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Extrait

La première descente au Voreux

Émile Zola, Germinal 1èrepartie, chapitre III, 1885.
Etienne se fait embaucher aux mines de Montsou et découvre des conditions de travail effroyables. Le puits du Voreux est ici personnifié en un monstre noir avalant les mineurs.

Il ne comprenait bien qu'une chose : le puits avalait des hommes par bouchées de vingt et de trente, et d'un coup de gosier si facile, qu'il semblait ne pas les sentir passer. Dès quatre heures, la descente des ouvriers commençait. Ils arrivaient de la baraque, pieds nus, la lampe à la main, attendant, par petits groupes d'être en nombre suffisant. Sans un bruit, d'un jaillissement doux de bèle nocturne, la cage de fer montait du noir, se calait sur les verrous, avec ses quatre étages contenant chacun deux berlines pleines de charbon. Des moulineurs, aux différents paliers, sortaient les berlines, les remplaçaient par d'autres, vides ou chargées à l'avance des bois de taille. El c'était dans les berlines vides que s'empilaient les ouvriers, cinq par cinq, jusqu'à quarante d'un coup, lorsqu'ils tenaient toutes les cases. Un ordre partait du porte-voix, un beuglement sourd et indistinct, pendant qu'on lirait quatre fois la corde du signal d'en bas « sonnant à la viande », pour prévenir de ce chargement de chair humaine. Puis, après un léger sursaut, la cage plongeait silencieuse, tombait comme une pierre, ne laissait derrière elle que la fuite vibrante du câble.

Émile Zola, Germinal : Paris, Librairie illustrée, 1885-1886.