Pierre Bayle, précurseur de l'Encyclopédie

Professeur de philosophie à Rotterdam à la fin du 17^e siècle, Pierre Bayle est un libre penseur. Pour avoir demandé que chacun puisse professer la religion qu’il croit vraie, il suscite la colère des protestants au premier rang desquels, son vieil ami Jurieu. Après six années d’une polémique éreintante, les magistrats d’Amsterdam le privent de sa chaire de philosophie. Il ne peut plus enseigner et se consacre alors à la grande œuvre de sa vie : le Dictionnaire historique et critique (1695-1697).
Ouvrage unique en son genre, le Dictionnaire de Bayle repose sur une méthode rigoureuse dans l’établissement des faits par la critique des sources et sur un questionnement perpétuel, d’une insolence ingénue, à l’égard de toutes les idées reçues en philosophie et en théologie. Ce Projet et fragments d’un Dictionnaire critique, paru en 1692 à Rotterdam chez Reinier Leers, en constitue l’ébauche.

Bien qu’il ne puisse être considéré à strictement parler comme une encyclopédie, en raison des découpages très personnels que l’auteur a opérés dans le champ historique du savoir universel, le Dictionnaire de Bayle (1647-1706) occupe une place de marque dans l’histoire de la pensée encyclopédique entre âge classique et siècle des Lumières.
Les articles biographiques dont il est constitué, consacrés à un choix de grandes figures qui scandent l’histoire du savoir et de l’humanité, sont, en règle générale, formés de deux parties : la première délivre une information historique ; la seconde est faite de remarques critiques et de réflexions diverses, qui permettent d’élargir considérablement le propos initial de l’article. Par ce contournement qu’elles autorisent, la forme biographique et la disposition alphabétique du dictionnaire tendent à ouvrir — à défaut de couvrir — l’espace intellectuel d’une encyclopédie, confondue avec le mouvement historique de la pensée. Les longues remarques personnelles qui ponctuent cet ouvrage révèlent un esprit singulier et libéral. On y trouve un souci constant d’objectivité et de tolérance et un plaidoyer passionné pour « les droits sacrés de la conscience ». De longs articles sont consacrés aux minorités et aux « calomniés de l’Histoire ».

Emblème des Lumières, L'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers est la plus grande entreprise éditoriale du 18^e siècle : sous la direction de Diderot et d’Alembert, plus de cent cinquante collaborateurs rédigent quelque soixante-douze mille articles. Malgré la censure, ce vaste chantier va durer une vingtaine d’années et aboutir à la publication de dix-sept volumes de textes et onze volumes de planches. Une place inédite est faite aux arts « mécaniques » et aux métiers, jusqu’alors largement ignorés. En plaçant l’homme au centre de l’univers, l’Encyclopédie bouleverse la hiérarchie traditionnelle des connaissances et rejoint l’idéal philosophique de Diderot : répandre un savoir libre de tout préjugé et superstition pour engendrer liberté et bonheur.

Brillant polygraphe, esprit original et inventif, Denis Diderot s’est montré novateur dans tous les genres qu’il a abordés de sa plume alerte : drame bourgeois, roman où il imite et dépasse l’anglais Laurence Sterne (Jacques le fataliste), critique d’art enfin avec ses Salons.
Le siècle des Lumières le connut surtout comme le maître d’œuvre de l’Encyclopédie. Matérialiste et athée, comme ses amis Helvétius et d’Holbach, l’auteur du Rêve de d’Alembert se fit le chantre de la liberté de l’esprit et du corps.