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Anthologie

Eugène Huzar, inspirateur de récits d'anticipation au 19e siècle

En pleine exposition universelle de 1855, Eugène Huzar est l'un des premiers à remettre en cause le progrès technologique et à imaginer les conséquences néfastes de ces transformations sur notre environnement. La parution de La Fin du monde par la science a un effet immédiat : plusieurs récits d'anticipation utilisent cette pensée catastrophiste pour évoquer une ville de Paris en ruines, désertée et ravagée par divers cataclysmes causés par l'orgueil des hommes.
 

L'orgueil de la science, péché du monde

Eugène Huzar, La fin du monde par la science, 1855, p. I-IV (préface)
Dans la préface à La fin du monde par la science (1855), Eugène Huzar appuie sa pensée catastrophiste sur des exemples d'orgueil scientifique ayant dans le passé mené l'homme à sa chute.

But et division de ce livre.

Nous le disons tout d’abord, le but de ce livre est de prouver à nos lecteurs que ce qui a été sera ; car, selon nous, le passé n’est que le miroir de l’avenir.

Dans nos prolégomènes, nous avons cherché à faire comprendre au lecteur l’origine de cette intuition (ce qui a été sera) ; c’était à l’occasion d’expériences scientifiques faites sous nos yeux, pendant un cours, hélas trop célèbre ! En voyant ces atômes infiniment petits, produits de la science ; ces fluides invisibles, impondérables ; ces gaz intangibles produire des effets si terribles, si inattendus, nous nous sommes demandé si l’homme, étendant sans cesse sa domination sur les énergies de la nature, n’amènerait pas fatalement, et malgré lui, une de ces catastrophes dernières qui sont le dernier jour d’un monde.

Nous avons ensuite, dans notre introduction, que nous recommandons à nos lecteurs de ne jamais perdre de vue, car sans elle on ne peut comprendre le sens de ce livre, développé l’éternelle loi du drame humain.

Ces préliminaires une fois bien établis,  – nous avons divisé notre ouvrage en trois livres : le présent, le passé et l’avenir, reliés entre eux par une seule et même formule : l’orgueil de la science, ce vieux péché du monde, qui a été cause de la chute de l’homme dans le passé, sera encore cause de sa chute dans l’avenir. Cette formule seule répond aux trois mots posés par la philosophie : où suis-je ? d’où viens-je ? où vais-je ?

Dans le livre premier, le PRÉSENT, nous avons cherché à prouver que la diffusion des lumières serait une source de progrès indéfinis, amenant une catastrophe certaine.

Dans le livre deuxième, le PASSÉ, nous avons établi, en nous appuyant sur toute l’antiquité religieuse, que le péché originel n’a d’autre sens que l’exagération de la science et de la force, amenant fatalement la chute de l’homme, c’est-à-dire une catastrophe universelle. Aussi combattons-nous dans ce livre toutes les autres théories émises jusqu’à nous sur le péché originel, et surtout celles de Jean Reynaud et Creuzer. Nous prouvons le peu de valeur de leurs théories, si impuissantes selon nous, pour expliquer le grand drame humain, et d’ailleurs complètement en contradiction avec les religions de l’antiquité.

Dans le livre troisième, l’AVENIR, la fin du monde, nous avons examiné toutes les théories de l’antiquité sur un si grave sujet, et nous avons cherché à montrer que toutes les religions ont annoncé la fin du monde devant arriver fatalement par l’exagération de la science et de la puissance ; or, comme nous avons prouvé dans le livre premier, Le Présent, que l’humanité progressait d’une manière indéfinie ; dans le livre second, Le Passé, que la chute de l’homme avait eu lieu autrefois par l’exaltation de la puissance et de la science, nous pouvons conclure dès aujourd’hui, en voyant les progrès rapides de notre époque, que ces progrès inouïs devront un jour aboutir à une catastrophe planétaire, résultant de l’exagération même de la puissance et de la science de l’homme.

Donc, ce qui a été sera, car le passé n’est pour nous que le miroir de l’avenir.

Eugène Huzar, La fin du monde par la science : Paris, E. Dentu, 1855.

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Découverte des ruines de Paris par la famille Zébulon

Joseph Méry, Les Ruines de Paris, 1856.
Dans Les Ruines de Paris, des savants citoyens d’une France établie en Afrique, en l’an 3509, découvrent les décombres de la ville qui a disparu dans « les divers cataclysmes que la terre a subi, soit de la part des hommes, soit de la part des éléments ». Si le ton est nettement ironique, la filiation avec Eugène Huzar ne fait aucun doute, comme le montre l’ouverture et les dévastations qu’elle décrit.

 

Le phalanstère atlasien est, sans contredit, la plus charmante création de la Fraternité africaine : ce coin de terre ne renferme que trois mille familles, mais il est proposé comme résidence modèle à tous les peuples de la Nouvelle-France, depuis Alger jusqu’aux sources du Nil.

L’amour des hautes études archéologiques a poussé deux voyageurs du phalanstère atlasien à visiter cette antique terre de France, où la civilisation a jeté ses premières lueurs, et dont l’histoire physique et morale n’est plus aujourd’hui qu’un chaos sans guide et sans rayon.

Denis Zabulon et Jérémie Artémias sont les flambeaux de la science moderne. Le premier a pour aïeul l’immortel physicien à qui le genre humain doit une paix inaltérable. On sait que ce grand philanthrope inventa, vers l’an 3509, cette admirable machine qui détruisit deux flottes de cinq mille vaisseaux à vapeur, et cent trente-trois mille combattants, en moins de temps qu’il n’en faut à une horloge pour sonner midi. Le sublime inventeur avait découvert que l’atmosphère maritime est inflammable sur une étendue de cent lieues carrées, et s’embrase spontanément au moyen d’un tison d’amiante pulvérisée. Avant cette découverte, les vaisseaux, armés de simples canons à la Paixhans perfectionnés, ne vomissaient qu’un millier de bombes incendiaires à la minute, de sorte qu’un tiers des deux flottes ennemies surnageait toujours après la bataille. L’aïeul Zabulon, en popularisant son philanthropique secret de destruction, obligea deux flottes à s’incendier naturellement jusqu’à la dernière chaloupe et au dernier matelot. Aussi, depuis trois siècles, on ne se bat plus dans l’univers ; l’excès du mal a engendré le bien.

L’univers a récompensé cette généreuse découverte en accordant à perpétuité à la famille Zabulon, jusqu’au jugement dernier, une pension de dix mille phalanstères d’or, hypothéqués sur le trésor du genre humain, à la mine de Quito. Denis Zabulon dépense noblement cette fortune héréditaire, et la fait servir au besoin ou aux plaisirs des frères Mappe-mondains.

Joseph Méry, Les Ruines de Paris, 1856.

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Disparition d'une partie de l'espèce humaine

Alfred Bonnardot, Archéopolis, 1858, p. 76-82.
Dans Archéopolis d’Alfred Bonnardot, le narrateur est projeté en l’an 9957. Il arpente les ruines des anciennes Tuileries quand il rencontre une expédition de savants africains qui l’emmènent comme spécimen. La civilisation du 21e siècle a sombré dans des cataclysmes technologiques dont l’inspiration est aussi manifestement huzarienne, comme le montre la récitation par un jeune enfant des « Grandes Annales de France ».  

« Vers le milieu du XXIe siècle, les sciences, les arts et l’industrie avaient atteint leur apogée chez les nations civilisées du globe, reliées entre elles par des voies de fer, des télégraphes électriques et des tunnels sous-marins. Les machines, multipliées à l’infini, appliquées à tout, avaient supprimé, ou à peu près, l’emploi de la force humaine. Elles élevaient presque seules les maisons, opéraient le labour, les semailles et les récoltes ; confectionnaient le pain, les meubles, les vêtements ; tuaient et dépeçaient les animaux destinés à l’alimentation publique. Le plus pauvre se procurait tous les objets de première nécessité, à la charge, bien légère, de surveiller, à tour de rôle, les mouvements de quelques machines placées sous la direction d’un ingénieur : il n’y avait plus que des indigents volontaires.

C’était, allez-vous dire, le retour de l’antique âge d’or ; détrompez-vous : cette époque fut l’âge de fer, au moral comme au physique. De l’état de bien-être matériel acquis à l’humanité devait naître sa ruine. Il semblait que Dieu voulût châtier l’homme pour avoir dérobé trop de fruits à l’arbre de la Science. La multiplication sur certains points du globe des chemins de fer et des fils télégraphiques contrariait l’action normale de l’électricité de l’atmosphère. Ces immenses réseaux métalliques, dans certaines conditions, repoussaient, l’hiver, la neige fertilisante ; l’été, les orages bienfaisants. Des maladies jusqu’alors inconnues sévissaient sur l’espèce humaine, comme sur les plantes et le bétail qui servent à l’alimenter. Dans les entrailles du globe grondait une marée de vagues incandescentes qui ébranlaient des portions, jadis épargnées, de l’écorce terrestre. Vers le commencement du XXIe siècle, les grandes capitales de l’Europe, secouées par des efforts volcaniques, virent s’écrouler une partie de leurs habitations, et, vers ce même temps, le contact d’une comète asphyxiait tous les peuples de l’Amérique.

La foi religieuse s’était réfugiée au fond de quelques intelligences d’élite, comme dans son dernier sanctuaire ; mais le culte public n’était plus qu’une forme pour le plus grand nombre. Dépossédées du bienfait du travail manuel, des populations entières vivaient inactives, au jour le jour, l’ennui et le froid sentiment du réalisme dans l’âme. Partout l’oisiveté, passée à l’état chronique, avait engendré un dégoût de la vie, qui se traduisait par des milliers de suicides. Fatale inertie du corps et du cœur ! Les cerveaux seuls travaillaient chez les masses, et non plus les bras : c’était le renversement de la loi naturelle. Jamais plus ardente soif du superflu, du merveilleux, des projets irréalisables n’avait altéré l’imagination humaine. L’étude des arts, des lettres et des sciences n’était plus l’exception, mais le but banal de tous. Chacun se croyait appelé à un grand rôle intellectuel ; chacun voulait être l’enchanteur : il n’y avait plus d’enchantement. Les imprimeries, partout multipliées, vomissaient sans relâche et à vil prix des millions de livres. Toutes les mauvaises passions apportaient leur contingent de poisons redoutables dans ces vastes artères de la vie sociale, qu’on nomme la littérature.

De grandes convulsions morales suivirent de près l’absorption de ce virus mortel. La raison déserta les cerveaux, comme la religion s’était retirée des consciences. Les rivalités d’amour, de richesse, de commerce, de célébrité, d’influence politique, dégénérèrent en luttes acharnées, bassement hypocrites, égoïstes et perfides. Vers l’an 2050, une folie épidémique se propagea de proche en proche. Les nations civilisées étaient alors régies par des gouvernements impuissants à maîtriser les passions en l’absence du frein religieux, et composés de rouages étrangement compliqués. Leurs éléments hétérogènes, associés d’une manière factice, constituaient un pouvoir comparable aux poudres qui fulminent au moindre froissement : c’étaient des monarchies démocratiques, ou, si l’on préfère, des démocraties monarchiques. Il suffisait, pour qu’il y eût explosion, que le principe monarchique tournât à l’extrême tyrannie, ou que la base démocratique dégénérât en démagogie. Ce fut ce dernier élément qui amena la catastrophe. Une voix accusatrice s’éleva, on ne sait d’où, pour signaler à la haine des masses les ingénieurs en chef, qui représentaient la puissance financière et la classe aristocratique.

Des milliers de journaux se firent l’écho de cette voix fatale. Alors se réalisa l’antique apologue des Membres et de l’Estomac. Vu la faiblesse d’une autorité fictive et la rapidité des moyens de communication, tous les peuples se ruèrent à la fois vers le même abîme. Il s’organisa une conspiration, qui éclata simultanément sur tous les points. Partout les ingénieurs furent dépouillés, leurs biens furent confisqués ou les ingénieurs massacrés, et les machines anéanties, hormis celles destinées à la destruction, les seules qui devaient survivre pour le malheur des hommes.

Dans ces jours de fureurs sans limites, on incendia les châteaux et les fermes. Le feu épargna à peine une partie des réserves de grains, établies d’après des systèmes ingénieux que l’intelligence humaine avait mis des siècles à enfanter.

Quelques sages tentèrent en vain d’éclairer cette rage aveugle : que pouvait un atome de raison jeté au milieu de la démence générale ? Bientôt la nécessité fit tomber le bandeau. On voulut rétablir les machines agricoles, mais les sommités agricoles avaient été abattues. On décida que le labour serait provisoirement confié aux muscles de l’homme, comme aux temps barbares ; par malheur, les courages, si ardents à détruire, faiblirent devant le travail lent et pénible qui avait nourri les générations précédentes.

Les dernières ressources alimentaires furent gaspillées par les plus forts, comme sur un radeau de naufragés. Survint la famine, qui sème les cadavres ; puis la peste, qui les dévore.

Ainsi disparut une partie considérable de l’espèce humaine. Les populations survivantes, après d’effroyables convulsions sociales, reprirent peu à peu, mais sous une forme nouvelle, le cours de la civilisation. Toutefois, ce fut au prix d’innombrables souffrances et d’une longue régression avant que l’humanité ne retrouve une relative stabilité. »

Alfred Bonnardot, Archéopolis : Paris, Castel, 1859.

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Prédiction apocalyptique

Eugène Mouton, La fin du monde, 1872.
La fin du monde selon Eugène Mouton sera due à l’excès d’industrialisme. À force de brûler du charbon, de multiplier les machines, les bêtes et les hommes, la température augmentera tout autour du globe, qui s’embrasera d’un coup.

 

Voici donc ce qui va se passer.

Pendant une dizaine de siècles, tout ira de mieux en mieux. L’industrie surtout marchera à pas de géant. On commencera d’abord par épuiser tous les gisements de houille ; puis toutes les sources de pétrole ; puis on abattra toutes les forêts ; puis on brûlera directement l’oxygène de l’air et l’hydrogène de l’eau. A ce moment-là il y aura sur la surface du globe environ un milliard de machines à vapeur de mille chevaux en moyenne, soit mille milliard de chevaux-vapeur fonctionnant nuit et jour.

Tout travail physique est fait par des machines ou par des animaux : l’homme ne le connaît plus que sous la forme d’une gymnastique savante, pratiquée uniquement comme hygiène. Mais tandis que ses machines lui vomissent incessamment des torrents de produits manufacturés, de ses usines agricoles sort à flots pressés une foule de plus en plus compacte de moutons, de poulets, de bœufs, de dindons, de porcs, de canards, de veaux et d’oies, tout cela crevant de graisse, bêlant, gloussant, mugissant, glougloutant, grognant, nasillant, beuglant, sifflant, et demandant à grands cris des consommateurs !

Or, sous l’influence d’une alimentation de plus en plus abondante, de plus en plus succulente, la fécondité des races humaines et des races animales va de jour en jour en s’accroissant. Les maisons s’élèvent étage par étage ; on supprime d’abord les jardins, puis les cours. Les villes, puis les villages, commencent à projeter peu à peu des lignes de faubourgs dans toutes les directions ; bientôt des lignes transversales réunissent ces rayons.

Le mouvement progresse ; les villes voisines viennent à se toucher. Paris annexe Saint-Germain, Versailles, puis Beauvais, puis Châlons, puis Orléans, puis Tours ; Marseille annexe Toulon, Draguignan, Nice, Carpentras, Nîmes, Montpellier ; Bordeaux, Lyon et Lille se partagent le reste, et Paris finit par annexer Marseille, Lyon, Lille et Bordeaux. Et de même dans toute l’Europe, de même dans les quatre autres parties du monde.

[…] L’humanité, reculant peu à peu devant la mer, s’est répandue sur les plaines incommensurables que l’océan a abandonnées. Elle y a apporté sa civilisation foudroyante ; déjà, comme sur les anciens continents, l’espace commence à lui manquer.

La voilà dans ses derniers retranchements : c’est là qu’elle va lutter contre l’envahissement de la vie animale.
C’est là qu’elle va périr !

Eugène Mouton, La fin du monde, 1872.

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Rêveries politiques des derniers habitants de Paris.

Alfred Franklin, Les ruines de Paris en 4875, documents officiels et inédits, 1875, p. 121-125.
Les ruines de Paris en 4875, réédité à de nombreuses reprises, jusqu’en 1908 (il prend d’ailleurs le titre de Paris en 4908) prend la forme de rapports de savants canaques qui partent en expédition archéologique à Paris. Mais c’est sans compter sur les mœurs étranges des indigènes encore présents sur place…
 

Monsieur le Ministre,

C’est le désespoir dans le cœur que je prends la plume pour rédiger ce rapport, le dernier sans doute que Votre Excellence recevra de Paris. Je ne veux cependant tenter ici aucune justification de ma conduite, je ne veux me livrer à aucune récrimination contre les hommes que vous m’aviez donnés pour auxiliaires et qui ont si lâchement trahi le drapeau calédonien ; je dois à Votre Excellence un récit sincère et impartial des faits, le voici.

Depuis le commencement du mois de mars, j’avais remarqué parmi nos soldats quelques tendances à la mutinerie ; la répression fut prompte, énergique, et pourtant inefficace. Bientôt des murmures, des menaces même montèrent jusqu’à moi. J’interrogeai des officiers, et leurs réponses embarrassées, évasives, ne m’apprirent rien. Résolu à en finir, j’annonçai que je passerais les troupes en revue le lendemain. Je couchai à bord, et vers midi j’arrivais dans l’avenue des Chefs-Illustres, où tous les corps étaient rangés en bataille.

Un spectacle navrant s’offrit à mes yeux. La plupart des hommes avaient refusé de revêtir leur grand uniforme et portaient la tenue de travail. Mêlés aux indigènes, ils riaient, chantaient, fumaient leur pipe, se passaient de main en main des bouteilles, qu’une fois vidées, ils lançaient au loin. À mon arrivée, les officiers prirent leur rang, mais ils restèrent muets et impassibles. Dès les premiers pas que je fis dans l’avenue, je fus accueilli par des hourras, des exclamations, des cris confus dont je ne pouvais deviner le sens. Il semblait que ces malheureux eussent été subitement frappés de vertige. Je voulus parler, les cris redoublèrent, et je parvins à distinguer ces phrases : À bas le capital ! Plus d’exploitation de l’homme par l’homme ! Gloire aux syndicats ! Confédération générale du Travail ! etc., etc.

Je compris tout.

Je compris la faute que j’avais commise en laissant mes troupes fréquenter les indigènes. Mais les rêveries politiques de ces barbares étaient si naïvement insensées que la contagion de pareilles folies semblait impossible. Hélas, j’en suis convaincu aujourd’hui, ils ne se trompent point les érudits qui affirment que Nouméa doit son origine à une colonie française. La voix du sang s’est fait entendre, il n’a fallu qu’une étincelle pour réveiller des instincts assoupis depuis près de trente siècles !

Alfred Franklin, Les ruines de Paris en 4875, documents officiels et inédits, 1875, p. 121-125.

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