Le travail photographié

Bibliothèque nationale de France / Société de géographie
Bolbec, seine inférieure
Dans À la recherche du temps perdu, Marcel Proust consacre de nombreux passages à la cité balénaire de Balbec. Son nom rappelle la ville de Bolbec située dans le pays de Caux en Normandie.
Bibliothèque nationale de France / Société de géographie
La photographie du monde du travail s'applique à un champ considérable de phénomènes ou de situations et se réalise à plusieurs échelles. L'industrialisation a en effet transformé radicalement des régions entières comme, par exemple, les bassins miniers et contribué à l'apparition de nouveaux paysages. Pour rendre compte de l'activité économique, le paysage industriel est ainsi le premier niveau qu'appréhende le photographe. Cette réalité nouvelle se décompose ensuite en multiples unités de production, usines, ateliers, chantiers, qui constituent chacune un cadre de travail, repère visuel que retient le photographe. Pénétrer à l'intérieur des bâtiments lui permet alors de détailler les machines et outils de production et de prendre enfin dans son objectif, en des attitudes plus ou moins posées, les hommes au travail.
Le district minier de Sysserte

« Conduits d’eau, puits et écluses de l’usine Haute-Sysserte (Oural) »
La légende de cette photographie pourrait annoncer une vue sans importance. C’est au contraire toute la démarche esthétique de Solomirsky qui s’exprime dans ce cliché, au-delà de l’intérêt purement documentaire. Les équipements industriels sont photographiés comme le seraient les détails architecturaux d’un monument et les puits quadrangulaires qui flanquent les bâtiments de l’usine se reflètent dans l’eau à la manière des tours d’un château. N’est-ce pas, au centre du domaine de Sysserte, la plus belle réalisation de ce capitaine d’industrie ?
© Bibliothèque nationale de France
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Diplômé de la faculté de droit de l'université de Moscou, Dimitri Solomirsky occupe plusieurs postes de fonctionnaire dans les domaines de la justice militaire, des postes et des affaires intérieures, mais il est surtout connu comme l'héritier d'un vaste domaine industriel au cœur de l'Oural : le district minier de Sysserte, dans la province de Perm, comprend cinq usines et le minerai de fer exploité en carrières est fondu dans les usines de Sysserte et Severskoy ; le domaine possède par ailleurs de vastes étendues forestières, nécessaires pour assurer la consommation de bois, et l'exploitation des tourbières fournit un combustible bon marché. L'intérêt de ce témoignage photographique sur les usines de Sysserte réside dans le fait qu'il est réalisé par le propriétaire lui-même. Solomirsky veut montrer un complexe industriel moderne – modèle – où les méthodes de production utilisent des technologies de pointe. L'accent est mis clairement sur les équipements et les bâtiments, même si le capitalisme industriel s'accompagne ici d'un développement sur le plan social, avec la construction d'hôpitaux comme d'institutions de prévoyance et la mise en place d'une caisse de retraite pour les ouvriers. En raison de la qualité des tirages et de la recherche esthétique dans la représentation des usines de production, ces photographies, parmi les premiers témoignages de l'art industriel, ont probablement été montrées ou réalisées pour l'exposition de Nijni-Novgorod de 1896, consacrée à l'industrie et aux beaux-arts, exposition à laquelle participaient les représentants des usines de Sysserte.
Le Queensland

Woolclassing. Jimbour Station
Les immenses pâturages de l’intérieur du Queensland sont le domaine des élevages de moutons. Jimbour Station, dans les Darling Downs, au sud de la colonie, emploie une main-d’œuvre abondante pour la garde des troupeaux, la tonte des moutons, le tri et le lavage de la laine. Cette image marque un temps d’arrêt, une pause – pose – dans le travail des trieurs de laine. Les regards des hommes du premier plan sont dans l’ombre alors que le second rang, à distance, se permet de dévisager le photographe. Paradoxe de cette image, c’est en demandant la suspension momentanée de l’activité que le photographe veut montrer le travail des hommes.
© Bibliothèque nationale de France
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Au tournant du siècle, des enquêtes économiques de grande ampleur sont menées dans les différents territoires de l'empire britannique. Plusieurs surveys, effectués par différents organismes gouvernementaux dans la colonie britannique du Queensland, bientôt État du nouveau commonwealth d'Australie (1901), font appel à des photographes souvent restés dans l'anonymat. Il s'agit de dresser un vaste panorama des activités économiques destiné à être présenté à des hôtes de marque en visite dans cette région ou lors de manifestations internationales comme l'Exposition franco-britannique de Londres, en 1908. Certaines de ces images ont été prises par Alfred Hugh Fisher (1867-1945), qui a réuni une collection considérable de photographies pour le Colonial Office Visual Instruction Committee.

General view, Mt Morgan
L’exploitation des ressources minières a eu un impact économique et social considérable sur le développement du Queensland. En 1882, à la suite de prospections dans les environs de Rockhampton, la mine d’or du mont Morgan est découverte. Ce gisement considérable va entraîner un afflux de population, véritable « ruée vers l’or » qui va désertifier les régions à l’entour et priver de main-d’œuvre des secteurs entiers. En quelques décennies, la concentration des activités autour de la mine génère un impressionnant paysage industriel.
© Biliothèque nationale de France
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« Scottisch Gympie. 1500 level north »
La richesse exceptionnelle des champs aurifères de Gympie provient plus directement de ses filons de quartz, qui contiennent en quantité innombrable des fragments d’or et des pierres précieuses, véritables joailleries souterraines. Scotland est une des mines exploitées le plus profondément. Le photographe saisit dans cette image toute la vigueur avec laquelle les mineurs s’attaquent à la roche pour en libérer les veines aurifères. L’éclairage artificiel donne à cette scène la dimension d’un combat acharné.
© Bibliothèque nationale de France
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Cet organisme, créé en 1902 pour produire des conférences illustrées par des projections photographiques, a tout d'abord collecté des images au Royaume-Uni afin de les utiliser dans les territoires d'outre-mer de l'Empire britannique, avant d'envoyer dans ces mêmes territoires des opérateurs chargés de rapporter des clichés à l'usage des écoles britanniques. Les photographies de Fisher, qui exaltent le potentiel économique de ces régions et la force de travail de leurs hommes, sont destinées à maintenir un lien visuel fort entre la métropole et son nouveau dominion.
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