Les animaux du Livre de chasse de Gaston Phébus


















Le Livre de la chasse dédié en 1389, par Gaston Phébus au duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, est un art de vénerie particulièrement novateur. Ayant connu un succès certain dans les milieux aristocratiques, il a donné lieu à de superbes manuscrits illustrés. Le manuscrit français 616 de la BnF, réalisé probablement au 15e siècle, est l'un de ceux-ci. Il montre - avec plus ou moins d'acuité - chaque espèce animale citée par l'auteur dans ses diverses activités, ainsi que les différentes manières de chasser.
Prologue du livre de chasse de Gaston Fébus
« C'est du troisième office, dont je doute d'avoir eu nul maître, si vaniteux que cela semble, que je voudrais parler, c'est-à-dire de la chasse, et je traiterai par chapitres de toutes les espèces de bêtes que l'on chasse communément, de leurs manières et de leur vie [...] Et je parlerai premièrement des bêtes douces qui viandent, parce qu'elles sont plus gentilles et plus nobles : et premièrement du cerf et de toute sa nature, secondement du renne et de toute sa nature, troisièmement du daim et de toute sa nature. »
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Bibliothèque nationale de France
Du cerf et de toute sa nature
« C'est bonne chasse que du cerf, car c'est belle chose que bien quêter un cerf et belle chose le détourner, et belle chose le laisser courre, et belle chose le chasser, et belle chose le rechasser, et belle chose les abois, soit sur eau, soit sur terre, et belle chose la curée, et belle chose bien l'écorcher, bien le dépecer et lever les droits, et belle chose et bonne la venaison. Et c'est belle bête et plaisante, si bien qu'à tout considérer, je tiens que c'est la plus noble chasse à laquelle on puisse se livrer. »
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© Bibliothèque nationale de France
Du renne et de toute sa nature
« Le renne est une bien étrange bête [...] Premièrement sa tête est bien singulière, car il l'a plus grande et plus chevillée que le cerf et porte bien quatre-vingts cors et parfois moins, selon qu'il sera vieux et grand renne. [...] Quand on le chasse, il fuit peu, à cause de la grande charge qu'il a sur la tête, mais tantôt il s'accule à un arbre pour que rien ne le puisse aborder que devant, et il courbe la tête vers le sol. »
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Du daim et de toute sa nature
« Le daim [...] n'a point le poil comme le cerf, car il y a plus de blanc, ni la tête non plus. Il est plus petit que le cerf et plus grand que le chevreuil. Sa tête est paumée de longue ramure et porte plus de cors que celle d'un cerf. [...] Quand les chiens les chassent, ils tournent dans leur pays et ne font pas aussi longue fuite que le cerf, car ils esquivent les chiens plusieurs fois; mais ils fuient très longtemps et toujours, s'ils peuvent, en suivant les chemins, et toujours avec le change. »
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Du bouc et de toute sa nature
« Des boucs il y a deux manières : les uns s'appellent boucs sauvages et les autres boucs isards. Les boucs sauvages sont bien aussi grands de corps qu'un cerf, mais ils ne sont pas si longs ni si hauts en jambes, bien qu'ils aient autant de chair. [...] Ils ne jettent ni ne muent leurs têtes et n'ont point de meules comme les cerfs ou autres bêtes. [...] Les autres boucs isards [...] sont beaucoup plus petits, car ils ne sont guère plus grands qu'un bouc privé. Leurs natures et vies sont comme celles d'un grand bouc sauvage. »
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Du chevreuil et de toute sa nature
« Il n'y a point de saison pour la chasse au chevreuil, car il ne porte point de venaison, mais on doit renoncer à chasser les femelles, afin de ne pas perdre les faons dont elles sont prises, jusqu'à ce qu'elles aient faonné et que leurs faons puissent vivre sans elles. C'est bonne chasse, car elle dure toute l'année et ils font bonne fuite et plus longue que ne fera un grand cerf en pleine saison. [...] La chair du chevreuil est la plus saine qu'on puisse manger de bêtes sauvages. »
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Du lièvre et de toute sa nature
« Le lièvre fuit de diverses manières, car certains fuient tout droit, tant qu'ils peuvent tirer, une ou deux lieues, puis ils fuient et refuient sur eux-mêmes et s'arrêtent quand ils n'en peuvent plus ; et ils se font prendre, sans que de tout le jour on les ait vus, la première fois qu'ils ressautent, parce qu'ils sont à bout de forces. D'autres fuient un peu et puis demeurent et font cela bien souvent, et puis prennent leur fuite si loin qu'ils peuvent pour mourir. D'autres enfin se font prendre en leur gîte même. »
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Du lapin et de toute sa nature
« Et qui veut avoir bonne garenne de lapins doit les chasser deux ou trois fois la semaine avec des épagneuls qui s'appellent chiens d'oiseaux, et les faire enclore; car autrement ils vident volontiers le pays, si on ne les tient toujours près de leurs clapiers ou terriers [...] On les prend comme les lièvres et aussi aux furets, quand ils sont dans leurs terriers. La chair du lapin est meilleure et plus saine que celle du lièvre, car celle du lièvre est mélancolique et sèche, plus que celle du lapin. »
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De l’ours et de toute sa nature
« Les ours sont de deux conditions : les uns grands de leur nature, et les autres petits de leur nature, même s'ils sont vieux. Toutefois, leurs mœurs, vies et conditions sont identiques, mais les grands sont les plus forts et mangent parfois des bêtes privées. Ils sont merveilleusement forts par tout le corps, sauf la tête qu'ils ont si faible que, s'ils y sont frappés, ils restent tout étourdis; et s'ils y sont fortement frappés, ils meurent. »
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Du sanglier et de toute sa nature
« Ils ont quatre dents : deux en la barre de dessus et deux en la barre de dessous; je ne parle pas des petites qui sont comme celles d'un autre porc. Les dents de dessus ne lui servent à rien qu'à aiguiser celles de dessous et à les rendre tranchantes; et celles de dessous s'appellent les armes ou limes du sanglier, avec quoi il fait le mal. Celles de dessus s'appellent grès [...]. C'est tout au plus si un sanglier vit vingt ans. Il ne change jamais ses dents ni ne les perd, si ce n'est par suite d'un coup. »
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Du loup et de toute sa nature
« Le loup est assez commune bête [...] Il va communément quérir sa vie la nuit, parfois le jour, quand il a grand faim, et il y en a qui chassent les cerfs, sangliers et chevreuils et sentent autant que des mâtins; et ils prennent des chiens tant qu'ils peuvent. Il y en a qui mangent les enfants et parfois les hommes, et après qu'ils se sont acharnés aux hommes, ils ne mangent nulle autre chair, mais se laisseront plutôt mourir : on les appelle loups-garous, car on doit s'en garder. »
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Du renard et de toute sa nature
« Le renard [...] vit de toutes vermines, de toutes charognes et ordures; mais sa meilleure nourriture et celle qu'il préfère, ce sont gélines et chapons, canes et oies, petits oiseaux sauvages quand il les trouve à point, papillons, grillons, lait, fromage et beurre. Ils font grand dommage aux garennes de lapins et de lièvres, qu'ils prennent et mangent volontiers par leur grande subtilité et malice et non pas à la course. Il y en a qui chassent comme les loups, d'autres qui ne vont qu'aux villages quérir leur proie. »
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Du blaireau et de toute sa nature
« Le blaireau ou taisson [...] demeure volontiers dans la terre ou, s'il en sort, ce n'est guère loin de ses fosses. Il vit de toutes vermines et charognes et de tous fruits et d'autres choses, comme le renard, mais il n'ose pas tant s'aventurer de jour, car il ne sait ni ne peut fuir. Il vit plus de sommeil que d'autre chose. Ils font leurs petits une fois l'an, comme les renards et, comme eux, dans les fosses. Quand on les chasse, ils se défendent fort et ont la morsure venimeuse comme le renard. »
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Du chat et de toute sa nature
« Le chat est assez commune bête [...] Toutefois, il y a diverses espèces de chats sauvages : spécialement il y en a qui sont grands comme des léopards, et on les appelle tantôt loups-cerviers, tantôt chats-loups; et c'est mal dit, car ils ne sont ni loups-cerviers ni chats-loups. Il vaudrait mieux les appeler chats-léopards qu'autrement, car ils ont plus de traits communs avec le léopard qu'avec aucune autre bête. »
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De la loutre et de toute sa nature
« La loutre [...] vit de poissons et demeure autour des rivières, viviers et étangs; elle mange aussi parfois des herbes des prés, quand elles sont tendres. [...] Elle nage à la surface des rivières ou par-dessous, quand il lui plaît, et ainsi nul poisson ne lui peut échapper s'il n'est pas trop grand. [...] La loutre a mauvaise morsure et venimeuse aussi, et se défend bien de toutes ses forces contre les chiens. Et quand elle est prise dans les cordes et filets, si on n'arrive tôt, elle rompt les cordes avec ses dents et se délivre. »
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Comment le bon veneur doit chasser et prendre le cerf avec force
« Le veneur doit avoir de gros houseaux de cuir épais pour le préserver des épines et des ronces des bois, et il doit être vêtu de vert en été pour le cerf, et pour le sanglier, en hiver, de gris, porter le cor au col, l'épée au flanc, et le couteau à dépecer de l'autre côté. Il doit être bien monté de trois grands chevaux et tenir de sa main gantée l'estortoire, qui est une baguette de deux pieds et demi de long. »
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Ci devise comment on doit chasser et prendre l'ours
« Et quand le veneur voudra chasser l'ours, le meilleur et le plus sûr est d'aller en quête avec son limier, car à l'oeil il dépasserait trop souvent les routes, alors que le chien sent en bien plus de lieux qu'il n'en pourrait voir. Et s'il n'a point de limier, il faut qu'il quière l'ours en tirant au hasard, ainsi que l'ai dit du daim et du chevreuil. Et comme j'ai dit plus haut de sa nature et de ses mangeures, il doit aller en quête selon les temps où il les fait. »
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Ci devise comment on doit chasser et prendre le sanglier
« Et quand le veneur voudra chasser le sanglier et qu'on l'aura laissé courre, il ne doit pas laisser courre tous ses chiens, car un sanglier fuit bien longuement et en tue et blesse un certain nombre, et, s'il n'avait pas de chiens frais et nouveaux, il pourrait manquer de le prendre. Il doit donc établir deux ou trois relais. Le veneur doit chevaucher en suivant ses chiens de près; et s'il veut, quand il est à cheval, porter un épieu dans sa main, il a bien raison, encore que ce soit plus belle chose et plus noble de frapper le sanglier de l'épée. »
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