il a également beaucoup travaillé l'objet littéraire, confiant ses réflexions sous forme d'essais, de notes... ou de pamphlet. Rencontre avec quelques passages marquants de son itinéraire d'écrivain !

Au château d'Argol

Julien Gracq, Au château d’Argol, Éditions José Corti, 1938
Julien Gracq entre en littérature en publiant, à 28 ans, Au château d'Argol. Éconduit par Gallimard, il s'entend avec l'éditeur José Corti, auquel toute sa vie il demeurera fidèle. Ce roman lui vaut également une lettre admirative d'André Breton ; entre eux se noue une amitié pleine de respect mutuel.

Ils se dévêtirent parmi les tombes. Le soleil jaillit des brumes et éclaira de ses rayons cette scène au moment où Heide, dans sa radieuse nudité, marcha vers la mer d'un pas plus nerveux et plus doux que celui de la cavale des sables. Dans le paysage miroitant que composaient ces longs reflets mouillés, dans l'horizontalité toute- puissante de ces bancs de brume, de ces vagues plates et lisses, de ces rayons glissants du soleil, elle surprit l'œil tout à coup par le miracle de sa verticalité. Sur la grève dévorée du soleil et d'où toute ombre était bannie elle fit courir des reflets sublimes. Il semblait qu'elle marchât sur les eaux. En face d'Herminien et d'Albert, dont l'œil courut alors longuement sur son dos puissant, lisse et ténébreux, sur la lourde masse de sa chevelure, dont la poitrine se souleva avec la merveilleuse lenteur de ses jambes, elle se découpa juste sur le disque du soleil levant, qui fit ruisseler jusqu'à ses pieds un tapis de feu liquide. Elle éleva ses bras, et soutint sans effort le ciel de ses mains comme une vivante cariatide. Il semblait que le flux de cette grâce prenante et inconnue ne pût se prolonger un instant de plus sans rompre les vaisseaux du cœur à son rythme étouffant. Alors, elle rejeta la tête en arrière, et ses épaules se haussèrent d'un mouvement frêle et doux, et le froid de l'écume qui vola sur sa poitrine et son ventre fit bondir en elle une volupté si insoutenable que ses lèvres se replièrent sur ses dents - et à la surprise des spectateurs jaillirent à l'instant de cette silhouette exaltante les mouvements désordonnés et fragiles d'une femme.

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Un beau ténébreux

Julien Gracq, Un beau ténébreux, Éditions José Corti, 1945
Julien Gracq est en captivité dans le camp d'Hoyerswerda, en Haute-Silésie, lorsqu'il écrit le prologue d'Un beau ténébreux. Des années plus tard, c'est à ces pages qu'il aime revenir lorsqu'il lui arrive de rouvrir le roman.

Il arrive que par certaines après-midi, grises, closes et sombrées sous un ciel désespérément immobile, – comme sous la maigre féerie des verrières d’un jardin d’hiver – dépouillées de l’épiderme changeant que leur fait le soleil et qui tant bien que mal les appareille à la vie, le sentiment de la toute-puissante réserve des choses monte en moi jusqu’à l’horreur. De même m’est-il arrivé de m’imaginer, la représentation finie, me glisser à minuit dans un théâtre vide, et surprendre de la salle obscure un décor pour la première fois refusant de se prêter au jeu. Des rues une nuit vides, un théâtre qu’on rouvre, une plage pour une saison abandonnée à la mer tissent d’aussi efficaces complots de silence, de bois et de pierre que cinq mille ans, et les secrets de l’Égypte, pour déchaîner les sortilèges autour d’une tombe ouverte. Mains distraites, porteuses de clés, manieuses de bagues, mains expertes aux bonnes pesées qui font jouer les pierres tombales, déplacent le chaton qui rend invisible, – je devins ce fantomatique voleur de momies lorsque, une brise légère soufflant de la mer et le bruit de la marée montante devenu soudain plus perceptible, le soleil enfin disparut derrière les brumes en cette après-midi du 8 octobre 19...

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La littérature à l'estomac

Julien Gracq, La littérature à l’estomac, Éditions José Corti, 1950
Quelques mois après la réception sévère de sa pièce Le Roi pêcheur, Julien Gracq publie dans la revue littéraire Empédocle un pamphlet contre l'inféodation de la littérature à des logiques marchandes, mondaines ou médiatiques ; il s'y moque notamment des prix littéraires.

C'est sur cette adhésion donnée dans le secret du cœur que se fonde la prise d'un écrivain sur son public, la « société secrète » qu'il a peu ou prou créée, sur laquelle il n'a que de très vagues indices, et qu'il ne dénombrera jamais (heureusement). C'est par elle seule qu'il est, s'il est quelque chose. C'est là toujours que reviennent s'agacer ses doutes, quand il s'interroge sur le plus ou moins fondé de l'idée singulière qui lui est venue d'écrire ; il intéresse, ce n'est pas douteux, il a un public, une « situation », on parle de lui, il reçoit des lettres, des coupures de presse - qui sait, il gagne peut-être même de l'argent (que de fantômes obligeants, et remplaçables, autour de sa table de travail, pour rassurer), mais là n'est pas la question ; il y a un « tout ou rien » lancinant auquel il n'échappera pas : a-t-il été, ne fût-ce qu'une brève minute, « un dieu pour eux », pénétré, ne fût-ce qu'une fois, au cœur de la place, a-t-il provoqué cette sensation insolite, en effet, de « vent autour des tempes », où le cœur hésite, les a-t-il suspendus, un instant irrespirable, à ce quite de l'éternité 

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Liberté grande

Julien Gracq, Liberté Grande, Éditions José Corti, 1946
Pour Julien Gracq, l'art est un assentiment au monde et la poésie requiert « le sentiment d'une sève humaine accordée en profondeur aux saisons, aux rythmes de la planète ». En ce sens, il emploie volontiers l'expression de « plante humaine », comme dans ce texte, publié dans la deuxième édition de Liberté grande, son recueil de poèmes en prose.

La sieste en Flandre hollandaise

Nulle angoisse dans ce labyrinthe impeccable et soigné, au vert profond de pelouse anglaise : l'homme est là tout près, et les routes carrossables ; il suffirait de faire un signe, mais c'est l'envie de faire ce signe qui manque, et on s'aperçoit que le besoin cesserait très vite, pris dans le dédale obsédant des chambres de verdure, de s'orienter vers aucun point de ralliement. L'idée tout à coup vous traverse qu'on pourrait s'étendre là, ne plus penser à rien, enfoui dans le manteau épais et l'odeur de feuilles fraîches, le visage lavé par le vent léger, le bruissement doux et perpétuel des peupliers dans les oreilles vous apprivoisant à la rumeur même de la plénitude. Une certaine base, essentielle à la vie, précipite seulement dans cet immense volume de calme. Tout est soudain très loin, les contours de toute pensée se dissolvent dans la brume verte, la dernière chambre du labyrinthe donne sur une disposition intime de l'âme où l'on craint de regarder : la fleur mystérieuse qu'elle abrite, c'est à la plante humaine qu'il est demandé de la faire s'entrouvrir dans une ivresse d'acquiescement aux esprits profonds de l'Indifférence.

On cède de tout son long à l'herbe. La pensée évacue ses postes de guet fastidieux et replie le réseau de ses antennes inutiles; elle reflue de toutes parts vers la ligne d'arrêt de la pure conscience d'être; elle n'est plus aux frontières du corps qu'une légère sueur qui ne semble faite que pour nous rafraîchir en s'éva-porant à mesure, dissiper dans le néant un trop-plein de sève qui monte, dans l'épaisse sécrétion végétale, de l'apoplexie de cette nature verte et de cette argile qui se souvient intimement de la mer. Le monde reflue sur nous compact dans le retrait des pointes acérées de l'interrogation qui le dilacère ; le corps qui fait fléchir sous l'herbe la vase encore molle ne se sent plus fait que pour prêter à la respiration vorace qui le soulève le sentiment d'une liberté fonctionnelle encore inconnue : on dirait que les pores de la terre sont ici plus ouverts qu'ailleurs. Plus d'horizon, mais plutôt l'opacité immatérielle d'un voile de tulle qu'approche de ce sommeil éveillé comme une moustiquaire une débauche sans mesure d'inattention : la contraction de cette fine bulle de transparence emprisonne autour de nous sans mutilation un morceau indifférencié de nature suffisante : rien de plus que ce froissement d'herbe frais sous les paumes, le scintillement sur le ciel des feuilles de tremble qui semble aiguiser l'immobilité, et dans ce milieu où toutes les pressions s'annulent et s'équilibrent, un ludion désancré qui flotte jusqu'à la nausée entre l'herbe et les nuages. Ce moment, et ce lieu exigu de la terre, tient en nous sa totalité et sa suffisance - il n'y a plus d'ailleurs - il n'y a jamais eu d'ailleurs - toutes choses communient parfaitement dans le perméable ; on se sent là, aux lisières attirantes de l'absorption, une goutte entre les gouttes, exprimée un moment avant d'y rentrer de l'éponge molle de la terre.

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Le Rivage des Syrtes

Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes, Éditions José Corti, 1951
En 1951, le prix Goncourt est décerné au roman de Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes. Près de deux ans après la publication de La littérature à l'estomac, Gracq reste sur sa position et refuse le prix.

Quand le souvenir me ramène - en soulevant pour un moment le voile de cauchemar qui monte pour moi du rougeoiement de ma patrie détruite - à cette veille où tant de choses ont tenu en suspens, la fascination s’exerce autour de l’étonnante, de l’enivrante vitesse mentale qui semblait à ce moment pour moi brûler les secondes et les minutes, et la conviction toujours singulière pour un moment m’est rendue que la grâce m’a été dispensée - ou plutôt sa caricature grimaçante - de pénétrer le secret des instants qui révèlent à eux-mêmes les grands inspirés. Encore aujourd’hui, lorsque je cherche dans ma détestable histoire, à défaut d’une justification que tout me refuse, au moins un prétexte à ennoblir un malheur exemplaire, l’idée m’effleure parfois que l’histoire d’un peuple est jalonné çà et là comme de pierres noires par quelques figures d’ombre, vouées à une exécration particulière moins pour un excès dans la perfidie ou la trahison que par la faculté que le recul du temps semble leur donner, au contraire, de se fondre jusqu’à faire corps avec le malheur public ou l’acte irréparable qu’ils ont, semble-t-il, au-delà de ce qu’il est donné d’ordinaire à l’homme, dans l’imagination de tous entièrement et pleinement assumé.

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Un Balcon en forêt

Julien Gracq, Un Balcon en forêt, Éditions José Corti, 1958
En 1940, Julien Gracq a trouvé dans la Drôle de guerre une situation d'attente qui rejoint l'un de ses tropismes littéraires. Près de quinze ans après, dans Un balcon en forêt, c'est ce climat qu'il décrit, de façon réaliste, mais dans le cadre imaginaire d'une maison forte des Ardennes.

La chambre était un grenier assez étroit dont les fenêtres donnaient sur la Meuse ; dans l’angle opposé au lit de fer, des fruits séchaient, étalés sur de vieux journaux qui tapissaient une commode bancale : l’odeur obsédante et douceâtre des pommes sures était si agressive qu’il eut un haut-le-cœur. Il ouvrit les fenêtres toutes grandes et s’assit sur une malle, complètement dégrisé. Les draps, les couvertures, fleuraient la pomme pourrie comme un vieux pressoir ; il tira le lit tout contre la fenêtre ouverte. La flamme de la bougie vacilla avec le lent courant d’air de la rivière ; entre les chevrons du toit, on apercevait les lourdes dalles de schiste de la Meuse, d’une étrange couleur lie de vin. Il se dévêtit, l’humeur très sombre : cette bourgade de fonderies, ces ruelles couleur de houille, le colonel, les pommes, tout, de cette prise de contact avec la vie de cantonnement, lui déplaisait. « Une maison-forte, songeait-il, qu’est-ce que cela peut être ? ».

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La Presqu'île

Julien Gracq, La Presqu’île, Éditions José Corti, 1970
Dans La Presqu'île, Julien Gracq réunit trois nouvelles, qui sont aussi ses trois derniers textes de fiction : « La Presqu'île », « La Route », et « Le Roi Cophétua ».

Pont-Réau est bien une des plus mornes petites villes de la lisière de la Bretagne intérieure. Elle est construite sur les deux flancs d'une vallée assez raide, qui tourne à angle droit au cœur même de l'agglomération ; on a ainsi l’illusion, en arrivant, d'un amphithéâtre de sombres maisons de schiste, dominé par la flèche sans grâce de l'église, maladroitement flanquée de clochetons trop corpulents. La voie ferrée a refoulé contre un versant le ruisseau qui coule invisible sous des buissons teigneux ; comme la gare est un embranchement et ne manque pas de quelque importance, les rails quadruplés semblent tenir lieu à la vallée de rivière ; une poussière de houille, une odeur de suie et de chaudière, montent de ce thalweg charbonneux et rouillé. L'impression que le visiteur retire de Pont-Réau est d'habitude une subite envie de s'en aller, mais la route le promène complaisamment par une longue boucle presque fermée - sorte de bolge dantesque, aggravé d'un passage à niveau - sur l'un, puis l'autre versant de cette station pénitentielle. « Achetons au moins le savon, pendant que j'y pense », se dit Simon, les narines désagréablement pincées par l'odeur de suie. Il arrêta sa voiture dans la dernière rue de boutiques. Dès qu'il sortit de la voiture, il sentit contre sa joue le toucher plaisant de l'air, dilaté et circulant à l'aise comme dans un parc à l'heure de l'arrosage, brassé entre le froid des façades ombreuses et le soleil encore cru. De marcher devant les magasins ouverts et parmi les passants des trottoirs qui allaient à leur travail le rendait dispos et léger : le jour ouvrable où il promenait à loisir sa flânerie, les vacances closes le ragaillardissaient : aucun de ces gens qu'il croisait n'allait à la mer; lui seul sentait le goût mouillé et sauvage du petit vent qui dévalait de la côte au bout de laquelle on voyait déjà se profiler les arbres de la campagne.

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Les Eaux étroites

Julien Gracq, Les Eaux étroites, Éditions José Corti, 1976
Dans Les Eaux étroites, au fil d’une promenade en barque sur l’Èvre, un affluent de la Loire, Julien Gracq retrouve et déchiffre les enchantements et sensations de son enfance.

Les images que déroule tout voyage initiatique renvoie chacune en énigme à une rencontre préfigurée qu'elles font pressentir et qui les achèvera ; la puissance d'envoûtement des excursions magiques, comme l'a été pour moi celle de l'Evre, tire sa force de ce qu'elles sont toutes à leur manière des « chemins de la vie », qu'elles en figurent obscurément à l'avance les climats et les étapes.

On s’abandonne les yeux fermés à l’eau qui, inépuisablement, ouvre les chemins ; nulle excursion n’est plus envoûtante que celle où le bien-être inhérent à tout voyage au fil de l’eau se double de la sécurité magique qui s’attache au fil d’Ariane. Ainsi, pendant de longues minutes, la barque progresse dans le silence glauque ; en même temps que le soleil, les falaises arrêtent jusqu’au moindre souffle d’air. Au milieu de l’excursion de l’Èvre, ces moments de silence, dans ma mémoire, viennent se poser, comme un long point d’orgue ; ce silence, un doigt sur les lèvres, debout et immobile, et matérialisé à demi au creux de ces étroits pleins de présences païennes, c’est vraiment le « génie du lieu » qui l’impose.

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En lisant en écrivant

Julien Gracq, En lisant en écrivant, Éditions José Corti, 1980
Dans En lisant en écrivant, Julien Gracq souligne l’importance du continuum existant entre la lecture et l’écriture. L’essai tient un propos essentiel sur les enjeux littéraires. Le passage suivant montre l’importance qu’il accorde au cadre, au paysage, en écrivain-géographe.

Qu'est-ce qui nous parle dans un paysage ?

Quand on a le goût surtout des vastes panoramas, il me semble que c'est d'abord l'étalement dans l'espace - imagé, apéritif - d'un « chemin de la vie », virtuel et variantable, que son étirement au long du temps ne permet d'habitude de se représenter que dans l'abstrait. Un chemin de la vie qui serait en même temps, parce qu'éligible, un chemin de plaisir. Tout grand paysage est une invitation à le posséder par la marche ; le genre d'enthousiasme qu'il communique est une ivresse du parcours. Cette zone d'ombre, puis cette nappe de lumière, puis ce versant à descendre, cette rivière guéable, cette maison déjà esseulée sur la colline, ce bois noir à traverser auquel elle s'adosse, et, au fond, tout au fond, cette brume ensoleillée comme une gloire qui est indissolublement à la fois le point de fuite du paysage, l'étape proposée de notre journée, et comme la perspective obscurément prophétisée de notre vie. « Les grands pays muets longuement s'étendront...  » mais pourtant ils parlent ; ils parlent confusément, mais puissamment, de ce qui vient, et soudain semble venir de si loin, au-devant de nous.

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La Forme d'une ville

Julien Gracq, La forme d’une ville, Éditions José Corti, 1985
Julien Gracq a vécu à Nantes ses années de collège et de lycéen. Dans La forme d'une ville, il parcourt à nouveau la ville en superposant à ses souvenirs l’empreinte qu’ils ont laissée en lui.

L’ancienne ville – l’ancienne vie – et la nouvelle se superposent dans mon esprit plutôt qu’elles ne se succèdent dans le temps. [...] La chance a fait de ces années de mon enfance et de mon adolescence un gisement que la vie a monnayé, une richesse toujours mobilisable que je prodigue à mon gré sans m’en sentir jamais plus pauvre. Reprenons donc le chemin des rues de Nantes, non pas à la rencontre d’un passé que je ne voudrais mettre à ressusciter aucune complaisance, mais plutôt de ce que je suis devenu à travers elles, et elles à travers moi.

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Nœuds de vie

Julien Gracq, Nœuds de vie, Éditions José Corti, publié posthume en 2021

Quand la Terre comptera vingt milliards d’hommes et se débattra et s’enfoncera comme un seul homme qui s’enlise dans la seule bouillie étouffante du social, je souhaite seulement que mes livres demeurent sur quelque rayon perdu […] les témoins d’une époque où il y avait encore sur la planète quelques interstices de vide et de solitude, des espaces d’eaux qui n’étaient pas toutes entières des eaux usées, un peu d’air qui n’avait pas encore le goût des poumons de notre prochain.

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