Les épreuves de l’arrière : civils en guerre

En pays bombardé
Les violences à l’encontre des civils constituent un fait majeur de la Première Guerre mondiale, observable surtout, pour le front ouest, dans les premiers temps de l’avance allemande en Belgique et dans le Nord de la France, en zones qui demeurent « occupées » pendant la durée du conflit.
Pendant la guerre, en raison des innovations techniques comme l’artillerie de longue portée ou les lourds obus aériens, les civils sont devenus des cibles. Les masques à gaz distribués aux femmes et aux enfants dans les zones touchées par les attaques aux armes chimiques témoignent ainsi des violences directes sur les civils. Mais ce document de propagande souligne aussi le dénuement extrême de cette mère et de son enfant, et appelle les soldats à combattre pour défendre leur famille ainsi exposée de manière inique. Ces deux figures touchantes et démunies symbolisent toute la violence et la misère infligée aux civils par la guerre moderne, intégrale, sans pitié. Ainsi le souvenir des brutalités de l’occupation (viols, exécutions, mutilations, brutalités des réquisitions et de la présence des soldats au quotidien), ou des souffrances dues aux déplacements et déportations, contribue à provoquer l’exode et l’afflux de réfugiés vers le sud, en juin 1940.
© Bibliothèque nationale de France
La Première Guerre mondiale mobilise l’ensemble des sociétés des pays belligérants, à l’arrière comme au front, aussi est-elle parfois qualifiée de « guerre totale ». Cette mobilisation intégrale de la société civile est une nouveauté, que personne ne pouvait imaginer au déclenchement du conflit. Mais comment les civils de l’arrière ont-ils vécu la guerre ? Les voix des femmes, notamment, à qui incombe la marche du pays, et qui parlent du quotidien, non des combats, n’ont-elles pas été quelque peu oubliées par les historiens ?
L’économie toute entière se met progressivement au service de la guerre, d’autant plus qu’en France, les départements du nord industrialisé sont occupés par les Allemands : alors que la guerre s’enlise dans les tranchées, il faut transformer les usines en fabriques d’armement, dans lesquelles les femmes remplacent en partie les hommes partis au front, aux côtés des ouvriers qualifiés que l’on fait revenir dès 1915. Remplaçantes également dans les transports ou aux champs, les femmes, aidées des non mobilisés et des enfants, assument le ravitaillement de la nation en guerre, qui ne reconnaît cependant pas leur rôle une fois la paix revenue, les renvoyant à leur foyer.
Mais en plus de servir la guerre, les populations de l’arrière constituent des cibles pour l’ennemi et subissent des violences inouïes, du blocus allié aux atrocités allemandes en zones occupées, là où la frontière entre combattants et civils s’estompe. La faim, la désolation dans les zones de combats, les viols, l’occupation brutale au quotidien, les camps d’internement et les déportations, toutes ces épreuves constituent ainsi des armes puissantes contre les populations.
Pourtant la situation est à nuancer, car des catégories de civils ont moins souffert que d’autres, certains même se sont enrichis, profitant de l’économie de la guerre, et mènent une vie agréable, alimentant le ressentiment des poilus à l’égard de l’arrière, observant ces injustices lorsqu’ils sont en permission dans les villes.
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