Découvrir, comprendre, créer, partager

Extrait

Ainsi guettant, sur une verte prairie

Pétrarque, Triomphes, Triomphe de l'Amour III, vers 28-57

Ainsi guettant, sur une verte prairie
je vis passer des gesn qui ne traitaient
que de l'amour, quoiqu'en langue commune :
voici Dante et Béatrice, et voici
Cino de Pistoia et Selvaggia ;
voici Guitton d'Arezzo, furieux
du rang perdu ; les deux Guido, jadis
tant estimés ; Onesto de Bologne ;
ceux de Sicile, ici derniers, qui furent
pourtant premiers ; enfin Franceschino
et Sennuccio, si humains. Puis, en bande,
des étrangers par la langue et les mœurs :
premier venait le grand Arnaut Daniel,
maître d'amuor dont les beaux vers étranges
font grand honneur au pays d'où il vient ;
puis ceux qu'Amour si aisément cueillit,
un Pierre et l'autre, un Arnaut moins fameux,
et ceux qu'il dut gagner par plus de guerre :
ainsi Raimbaut, et l'autre Raimbaut qui
Béatrix seule et Monteferrat chanta,
et le vieux Pierre d'Auvergne, et Giraut ;
Folquet, qui préféra Marseille à Gênes,
et sur la fin prit l'habit, choisissant
de conquérir bien meilleure patrie ;
Iaufré Rudel, qui courut à la mort
par voile et rame, et le fameux Guillaume
à qui chanter coûta sa vie en fleur ;
tant d'autres vis-je encore, à qui leur langue
servit toujours de glaive et d'écu.
 

Flavie Vincent (dir.), Les Triomphes de Pétrarque illustrés par le vitrail de l'aube au XVIe siècle, tr. et notes Jean-Yves Masson, Paris : éditions Diane de Selliers, 2018, p. 98-101.
  • Lien permanent
    ark:/12148/mm59h0dmbhqt7