Les Lumières, un intense bouillonnement à l’échelle de l’Europe

Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes
Dans le Discours sur l’origine de l’inégalité, Jean-Jacques Rousseau présente pour la première fois sa vision complète de l’homme et du monde. Ce livre, qui raconte l’émergence de l’humanité, apporte une contribution décisive à l’esprit des Lumières. Au point de départ, un « état de nature » : les êtres humains n’ont pas conscience les uns des autres et ne connaissent pas le bien et le mal. Mais ils se distinguent des animaux par leur liberté : « La Nature commande à tout animal et la Bête obéit. L’homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît libre d’acquiescer ou de résister. » Vient alors le grand pas, l’entrée dans l’état de société : « Chacun commença à regarder les autres et à vouloir être regardé soi-même. » De là découlent, inextricablement liées, les plus grandes qualités et les plus grandes tares de l’humanité, ses progrès et sa dépravation : le besoin de paraître, le plaisir de dominer, le noir penchant à se nuire mutuellement. Toute l’œuvre postérieure de Rousseau sera une tentative pour trouver un remède à notre état déplorable, tel qu’il l’a décrit dans le Discours.
Bibliothèque nationale de France
Le 18e siècle voit l’épanouissement d’idées apparues au fil des siècles depuis l’Antiquité ; il absorbe les mouvements idéologiques antérieurs, les réexamine, les remet en question et les synthétise. Les philosophes des Lumières sont les héritiers de Galilée, Pascal, Leibniz. Ils se différencient de Descartes en postulant, dans le sillage de Locke, que la connaissance n’est pas innée, mais procède de l’expérience.
Leur quête de la connaissance passe par la remise en cause des idées reçues, l’ouverture à tous les domaines du savoir, l’exaltation des sciences (la science est regardée comme le moyen de libérer l’humanité des superstitions et de l’obscurantisme) et la foi inébranlable dans le pouvoir de la raison. La pensée doit être libre et non plus soumise à l’autorité et aux schémas antérieurs reposant sur une interprétation chrétienne de l’univers. À la suite de Pierre Bayle (Dictionnaire historique et critique, 1695), les penseurs doutent des doctrines théologiques et métaphysiques. La devise des Lumières : « Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! » est énoncée par Kant (Qu’est-ce que les Lumières ?, 1784). L’individu doit être autonome pour conquérir sa liberté.
Mouvement intellectuel d’origine anglaise qui s’est répandu dans toute l’Europe, constitué de courants parfois contradictoires, les Lumières contribuent à l’histoire des civilisations. Les révolutionnaires français s’en sont prévalus et elles inspirèrent la déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique (4 juillet 1776), dont la Constitution (1787) reprend des principes inspirés de Montesquieu (séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire).
Qu’en est-il aujourd’hui de l’esprit des Lumières, face à la mondialisation, dans une Europe constituée de pays qui n’ont plus de frontières matérielles et d’où la monarchie absolue a disparu ? Que reste-t-il de cet héritage complexe dans les débats de notre société sur la laïcité, les dérives de la science, les mœurs, la solidarité… ?
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