Le battant

© FEP / Jean Bibard
Champions 98, l'album de la victoire
La victoire de l'équipe de France, les « Bleus », au Mondial de football 1998 est inscrite dans l'imaginaire national comme une date phare. C'est souvent en référence à cet événement et à la foule en liesse qui envahit spontanément les Champs-Élysées le 12 juillet que l'on parle d'une France « black, blanc, beur ». L'album d'images à coller édité par Panini après juillet 1998 rassemble tous les éléments de la légende. Une page est consacrée à chaque joueur : biographie et photos sur fond de maillot numéroté. Le rappel des victoires est illustré d'images des footballeurs en action, sur fond pailleté. Les moments symboliques que sont la scène de liesse sur les Champs (p. 46-47) et la réception à l'Élysée (p. 48-49) sont sur fond bleu, blanc, rouge. « Chacun voulait voir, s'approcher, toucher les héros nationaux ». Le marqueur des buts décisifs est placé dans la continuité héroïque de ses aînés : « Les joueurs de légende : Fontaine, Kopa, Platini, Giresse, Papin, Zidane » (p. 62-63). L'imaginaire de l'enfant collectionneur d'images ne peut que se nourrir avidement des modèles qui lui sont proposés : d'un côté, les corps en action, le moment décisif, les visages tendus, crispés par l'effort, de l'autre l'explosion joyeuse de l'équipe victorieuse.
© FEP / Jean Bibard
Comme les aventuriers, les sportifs se battent. Ils repoussent pour nombre d’entre eux les limites du possible, parfois avec des moyens (dopage, surentraînement) nocifs pour leur santé et leur équilibre. D’ailleurs, le culte de la performance, qui s’applique traditionnellement au monde des affaires et de l’entreprise, s’élargit dans les années 1980 quasiment à l’ensemble de la société. Mais la figure la plus exposée, la plus médiatisée – sur les affiches, sur les écrans, dans les médias – est le sportif. Aucun exploit ne parvient jusqu’au public sans être préparé, mis en scène, commenté à satiété. Le stade est désormais le champ de bataille d’une guerre symbolique, comme l’ont montré les sociologues du sport. Le héros sportif, succédané de guerrier, n’a pas grand-chose à voir avec le héros antique aristocratique. Ce ne sont plus les dieux qui parlent à travers ses exploits, c’est l’individu ordinaire qui accède à la célébrité. Le champ sportif révèle les tensions et les contradictions de nos sociétés. L’individu exhibe sa singularité tout en prétendant ressembler aux masses. Les valeurs méritocratiques et pacifistes mises en avant dans le discours sportif se heurtent souvent à la réalité des inégalités et de la violence, bien que l’affrontement soit théoriquement contraint par l’euphémisme du fair play et d’un code d’honneur sportif non écrit. Le combat se déroule en effet dans un espace et un temps dévolus à cette activité, dans l’étonnant sanctuaire qu’est le stade. Ce lieu moderne de construction épique vise à rendre équivalentes les figures médiatiques et les figures sportives au prix d’un dispositif d’héroïsation coûteux.

Champions 98, l'album de la victoire
La victoire de l'équipe de France, les « Bleus », au Mondial de football 1998 est inscrite dans l'imaginaire national comme une date phare. C'est souvent en référence à cet événement et à la foule en liesse qui envahit spontanément les Champs-Élysées le 12 juillet que l'on parle d'une France « black, blanc, beur ». L'album d'images à coller édité par Panini après juillet 1998 rassemble tous les éléments de la légende. Une page est consacrée à chaque joueur : biographie et photos sur fond de maillot numéroté. Le rappel des victoires est illustré d'images des footballeurs en action, sur fond pailleté. Les moments symboliques que sont la scène de liesse sur les Champs (p. 46-47) et la réception à l'Élysée (p. 48-49) sont sur fond bleu, blanc, rouge. « Chacun voulait voir, s'approcher, toucher les héros nationaux ». Le marqueur des buts décisifs est placé dans la continuité héroïque de ses aînés : « Les joueurs de légende : Fontaine, Kopa, Platini, Giresse, Papin, Zidane » (p. 62-63). L'imaginaire de l'enfant collectionneur d'images ne peut que se nourrir avidement des modèles qui lui sont proposés : d'un côté, les corps en action, le moment décisif, les visages tendus, crispés par l'effort, de l'autre l'explosion joyeuse de l'équipe victorieuse.
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
L’héroïsation du footballeur français Zinedine Zidane repose largement, comme pour le brésilien Pelé, sur la belle action médiatisée et le modèle de réussite sociale… Le sport choisit en effet de réserver « un sort tout particulier à celui ou celle qui repousse les limites et se joue des barrières et des seuils : l’être d’une extrême particularité, l’auteur de l’« incomparable », celui du « jamais vu », brusquement projeté sur une autre scène encore, celle tout imaginaire de l’espace légendaire et héroïsé ». L’une des personnalités préférées des Français, modèle d’intégration, Zidane est mondialement connu et fait rêver. Le voisin d’en face devient un surhomme, qui repousse les limites de la condition humaine, et parfois un homme providentiel. L’image visible et véhiculée du footballeur Zidane, c’est à la fois l’intelligence et la grâce du geste, la figure monumentale et protectrice peinte sur un mur de Marseille, la célébrité altruiste (parrain d’associations qui luttent contre des maladies) et la violence du héros : tirs décisifs, buts meurtriers, selon le vocabulaire des commentateurs, dont plusieurs « têtes » et l’ultime « coup de boule » en finale de la coupe du monde 2006, qui n’efface pas son exceptionnel parcours.