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Extrait

L’illustration du livre selon Maurice Denis

Maurice Denis, « Notes d’art. Définition du néo-traditionnisme », 30 août 1890.

XXI

Quand la plastique lutte de près avec l’écriture, dans le livre apparaissent les énormités. Je rêve d’anciens missels aux encadrements rythmiques, des lettres fastueuses de graduels, des premières gravures sur bois ‒ qui correspondent en somme à notre complexité littéraire par des préciosités et des délicatesses.

Mais l’illustration, c’est la décoration d’un livre ! au lieu : 1° du placage de carrés noirs d’aspect photographique sur le blanc ou sur l’écriture ; 2° de découpures naturalistes, au hasard dans le texte ; 3° d’autres découpures sans aucune recherche, de pures habiletés de main, parfois (oh!) à prétexte japonais.

Trouver cette décoration sans servitude du texte, sans exacte correspondance de sujet avec l’Écriture ; mais plutôt une broderie d’arabesques sur les pages, un accompagnement de lignes expressives.

Dans les dessins de Maurice Denis pour Sagesse, de Verlaine, on peut constater l’intensité d’expression des dessins de formes et de taches – et au contraire la faiblesse de ceux où l’esprit littéraire introduit des éléments disparates.

XXII

Et voici la seule forme d’Art, la vraie.

Quand on a éliminé les partis pris injustifiables et les préjugés illogiques, le champ reste libre aux imaginations peintres, aux esthètes des belles apparences.

Le néo-traditionnisme ne peut s’attarder aux psychologies savantes et fébriles, aux sentimentalités littéraires, appelant la légende, toutes choses qui ne sont point de son domaine émotionnel.

Il arrive aux synthèses définitives. En la beauté de l’œuvre, tout est contenu.

Maurice Denis [Pierre Louis], « Notes d’art. Définition du néo-traditionnisme », Art et critique, 30 août 1890, p. 557.
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