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Anthologie

Regards sur l'architecture gothique

Nombreux sont les écrivains et historiens d'art qui se sont intéressés aux cathédrales. Le style gothique reste très décrié durant tout le siècle des Lumières qui lui préfère une esthétique classique. Le Moyen Âge est réhabilité en Angleterre tout d'abord, puis en France dès le début du 19e siècle par Viollet-le-Duc. Si Chateaubriand parle encore des "proportions barbares" du gothique tout en soulignant ses charmes, Viollet-le-Duc vante ses chefs-d'œuvre et signale l'importance des chantiers dans la construction de la nation française. Pour Victor Hugo, la cathédrale est un livre dont Émile Mâle souligne le caractère encyclopédique. Enfin, deux historiens contemporains Georges Duby et Alain Erlande-Brandenburg remettent en perspective l'évolution des styles et des techniques en s'attachant aux bâtisseurs. André Vauchez montre comment le décor des cathédrales illustre la conception chrétienne du temps. Enfin, Marie-Thérèse Gousset analyse l'art de géométrie chez Fouquet.

Des églises gothiques

François René de Chateaubriand, Le Génie du christianisme, ou Beautés de la religion chrétienne, 1803

L'ordre gothique, au milieu de ses proportions barbares, a toutefois une beauté qui lui est particulière1.

Les forêts ont été les premiers temples de la divinité, et les hommes ont pris dans les forêts la première idée de l'architecture. Cet art a donc dû varier selon les climats. Les Grecs ont tourné l'élégante colonne corinthienne, avec son chapiteau de feuilles sur le modèle du palmier2. Les énormes piliers du vieux style égyptien représentent le vaste sycomore, le figuier oriental, le bananier, et la plupart des arbres gigantesques de l'Afrique et de l'Asie.
Les forêts des Gaules ont passé à leur tour dans les temples de nos pères, et ces fameux bois de chênes ont ainsi maintenu leur origine sacrée. Ces voûtes ciselées en feuillages, ces jambages qui appuient les murs, et finissent brusquement comme des troncs brisés, la fraîcheur des voûtes, les ténèbres du sanctuaire, les ailes obscures, les chapelles comme des grottes, les passages secrets, les portes abaissées, tout retrace les labyrinthes des bois dans l'église gothique ; tout en fait sentir la religieuse horreur, les mystères et la divinité.La tour ou les deux tours hautaines, plantées à l'entrée de l'édifice, surmontent les ormes et les ifs du cimetière, et font l'effet le plus pittoresque sur l'azur du ciel. Tantôt le jour naissant illumine leurs têtes jumelles ; tantôt elles paraissent couronnées d'un chapiteau de nuages, ou grossies dans une atmosphère vaporeuse. Les oiseaux eux-mêmes semblent s'y méprendre, et les adopter pour les arbres de leurs forêts : de petites corneilles noires voltigent autour de leurs faîtes, et se perchent sur leurs galeries. Mais tout à coup des rumeurs confuses s'échappent de la cime de ces tours, et en chassent les oiseaux effrayés.L'architecte chrétien, non content de bâtir des forêts, a voulu, pour ainsi dire, en conserver les murmures, et au moyen de l'orgue et du bronze suspendu, il a attaché au temple gothique, jusqu'au bruit des vents et des tonnerres, qui roule dans la profondeur des bois. Les siècles évoqués par ces bruits religieux font sortir leurs antiques voix du sein des pierres, et soupirent dans tous les coins de la vaste basilique. Le sanctuaire mugit comme l'antre de l'ancienne Sibylle ; et tandis que d'énormes airains se balancent avec fracas sur votre tête, les souterrains voûtés de la mort se taisent profondément sous vos pieds.

1. On pense qu'il nous vient des Arabes, ainsi que la sculpture du même style. Son affinité avec les monuments de l'Égypte nous porterait plutôt à croire qu'il nous a été transmis par les premiers chrétiens d'Orient ; mais nous aimons mieux encore rapporter son origine à la nature.

2. Vitruve raconte autrement l'invention du chapiteau ; mais cela ne détruit pas ce principe général que l'architecture est née dans les bois. On peut seulement s'étonner qu'on n'ait pas, d'après la variété des arbres, mis plus de variété dans la colonne. Nous concevons, par exemple, une colonne qu'on pourrait appeler palmiste, et qui serait la représentation naturelle du palmier. Un orbe de feuilles un peu recourbées, et sculptées au haut d'un léger fût de marbre, ferait, ce nous semble, un effet charmant dans un portique.

François René de Chateaubriand
Le Génie du christianisme, ou Beautés de la religion chrétienne
Extrait de la IIIe partie, livre I, chapitre 8.
Reproduction de l'édition de Paris, Imprimerie Migneret, 1803.

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Notre-Dame de Paris : entre roman et gothique

Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, 1831

Notre-Dame de Paris n'est point du reste ce qu'on peut appeler un monument complet, défini, classé. Ce n'est plus une église romane, ce n'est pas encore une église gothique. Cet édifice n'est pas un type. Notre-Dame de Paris n'a point, comme l'abbaye de Tournus, la grave et massive carrure, la ronde et large voûte, la nudité glaciale, la majestueuse simplicité des édifices qui ont le plein cintre pour générateur. Elle n'est pas, comme la cathédrale de Bourges, le produit magnifique, léger, multiforme, touffu, hérissé, efflorescent de l'ogive. Impossible de la ranger dans cette antique famille d'églises sombres, mystérieuses, basses et comme écrasées par le plein cintre ; presque égyptiennes au plafond près ; toutes hiéroglyphiques, toutes sacerdotales, toutes symboliques ; plus chargées dans leurs ornements de losanges et de zigzags que de fleurs, de fleurs que d'animaux, d'animaux que d'hommes ; œuvre de l'architecte moins que de l'évêque ; première transformation de l'art, tout empreinte de discipline théocratique et militaire, qui prend racine dans le Bas-Empire et s'arrête à Guillaume le Conquérant. Impossible de placer notre cathédrale dans cette autre famille d'églises hautes, aériennes, riches de vitraux et de sculptures ; aiguës de formes, hardies d'attitudes ; communales et bourgeoises comme symboles politiques libres, capricieuses, effrénées, comme œuvre d'art ; seconde transformation de l'architecture, non plus hiéroglyphique, immuable et sacerdotale, mais artiste, progressive et populaire, qui commence au retour des croisades et finit à Louis XI. Notre-Dame de Paris n'est pas de pure race romaine comme les premières, ni de pure race arabe comme les secondes.

C'est un édifice de la transition. L'architecte saxon achevait de dresser les premiers piliers de la nef, lorsque l'ogive qui arrivait de la croisade est venue se poser en conquérante sur ces larges chapiteaux romans qui ne devaient porter que des pleins cintres.
L'ogive, maîtresse dès lors, a construit le reste de l'église. Cependant, inexpérimentée et timide à son début, elle s'évase, s'élargit, se contient, et n'ose s'élancer encore en flèches et en lancettes comme elle l'a fait plus tard dans tant de merveilleuses cathédrales. On dirait qu'elle se ressent du voisinage des lourds piliers romans.
D'ailleurs, ces édifices de la transition du roman au gothique ne sont pas moins précieux à étudier que les types purs. Ils expriment une nuance de l'art qui serait perdue sans eux. C'est la greffe de l'ogive sur le plein cintre.

Les grands édifices, comme les grandes montagnes, sont l'ouvrage des siècles. Souvent l'art se transforme qu'ils pendent encore : - pendent opera interrupta - ; ils se continuent paisiblement selon l'art transformé. L'art nouveau prend le monument où il le trouve, s'y incruste, se l'assimile, le développe à sa fantaisie et l'achève s'il peut. La chose s'accomplit sans trouble, sans effort, sans réaction, suivant une loi naturelle et tranquille. C'est une greffe qui survient, une sève qui circule, une végétation qui reprend. Certes, il y a matière à bien gros livres, et souvent histoire universelle de l'humanité, dans ces soudures successives de plusieurs arts à plusieurs hauteurs sur le même monument. L'homme, l'artiste, l'individu s'effacent sur ces grandes masses sans nom d'auteur ; l'intelligence humaine s'y résume et s'y totalise. Le temps est l'architecte, le peuple est le maçon.

Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, Paris, 1831, Édition Nationale, J. Lemonnyer, G. Richard [E. Testard], 1889, Livre III, chapitre 1.

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 Le 19e siècle redécouvre l'art gothique

Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, Du style gothique au dix-neuvième siècle,1846.
Les chefs-d'œuvre sont rares dans tous les temps, et nous ne prétendons pas donner toutes les figures du 13e siècle comme des productions irréprochables ; mais, certes, s'il est une époque, après celle des Grecs, qui ait possédé une école puissante et vraiment digne de ce nom, c'est bien le 13e et le 14e siècle : vous trouverez des figures plus ou moins bien exécutées, plus ou moins régulières, jamais insignifiantes, ni comme pensée, ni comme style, et souvent, très souvent d'admirables chefs-d'œuvre qui pourraient enseigner beaucoup de choses à nos statuaires, si nos statuaires voulaient prendre la peine de les regarder.

Les cathédrales, symboles de la nationalité française

Jusqu'à la fin du13e siècle, les cathédrales n'avaient pas des dimensions extraordinaires ; beaucoup d'églises abbatiales étaient d'une plus grande étendue ; c'est que, jusqu'à cette époque, le morcellement féodal était un obstacle à la constitution civile des populations ; l'influence des évêques était gênée par ces grands établissements religieux du 11e siècle. Propriétaires puissants, jouissant de privilèges étendus, seigneurs féodaux, protégés par les papes, tenant en main l'éducation de la jeunesse, participant à toutes les grandes affaires politiques, les abbés attiraient tout à eux, richesse et pouvoir, intelligence et activité. Lorsque les populations urbaines, instruites, enrichies, laissèrent paraître les premiers symptômes d'émancipation, s'érigèrent en communes, il se fit une réaction contre la féodalité monastique et séculière dont les évêques, appuyés par la monarchie, profitèrent avec autant de promptitude que d'intelligence. Ils comprirent que le moment était venu de reconquérir le pouvoir et l'influence que leur donnait l'Église, et qui étaient tombés en partie entre les mains des établissements religieux. Ce que les abbayes firent pendant le 11e siècle, les évêques n'eussent pu le faire ; mais, au 12e siècle, la tâche des établissements religieux était remplie ; le pouvoir monarchique avait grandi, l'ordre civil essayait ses forces et voulait se constituer. C'est alors que l'épiscopat entreprit de reconstruire et reconstruisit ses cathédrales ; et il trouva dans les populations un concours tellement énergique, qu'il dut s'apercevoir que ses prévisions étaient justes, que son temps était venu, et que l'activité développée par les établissements religieux, et dont ils avaient profité, allait lui venir en aide. Rien, en effet, aujourd'hui, si ce n'est peut-être le mouvement intellectuel et commercial qui couvre l'Europe de lignes de chemins de fer, ne peut donner l'idée de l'empressement avec lequel les populations urbaines se mirent à élever des cathédrales. Nous ne prétendons pas démontrer que la foi n'entrât pas pour une grande part dans ce mouvement, mais il s'y joignait un instinct très juste d'unité, de constitution civile. À la fin du 12e siècle, l'érection d'une cathédrale était un besoin, parce que c'était une protestation éclatante contre la féodalité. Quand un sentiment instinctif pousse ainsi les peuples vers un but, ils font des travaux qui, plus tard, lorsque cette sorte de fièvre est passée, semblent être le résultat d'efforts qui tiennent du prodige. Sous un régime théocratique absolu, les hommes élèvent les pyramides, creusent les hypogées de Thèbes et de Nubie ; sous un gouvernement militaire et administratif, comme celui des Romains pendant l'empire, ils couvrent les pays conquis de routes, de villes, de monuments d'utilité publique.

Le besoin de sortir de la barbarie et de l'anarchie, de défricher le sol, fait élever, au 11e siècle, les abbayes de l'Occident. L'unité monarchique et religieuse, l'alliance de ces deux pouvoirs pour constituer une nationalité, font surgir les grandes cathédrales du nord de la France. Certes, les cathédrales sont des monuments religieux, mais ils sont surtout des édifices nationaux. Le jour où la société française a prêté ses bras et donné ses trésors pour les élever, elle a voulu se constituer et elle s'est constituée. Les cathédrales des 12e et 13e siècles sont donc, à notre point de vue, le symbole de la nationalité française, la première et la plus puissante tentative vers l'unité. Si, en 1793, elles sont restées debout, sauf de très rares exceptions, c'est que ce sentiment était resté dans le cœur des populations, malgré tout ce qu'on avait fait pour l'en arracher. Où voyons-nous les grandes cathédrales s'élever à la fin du 12e siècle et au commencement du 13e ? c'est dans des villes telles que Noyon, Soissons, Laon, Reims, Amiens, qui toutes avaient, les premières, donné le signal de l'affranchissement des communes ; c'est dans la ville capitale de l' Île-de-France, centre du pouvoir monarchique, Paris ; c'est à Rouen, centre de la plus belle province reconquise par Philippe Auguste.

Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, Du style gothique au dix-neuvième siècle, Paris, V. Didron, 1846.

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L'art religieux au 13e siècle

Émile Mâle, L'Art du 13e siècle en France. Étude sur l'iconographie du Moyen Âge et sur ses sources d'inspiration, 1898

Victor Hugo a dit vrai : la cathédrale est un livre. C'est à Chartres que ce caractère encyclopédique de l'art du Moyen Âge est le mieux marqué ; chacun des "Miroirs" y a trouvé sa place. La cathédrale de Chartres est la pensée même du Moyen Âge devenue visible ; il n'y manque rien d'essentiel. Ses dix mille personnages peints ou sculptés font un ensemble unique en Europe. Plusieurs autres de nos grandes cathédrales étaient peut-être aussi complètes que celle de Chartres, mais le temps les a moins respectées. Nulle part, cependant, n'apparaît un effort aussi suivi pour embrasser tout l'univers. Tel chapitre seulement est développé à Amiens, tel autre à Bourges. Cette diversité n'est pas sans charme. Chacune de nos cathédrales - soit que les hommes l'aient réellement voulu ainsi, soit que le temps, en anéantissant les œuvres voisines, ait rompu l'équilibre - semble destinée à mettre plus particulièrement en relief une vérité, une doctrine.

Amiens est, en ce sens, une cathédrale messianique, prophétique. Les prophètes de la façade, jetés en avant des contreforts comme des sentinelles, observent l'avenir. Tout, dans cette œuvre grave, parle de l'avènement prochain d'un Sauveur.

Notre-Dame de Paris est l'église de la Vierge. Quatre portails sur six lui sont consacrés. Elle occupe le milieu des deux des grandes roses peintes : dans l'une, les saints de l'Ancien Testament, dans l'autre, le rythme des travaux, des mois, les figures des Vertus s'ordonnent par rapport à elle. Elle est le centre des choses. Nulle part, elle ne fut plus aimée. Le 12e siècle (porte sainte Anne), le 13e (porte de la Vierge), le 14e (bas-reliefs du nord) la célébrèrent tour à tour sans se lasser.

La cathédrale de Laon est érudite. Elle semble mettre au premier rang la science. Les Arts libéraux, accompagnés de la Philosophie, sont sculptés à la façade et peints sur une des roses. Elle aime à présenter l'Écriture sous sa forme la plus mystérieuse. Elle cache les vérités du Nouveau Testament sous les symboles de l'Ancien. On sent que des docteurs fameux ont vécu à son ombre. Elle a, elle-même, la figure sévère d'un docteur.
Reims est la cathédrale nationale. Les autres sont catholiques, c'est-à-dire universelles, elle seule est française. Le baptême de Clovis emplit le haut du pignon. Les rois de France sont peints sur les vitraux de la nef. Sa façade est si riche qu'il est inutile de la décorer les jours de sacre. Des tentures de pierre sont sculptées au portail, de sorte qu'elle est toujours prête à recevoir les rois. Bourges célèbre les vertus des saints. Ses vitraux illustrent la Légende dorée. La vie et la mort des apôtres, des confesseurs et des martyrs forment une couronne éblouissante autour de l'autel. Le portail de Lyon raconte les merveilles de la création. Sens laisse entrevoir l'immensité du monde et la variété de l'œuvre de Dieu. Rouen ressemble à un riche livre d'Heures, où Dieu, la Vierge et les saints occupent le milieu des pages, pendant que la fantaisie se joue dans les marges.

Émile Mâle, L'Art du 13e siècle en France. Étude sur l'iconographie du Moyen Âge et sur ses sources d'inspiration, Paris, Gallimard, 1898, p. 491-493.

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La rose

Georges Duby, Le Temps des cathédrales. L'art et la société, 980-1420, Paris, Gallimard, 2e édition, 1976, p. 357-358.

Dans les structures de la cathédrale gothique, le cercle tient une place moindre que dans l'église romane. Devient maîtresse ici la ligne droite, vecteur de l'histoire, projection rectiligne du rayon lumineux qui figure l'acte créateur et la grâce divine, élan de la dynamique rationnelle, de la recherche scolastique et de tout le progrès de ce temps, qui filent droit vers leur but. Seules les roses, symboles de la création dans sa plénitude, où la circulation de la lumière, jaillie de son foyer ineffable et revenant converger vers lui, se réduit à l'unité de son principe, épousent la courbe fermée que les astres parcourent dans le firmament.
L'art du vitrail aboutit à ces roses. Elles portent à la fois signification des cycles du cosmos, du temps se résumant dans l'éternel, et du mystère de Dieu, Dieu lumière, Christ soleil. [...] Les roses figurent encore la Vierge, c'est-à-dire l'Église. Elles démontrent, dans le tourbillon des sphères, l'identité de l'univers concentrique d'Aristote et de l'effusion jaillissante de Robert Grosseteste. La rose est enfin l'image de l'amour. Elle figure le foyer effervescent de l'amour divin, en qui tout désir se consume. Mais on peut la voir aussi comme le symbole des cheminements de l'âme qui se poursuivent dans les cercles secrets de dévotion, déjà formés en marge de la discipline catholique. Ou bien encore comme ce labyrinthe qui, d'épreuve en épreuve, conduit l'amour profane vers son but.

Georges Duby, Le Temps des cathédrales. L'art et la société, 980-1420, Paris, Gallimard, 2e édition, 1976, p. 357-358.

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Plans et dessins d'architecture

Alain Erlande-Brandenburg, La Cathédrale, Paris, Fayard, 1989, p. 282-283.

Le dessin définitif était tracé sur des peaux de parchemin cousues ensemble, comme à Strasbourg, afin de servir de pièce de référence dès l'ouverture du chantier. Leur conservation était indispensable à sa bonne marche. Il fallait éviter des manipulations trop fréquentes qui auraient été rapidement catastrophiques. Les fabriques s'en chargeaient.
[...] Ces documents qui avaient permis de sceller l'accord entre partenaires servaient de pièces de référence dans les conflits qu'il faut imaginer fréquents. Les commanditaires les évoquaient pour conserver une certaine homogénéité à la construction, dont le parti se trouvait fréquemment remis en cause par de nouveaux architectes peu satisfaits du projet de leur prédécesseur. [...] L'étonnante cohérence de la cathédrale de Reims, malgré une construction qui s'étend sur un demi-siècle, trouve ainsi son explication.
[...] Ces dessins ou maquettes, particulièrement précieux, n'étaient pas destinés au chantier. La communication entre l'architecte et ceux qui le dirigeaient s'établissait grâce à d'autres supports, voués à disparaître après avoir servi. Aussi s'explique-t-on qu'au Moyen Âge comme aujourd'hui, ils ne survivaient pas à la fermeture du chantier. Pour préciser son projet, l'architecte se trouvait conduit, auprès des différents responsables des corps de métiers - aujourd'hui les commis -, à réaliser de rapides croquis exécutés sur des supports périssables avec des matériaux non moins périssables : planchette de bois, craie... Rien n'a évidemment survécu, comme rien n'a été conservé de ces rapides dessins croqués par un architecte lors de sa visite de chantier et avidement saisis par les commis et compagnons.

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La symbolique du décor

André Vauchez, "La Cathédrale", dans Les Lieux de Mémoire (sous la direction de Pierre Nora), t. III, Les Frances, Paris, Gallimard, 1992, p. 98.

La cathédrale tout entière illustre, à sa façon, la conception chrétienne du temps, qui n'est pas simple écoulement mais préparation de l'avènement, en chaque homme et dans le monde, du règne de Dieu. Aussi sa façade représente presque toujours la création d'Adam et d'Ève et son pendant, le Jugement dernier, c'est-à-dire l'origine et la fin, ainsi que les signes du zodiaque et les travaux des mois qui rythment le temps court de l'existence humaine. Elle indique aussi à ceux qui la regardent les principales étapes de l'itinéraire à parcourir pour parvenir au salut, à la suite du Christ, de la Vierge et des saints. Cet aspect initiatique était encore plus sensible dans le passé, lorsqu'on pénétrait à l'intérieur de l'édifice : la plupart des grandes cathédrales françaises comportaient en effet un labyrinthe, c'est-à-dire un parcours sinueux et complexe inscrit dans le pavement de la nef, qui matérialisait par une alternance de dalles noires et blanches le pèlerinage de Jérusalem. Les fidèles effectuaient ce trajet à genoux et en récitant des prières. Une fois parvenus au terme du dédale, qui mesurait souvent plus de deux cents mètres de long, ils avaient le sentiment d'avoir mérité, au prix d'un effort physique considérable, l'accès à une éternité bienheureuse.

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