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Extrait

Les Douze Travaux d'Hercule selon Diodore de Sicile

Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, I, IV, 11-26

Premier travail : le lion de Némée.

Son premier travail fut de tuer le lion de Némée. Cet animal était d'une grandeur monstrueuse, et comme il était invulnérable par le fer, l'airain, et les pierres, il fallait nécessairement employer la force des bras pour le dompter. Ce lion vivait dans le pays qui est situé entre Mycènes et Némée, auprès d'une montagne appelée Trétos, c'est-à-dire perforée. Au pied de cette montagne, il y avait une vaste caverne où l'animal avait établi son gîte ordinaire. Hercule y vint l'attaquer ; mais le lion s'enfuit dans sa retraite. Hercule l'y suivit ; après avoir bouché l'entrée, il le combattit corps à corps, et, lui serrant le cou avec ses deux mains, il l'étrangla. Il s'enveloppa de la peau de cet animal qui était immense, et s'en servit, par la suite, comme d'une arme défensive.

Second travail : l'hydre de Lerne.

Le second travail consista à tuer l'hydre de Lerne. Ce monstre portait dans un seul corps cent cous, surmontés d'autant de têtes de serpent. Si l'une était coupée, aussitôt une tête double poussait à sa place. C'est pourquoi ce monstre passait pour invincible : une partie enlevée apportait donc un double secours. Pour surmonter cette difficulté, Hercule se servit d'un artifice : il commanda à Iolaüs de brûler avec un flambeau la partie coupée, afin d'empêcher le sang de couler. Après avoir ainsi dompté le monstre, il trempa les pointes des flèches dans son fiel, afin que chaque trait lancé engendrât des plaies incurables.

Troisième travail : le sanglier d'Erymanthe.

Eurysthée lui ordonna pour troisième travail de lui amener vivant le sanglier d'Erymanthe, qui séjournait dans la plaine de l'Arcadie. Cet ordre paraissait d'une difficile exécution, et pour l'accomplir, il fallait choisir le moment avec beaucoup d'adresse. Car s'il laissait trop de liberté à l'animal, Hercule courait risque d'être déchiré ; il risquait de le tuer et de manquer son but, s'il l'attaquait trop vivement. Cependant il le combattit si à propos, qu'il vint à bout de l'apporter tout vivant à Eurysthée. Le roi voyant Hercule porter ce sanglier sur ses épaules, fut saisi de frayeur, et se cacha dans un tonneau d'airain. […]

Quatrième travail : la biche aux cornes d'or.

Hercule reçut ensuite l'ordre d'amener la biche aux cornes d'or et à la course rapide. Il se servit tout autant de son adresse que de sa force pour venir à bout de cette entreprise. Car les uns disent qu'il prit la biche dans des filets, d'autres, qu'il la dépista dans son sommeil, et d'autres enfin, qu'il la prit en la forçant à la course. Enfin, il acheva cet exploit par l'adresse seule sans courir aucun danger.

Cinquième travail : les oiseaux du lac Stymphalis.

Ensuite Hercule reçut l'ordre de chasser les oiseaux du lac Stymphalis, et il réussit encore facilement par son adresse. Il s'était rassemblé autour de ce lac une multitude incroyable d'oiseaux qui ravageaient les fruits du pays d'alentour. Il était impossible d'exterminer tous ces animaux. Hercule eut donc recours à un stratagème ; il imagina une sonnette d'airain qui par son bruit étrange et continuel fit fuir les animaux : il parvint ainsi à nettoyer le lac.

Sixième travail : l'étable d'Augias.

Après qu'Hercule eut achevé ce travail, Eurysthée lui ordonna de nettoyer, sans l'aide de personne, l'étable d'Augias, où s'était amassée depuis bien des années une énorme quantité de fumier. Ce travail était humiliant. Hercule dédaigna d'emporter ce fumier sur ses épaules ; afin d'éviter ce que cette corvée avait d'injurieux, il nettoya l'étable en y faisant passer le fleuve Pénée. Ce travail fut accompli dans l'espace d'un jour. Hercule donna là une grande preuve de son esprit ; car n'entreprenant rien qui fût indigne de l'immortalité, il exécuta d'une manière honorable un ordre humiliant.

Septième travail : le Minotaure.

Après ce travail il entreprit d'amener de Crète le taureau qui fut, dit-on, aimé de Pasiphaé. Il arriva dans cette île, et, du consentement du roi Minos, il amena ce monstre dans le Péloponnèse, après avoir fait une longue traversée. […]

Huitième travail : les juments de Diomède.

Eurysthée lui ordonna ensuite d'amener les juments de Diomède le Thrace. Elles étaient si indomptables qu'on leur avait donné des mangeoires d'airain, et si fortes qu'on était obligé de les tenir avec des brides de fer. Elles ne se nourrissaient pas des fruits de la terre ; on leur donnait à manger les membres coupés de malheureux étrangers ; voulant s'emparer de ces juments, Hercule se saisit d'abord de Diomède, leur maître, et il les rendit obéissantes en les rassasiant de la chair de celui qui leur avait donné l'habitude criminelle de manger de la chair. Amenées devant Eurysthée, les juments furent consacrées à Junon. Leur race subsista jusqu'au règne d'Alexandre le Macédonien. [...]

Neuvième travail : la ceinture de l'Amazone Hippolyte.

Hercule reçut l'ordre d'apporter la ceinture de l'Amazone Hippolyte. Ayant traversé la mer à laquelle il donna le nom de Pont-Euxin, et arrivé aux embouchures du fleuve Thermodon, Hercule déclara la guerre aux Amazones, et vint camper près de la ville Thémiscyre où résidait leur reine. Il leur demanda d'abord la ceinture qui était l'objet de son expédition, et, après avoir été refusé, il livra bataille aux Amazones. Celles d'un rang inférieur furent opposées à la troupe ; mais les plus braves combattirent Hercule lui-même, et se défendirent vaillamment. La première qui l'attaqua fut Aella, ainsi nommée à cause de sa prestesse ; mais elle trouva un ennemi encore plus léger à la course qu'elle-même. La seconde fut Philippis : elle tomba sur-le-champ d'une blessure mortelle. Ensuite vint, dans l'ordre de bataille, Prothoë, qui avait, dit-on, vaincu dans sept combats singuliers. Elle tomba de même, et Hercule dompta une quatrième appelée Eriboea. Celle-ci, renommée pour sa bravoure, se vantait de n'avoir besoin d'aucun secours ; mais elle s'était trompée : elle succomba sous les coups d'un homme plus vaillant qu'elle. Céléno, Eurybia et Phoebé, compagnes de Diane chasseresse, et habiles à tirer de l'arc, manquèrent leur seul but, et se couvrant de leurs boucliers, elles furent toutes massacrées. Hercule défit ensuite Déjanire, Astérie, Marpé, Tecmessa et Alcippe. Cette dernière ayant juré de demeurer vierge, garda son serment ; mais elle ne sauva pas sa vie. Mélanippe, qui commandait la troupe des Amazones, et qui se faisait admirer par sa bravoure, perdit son commandement. Hercule tua ainsi les plus célèbres des Amazones, et força les autres à s'enfuir ; enfin il extermina entièrement cette nation. Parmi les captives, il choisit Antiope pour en faire présent à Thésée. Mélanippe se racheta en donnant à Hercule la ceinture demandée.

Dixième travail : les vaches de Géryon.

Le dixième travail qu'Eurysthée ordonna à Hercule, fut d'amener les vaches de Géryon qui paissaient alors sur les côtes de l'Ibérie, baignées par l'Océan. Voyant que cette entreprise demandait beaucoup de peine et d'appareil, Hercule équipa une belle flotte, et leva un grand nombre de soldats dignes d'une telle expédition. Le bruit s'était répandu par toute la terre que Chrysaor, ainsi nommé à cause de ses richesses, régnait sur toute l'Ibérie, et qu'il avait pour compagnons d'armes trois fils remarquables par leur force et leur vaillance ; que, de plus, chacun d'eux commandait de puissantes armées composées d'hommes guerriers. Eurysthée, persuadé que c'était là une entreprise insurmontable, en avait à dessein chargé Hercule ; mais celui-ci affronta ce péril avec autant de courage qu'il avait affronté les autres.

[…] Hercule parcourut la Libye jusqu'à l'Océan, qui baigne Gadès, et il éleva deux colonnes sur les bords de l'un et de l'autre continent. De là, abordant avec sa flotte, dans l'Ibérie, il atteignit les fils de Chrysaor qui commandaient trois armées séparées. Hercule les tua dans un combat singulier, soumit l'Ibérie, et emmena ces fameux troupeaux de vaches. En traversant le pays des Ibériens, il fut honorablement accueilli par un roi de ce pays, homme distingué par sa piété et sa justice ; en retour de cet accueil il donna au roi une partie de ces vaches. Le roi les consacra toutes à Hercule, et il lui sacrifia, tous les ans, le plus beau taureau né de ces vaches sacrées. Ces dernières ont été conservées en Ibérie jusqu'à nos jours.

[L'historien raconte ensuite le long et périlleux périple d'Hercule, par terre et par mer, pour ramener les vaches jusqu'en Grèce]

Onzième travail : le chien Cerbère.

À peine Hercule eut-il fini son dixième travail, qu'Eurysthée lui ordonna d'amener des enfers à la lumière du jour le chien Cerbère. Dès qu'Hercule eut reçu ordre d'exécuter ce travail, qu'il regarda comme glorieux pour lui, il se rendit à Athènes, et se fit initier dans les mystères d'Eleusis, dont Musée, fils d'Orphée, était alors le chef. […] Ce héros descendu dans les enfers, fut, suivant la tradition, accueilli de Proserpine comme un frère : elle lui permit même de délivrer et d'emmener avec lui Thésée et Pirithoüs. Il enchaîna Cerbère, le tira des enfers et le montra aux hommes.

Douzième et dernier travail : les pommes d'or des Hespérides.

Son dernier travail fut d'apporter les pommes d'or des Hespérides. Hercule navigua alors de nouveau vers la Libye. Les sentiments des mythographes sont partagés au sujet de ces pommes : les uns disent qu'il y avait des pommes d'or dans quelques jardins des Hespérides, en Libye, et qu'elles étaient continuellement gardées par un redoutable dragon. D'autres soutiennent que les Hespérides possédaient de si beaux troupeaux de brebis, que, par une métaphore poétique, on les avait appelées pointues d'or, comme on appelle Vénus dorée, à cause de sa beauté. Quelques-uns enfin disent que ces brebis étaient d'une couleur particulière et semblable à l'or ; que, par le dragon, il faut entendre le gardien de ces troupeaux, homme robuste et courageux, tuant tous ceux qui cherchaient à lui ravir ces brebis. Mais chacun est libre de croire à cet égard ce qu'il voudra. Hercule tua le gardien de ces troupeaux ou de ces pommes, et les apporta à Eurysthée ; ayant ainsi accompli ses travaux, il attendit pour récompense l'immortalité, comme le lui avait promis Apollon.

Bibliothèque historique de Diodore de Sicile, tr. Ferdinand Hoefer, Paris, 1846, p. 271-287.
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