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Parcours pédagogique

La liberté de la presse

Par Daniel Salles, Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI)
Liberté de la presse
Travailler sur les médias permet de s'interroger sur les valeurs de nos sociétés : la liberté de la presse est une liberté fondamentale garantie par la loi dans le cadre de la liberté d'expression que permet la démocratie. En France, elle fut obtenue au prix de longues luttes mais elle est loin d'exister aujourd'hui dans nombre de pays.
Les objectifs de ce parcours pédagogique : Amener les élèves à prendre conscience du lien entre démocratie et liberté de la presse ; Découvrir quelques étapes clés du combat pour la liberté de la presse ; Connaître la loi de 1881 ; Faire analyser aux élèves des représentations de la censure et dégager les modes de figuration d'une idée ; Amener les élèves à prendre conscience des limites actuelles de la liberté de la presse dans le monde.
Les ressources pour réaliser l'activité

Questions

Que met en valeur la composition de l'image ?

Quels attributs permettent d'identifier en partie les personnages représentés ?

Quels sens donnez-vous à leur apparence physique et à leurs gestes ?

Quelle est l'intention de Daumier ?

Réponses

La composition de l'image met en valeur le personnage central grâce à sa position au premier plan et à sa taille, vraiment supérieure à celle des personnages des deux autres groupes.

On constate qu'un dessin satirique est difficile à comprendre car nourri de références très précises aux événements de l'époque dont on ne dispose plus des clés, d'où l'importance des recherches préalables. Mais les attributs des personnages permettent de les identifier en partie. Les vêtements du personnage central nous permettent de reconnaître en lui un ouvrier et son chapeau de papier un ouvrier typographe. Il personnifie la liberté de la presse dont il est une allégorie, ce que précise l'inscription en grosses lettres. Dans le groupe à gauche derrière lui, on peut reconnaître un membre de la justice (il s'agit de Persil, procureur général devenu ministre de la Justice en 1834 et chargé des poursuites judiciaires contre la presse) et le roi Louis-Philippe en habits bourgeois grâce à la cocarde de son chapeau et à son parapluie, attributs avec lesquels il est souvent représenté. Le troisième homme est Odilon Barrot, avocat et homme politique. Le groupe de gauche est constitué de trois rois identifiables par leur couronne. Celui qui est à terre est Charles X : il symbolise les attaques contre la presse dont le peuple est venu à bout en 1830.

L'ouvrier typographe est solidement campé sur ses grands pieds, les manches retroussées de sa chemise mettent en valeur ses muscles, ses poings fermés et son regard montrent sa détermination. Il menace le roi Louis-Philippe à sa gauche. On peut lire aux élèves la description que fait Baudelaire de ce colosse, qui ajoute des éléments au dessin qu'il décrit de mémoire, peut-être par confusion avec une autre lithographie de Daumier intitulée Ah ! tu veux te frotter à la presse où un imprimeur écrase Louis-Philippe sous sa presse à imprimer : « Je me rappelle encore un fort beau dessin qui appartient à la même classe : La Liberté de la Presse. Au milieu de ses instruments émancipateurs, de son matériel d'imprimerie, un ouvrier typographe, coiffé sur l'oreille du sacramentel bonnet de papier, les manches de chemise retroussées, carrément campé, établi solidement sur ses grands pieds, ferme les deux poings et fronce les sourcils. Tout cet homme est musclé et charpenté comme les figures des grands maîtres. Dans le fond, l'éternel Philippe et ses sergents de ville. Ils n'osent pas venir s'y frotter. »

Le procureur et surtout l'avocat retiennent le roi qui vitupère et menace en brandissant son parapluie. (Au 19e siècle, seules les classes supérieures ont un parapluie. Louis-Philippe, soumis aux intempéries lors d'un voyage en France, acclamé par le peuple tandis qu'il était mouillé, repoussa le manteau qu'on lui tendait pour recevoir la pluie « comme le peuple ». Le prosaïque parapluie, symbole des émigrés, devint l'attribut de ce roi bourgeois). Deux rois étrangers s'empressent auprès de Charles X, à terre, pour avoir reçu un coup de poing de l'ouvrier typographe. L'un d'eux a les bras chargés de sacs de pièces. Ils symbolisent la réaction.Daumier, représentant de la presse libre et indépendante, adresse une mise en garde sévère à Louis-Philippe. La menace est à la fois claire dans le dessin (l'ouvrier symbole de la liberté de la presse menace physiquement le roi) et dans le titre écrit sous une forme injonctive : si vous vous attaquez à la liberté de la presse, vous courez les mêmes risques que Charles X, qui a été récemment renversé. La presse peut faire tomber les rois !

Source : Daniel Salles, Les images de presse, coll. 1, 2, 3 séquences, CRDP de Grenoble, mai 2004

Les ressources pour réaliser l'activité

Chercher dans l'album « Les premiers journaux » quelques journalistes et journaux célèbres de la Révolution française, moment où la liberté de la presse a existé en France.

Comparer quelques dessins du passé sur le thème de la censure et observer comment sont représentées la censure et la presse (personnages réels ou allégoriques, objets et symboles...). On peut s'aider de cet album consacré à la censure et à la caricature aux 19e siècle.

Récupérer le texte de la loi de 1881 et répondre aux questions : Quels sont les grands chapitres de cette loi ? Que garantissent les articles 2 et 5 ? Comment sont protégées les personnes nommées ou désignées dans un journal ? Quels sont ces délits sanctionnés par la loi ? Qui peut sanctionner les délits commis ?

Les ressources pour réaliser l'activité

Organiser une exposition sur le thème de la liberté de la presse au CDI.

Comparer quelques dessins réunis par Cartooning for peace sur le thème de la censure et observez comment sont représentées la censure ou les censeurs et la presse (personnages réels ou allégoriques, objets et symboles...).

Objectifs

Analyser comment la liberté d'expression décuplée par Internet autorise tout citoyen à devenir journaliste.

Interroger ce « journalisme citoyen » au regard de la liberté de la presse « traditionnelle ».

Matériel et organisation

Mettre à disposition des élèves des journaux papier ayant une rubrique « courrier des lecteurs ». Prévoir un accès Internet pour analyser quelques sites de presse. Travail en groupes : chaque groupe dispose d'un titre papier, et doit aussi analyser un titre de presse en ligne, qui peut être la version Internet du journal papier dont ils disposent. Prévoir un groupe sur le site de journalisme citoyen Agoravox.

Déroulement

Analyse de la page d'accueil du journal en ligne pour mettre en évidence de l'espace de publication réservé au lecteur numérique.

Demander aux élèves de lister les zones interactives, c'est-à-dire les zones où le lecteur peut intervenir, pour en dégager la grande variété : blog de la rédaction ou d'invités ; forum de discussion sur un sujets ; chat avec l'invité de la rédaction ; suggestion de sujets d'articles ; transmission de photos ou vidéos relevant du scoop ; vote sur tel ou tel sujet ; clic sur une publicité pour en savoir plus ou la fermer. Observer que, dans les quotidiens imprimés, des rubriques laissent déjà la parole aux lecteurs et à des intervenants non-journalistes (le courrier des lecteurs, « Rebonds » dans Libération, « Débats & Opinions » dans Le Figaro, « Tribune libre » dans L'Humanité…) Montrer que ces interventions du lecteur sont cependant plus limitées en terme d'espace et n'ont pas la spontanéité offerte par le Net. Affiner le constat, en listant les rubriques où le lecteur peut intervenir sur l'actualité : rubriques « À votre avis », « Annoncer un événement », « Réagir à cet article », « Vous êtes témoin d'un événement, contactez-nous ». Amener les élèves à comprendre que la liberté d'expression ne naît pas d'Internet, mais de conditions politiques plus anciennes. Internet, facteur technique, ne fait que démultiplier les possibilités d'expression et d'échanges des internautes.

Montrer en quoi l'internaute se fait journaliste.

L'internaute est invité par les sites en ligne à fournir des informations susceptibles d'intéresser les lecteurs du journal, y compris des photos ou vidéos, contributions qui, en pratique, restent marginales. Les interventions de l'internaute relèvent essentiellement du commentaire de l'actualité, voire d'échanges avec le journaliste. Amener les élèves à porter un regard critique sur certaines interventions, sur le fond comme sur la forme (pseudos improbables, fautes d'orthographe, réaction à chaud relevant plus de l'émotion que des faits eux-mêmes, etc.). Sur Agoravox, faire constater aux élèves que la profession des journalistes qui écrivent est en général sans lien avec la presse : ils s'expriment sur un sujet qui les intéresse et dont ils sont parfois spécialistes, ils commentent ou ils éclairent, ils n'enquêtent pas, contrairement au journaliste professionnel. Formellement, cela se traduit par l'émancipation vis-à-vis des règles journalistiques classiques : les articles ne sont pas toujours précédés de chapeau, aérés d'intertitres, les images manquent parfois de légendes et crédits photographiques. Conclusion : Internet favorise plus la liberté d'expression que la liberté de la presse. Le « journalisme » de l'internaute est plus un exercice de commentaire que d'investigation ou d'enquête.

Séance extraite de : Solenn Duclos, La liberté de la presse en France. Héritage et actualité Clemi/Scéren, 2011, pp.60-61

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