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Extrait

L'orgueil de la science, péché du monde

Eugène Huzar, La fin du monde par la science, 1855, p. I-IV (préface)
Dans la préface à son livre La fin du monde par la science, Eugène Huzar adopte une démarche historique et scientifique et annonce la structure logique de son livre divisé en trois parties : le présent, le passé, l'avenir. Il cherche ainsi à rendre légitime sa pensée catastrophiste en illustrant cette citation : « ce qui a été sera ». Selon lui, l'orgueil de la science qui a été la cause de l'homme dans le passé pourrait bien se produire à nouveau.

But et division de ce livre.

Nous le disons tout d’abord, le but de ce livre est de prouver à nos lecteurs que ce qui a été sera ; car, selon nous, le passé n’est que le miroir de l’avenir.

Dans nos prolégomènes, nous avons cherché à faire comprendre au lecteur l’origine de cette intuition (ce qui a été sera) ; c’était à l’occasion d’expériences scientifiques faites sous nos yeux, pendant un cours, hélas trop célèbre ! En voyant ces atômes infiniment petits, produits de la science ; ces fluides invisibles, impondérables ; ces gaz intangibles produire des effets si terribles, si inattendus, nous nous sommes demandé si l’homme, étendant sans cesse sa domination sur les énergies de la nature, n’amènerait pas fatalement, et malgré lui, une de ces catastrophes dernières qui sont le dernier jour d’un monde.

Nous avons ensuite, dans notre introduction, que nous recommandons à nos lecteurs de ne jamais perdre de vue, car sans elle on ne peut comprendre le sens de ce livre, développé l’éternelle loi du drame humain.

Ces préliminaires une fois bien établis,  – nous avons divisé notre ouvrage en trois livres : le présent, le passé et l’avenir, reliés entre eux par une seule et même formule : l’orgueil de la science, ce vieux péché du monde, qui a été cause de la chute de l’homme dans le passé, sera encore cause de sa chute dans l’avenir. Cette formule seule répond aux trois mots posés par la philosophie : où suis-je ? d’où viens-je ? où vais-je ?

Dans le livre premier, le PRÉSENT, nous avons cherché à prouver que la diffusion des lumières serait une source de progrès indéfinis, amenant une catastrophe certaine.

Dans le livre deuxième, le PASSÉ, nous avons établi, en nous appuyant sur toute l’antiquité religieuse, que le péché originel n’a d’autre sens que l’exagération de la science et de la force, amenant fatalement la chute de l’homme, c’est-à-dire une catastrophe universelle. Aussi combattons-nous dans ce livre toutes les autres théories émises jusqu’à nous sur le péché originel, et surtout celles de Jean Reynaud et Creuzer. Nous prouvons le peu de valeur de leurs théories, si impuissantes selon nous, pour expliquer le grand drame humain, et d’ailleurs complètement en contradiction avec les religions de l’antiquité.

Dans le livre troisième, l’AVENIR, la fin du monde, nous avons examiné toutes les théories de l’antiquité sur un si grave sujet, et nous avons cherché à montrer que toutes les religions ont annoncé la fin du monde devant arriver fatalement par l’exagération de la science et de la puissance ; or, comme nous avons prouvé dans le livre premier, Le Présent, que l’humanité progressait d’une manière indéfinie ; dans le livre second, Le Passé, que la chute de l’homme avait eu lieu autrefois par l’exaltation de la puissance et de la science, nous pouvons conclure dès aujourd’hui, en voyant les progrès rapides de notre époque, que ces progrès inouïs devront un jour aboutir à une catastrophe planétaire, résultant de l’exagération même de la puissance et de la science de l’homme.

Donc, ce qui a été sera, car le passé n’est pour nous que le miroir de l’avenir.

Eugène Huzar, La fin du monde par la science : Paris, E. Dentu, 1855.