Découvrir, comprendre, créer, partager

BnF Essentiels
BnF Essentiels
En images

Scènes de la vie de bohème

Construction d’un mythe social

La bohème littéraire évoque immédiatement une population bigarrée de grisettes, de rapins avec leur béret et de jeunes poètes conversant et blaguant au café Momus. Entre la misère et la quête de l’art, se déploie une fiction appartenant à l’imaginaire collectif. La bohème est une dimension de la socialité littéraire qui court à travers la littérature de l’Ancien régime jusqu’à aujourd’hui. Cependant, c’est au 19e siècle que cette thématique va trouver son nom et s’imposer comme une mythologie dans les représentations sociales.

Dessins de costumes pour La Bohème : porteuse de pain, coiffes, joueur de raquette
Le format de l'image est incompatible
Dessins de costumes pour La Bohème : deux étudiants avec guitare
Le format de l'image est incompatible
Dessin de costume pour La Bohème : costume de Colline, acte II
Le format de l'image est incompatible
Dessins de costumes pour La Bohème : le peintre Marcel, le musicien Schaunard et un figurant
Le format de l'image est incompatible
Dessins de costumes pour La Bohème : Mimi, une cousette, Acte III
Le format de l'image est incompatible

Murger et l’invention de la bohème

Issu du petit peuple parisien, cherchant à sortir de sa condition, Henry Murger tente d’abord de se faire peintre puis poète avant de devenir un romancier populaire. La vie partagée avec une communauté artistique nommée « les Buveurs d’eau » (en référence à la précarité des membres) va inspirer ses œuvres à venir qui racontent la bohème pauvre des déclassés.

Caricature de Henry Murger
Le format de l'image est incompatible
Caricature de Adrien Lelioux
Le format de l'image est incompatible
Caricature de Léon Noël
Le format de l'image est incompatible
Caricature de Champfleury
Le format de l'image est incompatible

La bohème en feuilleton

À partir de 1845, Henry Murger publie dans un petit journal, Le Corsaire-Satan, un feuilleton sous le titre « La Vie de bohème », dans lequel il fictionnalise l’existence précaire qu’il mène en compagnie de certains des anciens membres des buveurs d’eau ainsi que de Champfleury et Nadar.

Le Corsaire
Le format de l'image est incompatible

La plupart des contemporains qui étalent les plus beaux blasons de l’art ont été des bohémiens ; et, dans leur gloire calme et prospère, ils se rappellent souvent, en le regrettant peut-être, le temps où, gravissant la verte colline de la jeunesse, ils n’avaient d’autre fortune, au soleil de leurs vingt ans, que le courage, qui est la vertu des jeunes, et que l’espérance, qui est le million des pauvres.

Henry Murger, Scènes de la vie de bohème, Préface, 1851

Une autre image de la bohème

Le feuilleton de Murger, qui paraît pendant quelques années, va connaître un certain succès en même temps qu’il impose l’image d’une bohème aimable, renversant ainsi les clichés négatifs qui étaient accolés à cette population de déclassés de l’art et de la littérature.

Bohème parisienne
Le format de l'image est incompatible
Les greniers
Le format de l'image est incompatible
Bureau du journal le Sans le sou
Le format de l'image est incompatible

La bohème au théâtre

Théodore Barrière, jeune auteur dramatique, propose à Murger d’adapter ses feuilletons à la scène. La Vie de Bohème est représentée le 22 novembre 1849 au théâtre des Variétés. Assez neuve dans son argument, célébrant la jeunesse, accompagnée de chants, cette pièce, que Louis Napoléon Bonaparte verra, connaît un véritable succès.

Théodore Barrière
Le format de l'image est incompatible
La Vie de bohème
Le format de l'image est incompatible
La Vie de bohème
Le format de l'image est incompatible

Les larmes et le rire, le sentiment et le comique, le triste et le gai, se meurent dans cette action simple, attendrissante. Aujourd’hui le nom de Murger est dans toutes les bouches ; voilà la récompense qui doit attendre tous ces jeunes écrivains qui se dévouent sérieusement aux lettres, et qui attendent […] que leur tour arrive dans cette dure et pénible carrière où l’on rencontre sous les pieds plus de cailloux et de ronces que de sable et de mousse.

Xavier Eyma à propos de La Vie de bohème dans le Messager des théâtre et des arts, 24 novembre 1849

Le roman d’une génération

Voulant profiter du succès remporté au théâtre, Michel Levy propose à Murger non seulement d’éditer sa pièce mais aussi de rassembler ses feuilletons du Corsaire en volume. Constamment réédité tout au long du siècle, le roman connaît de nombreuses éditions illustrées, notamment par André Gill et Frédéric Régamey en 1873, dans une veine caricaturale.

La Vie de bohème
Le format de l'image est incompatible
Schaunard
Le format de l'image est incompatible
Mademoiselle Mimi
Le format de l'image est incompatible
Cœur à louer
Le format de l'image est incompatible
Marcel
Le format de l'image est incompatible

La bohème comme image d’Épinal

Quatre amis – Rodolphe le poète, Schaunard le musicien, Marcel le peintre et Colline le philosophe – partagent une vie communautaire propre à la jeunesse, une vie au jour le jour sans autres projets que de surmonter la précarité et d’avoir foi en une gloire possible. L’issue est toujours la même : rentrer dans le rang de la vie bourgeoise ou bien finir à l’hôpital et à la fosse commune.

« Ils n’avaient pas fait dix pas dans la rue »
Le format de l'image est incompatible
Schaunard, Colline et Rodolphe font la connaissance de Marcel
Le format de l'image est incompatible
Un café de bohème
Le format de l'image est incompatible

Qu’arrivera-t-il si nous continuons l’un et l’autre ce monotone et inutile vagabondage ? Nous arriverons au bord de nos trente ans, inconnus, isolés, dégoûtés de tout et de nous-mêmes, pleins d’envie envers tous ceux que nous verrons arriver à un but, quel qu’il soit, obligés pour vivre de recourir aux moyens honteux du parasitisme, et n’imagine pas que ce soit là un tableau de fantaisie que j’invoque exprès pour t’épouvanter. Je ne vois pas systématiquement l’avenir en noir, mais je ne le vois pas en rose non plus…

Henry Murger, Scènes de la vie de bohème, chapitre XXII, 1851

La bohème idéalisée à l’usage de la bourgeoisie

Si Murger a donné une intonation sentimentale à la vie de bohème, beaucoup d’illustrateurs vont en faire une véritable légende dorée à l’usage d’un public bourgeois dont la compassion pour ces déclassés relève d’une forme de bonne conscience. De la même manière, certains grands écrivains de la fin du 19e siècle s’honoreront, au moment d’entrer à l’Académie française, d’être passés par la bohème comme si la misère était une sanctification de l’art. Idéalisées, les Scènes de la vie de bohème sont assez rapidement perçues comme une falsification du métier d’écrivain.

Mademoiselle Angèle et son cavalier
Le format de l'image est incompatible

De la mansarde au cabaret

La fondation en 1881 du cabaret artistique Le Chat noir fait passer la vie littéraire parisienne du Quartier latin à Montmartre. Désormais, un nouveau modèle de sociabilité littéraire et artistique passe par le cabaret où poètes, chanteurs et peintres se mêlent à la clientèle et se produisent à l’occasion. Rodolphe Salis inaugure une forme de bohème-spectacle en faisant des écrivains et artistes des objets de curiosité. Il poursuivra son commerce en ouvrant rue de Laval un second Chat noir : une boîte luxueuse, disposant d’un théâtre d’ombres, où le monde chic vient s’encanailler.

Tournée du Chat Noir de Rodolphe Salis
Le format de l'image est incompatible

La bohème à la scène

De même que La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils a été adaptée par Guiseppe Verdi, les Scènes de la vie de bohème de Murger ont été magnifiées par l’opéra de Puccini, sans oublier La Bohème de Ruggero Leoncavallo et Louise de Charpentier, dont l’argument s’éloigne cependant de celui de Murger.

Affiche pour La Bohème de Puccini
Le format de l'image est incompatible
La Bohème de Leoncavallo
Le format de l'image est incompatible
Louise de Charpentier
Le format de l'image est incompatible

La bohème au cinéma

Plusieurs films au 20e siècle offrent une thématique ou des traits bohèmes à travers la peinture de marginaux qui ont adopté un mode de vie alternatif et fait de la quête artistique l’horizon de leur existence. Mais la transition de la bohème au cinéma s’est naturellement opérée par des adaptations des Scènes de Murger et de l’opéra de Puccini.

La Bohême de Capellani
Le format de l'image est incompatible
Au temps de la bohème
Le format de l'image est incompatible

Bohèmes ou outsiders

Par son essence, la bohème est une figure de la marginalité qui n’a pas été épuisée par les 19e et 20e siècles. Elle raconte l’histoire de la difficulté que ressentent les laissés-pour-compte à se faire accepter et se faire entendre. En ce sens, elle est toujours actuelle même si son scénario murgérien a été profondément revisité par les modes et les nouvelles postures. Reste que la bohème, promue depuis l’exposition universelle de 1855 comme un des éléments du pittoresque parisien, reste toujours ouverte aux excursions touristiques.

Comment fut institué le cénacle de la bohème
Le format de l'image est incompatible