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Le texte et ses sources

Mappemonde en TO
Mappemonde en TO

Bibliothèque nationale de France

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Plusieurs textes à l’encre noire encadrent la mappemonde d’Ebstorf. Puisant dans les Étymologies d’Isidore de Séville, ils viennent en appui de l’image décrire le monde et ses occupants.

Mappemonde d’Ebstorf
Mappemonde d’Ebstorf |

Bibliothèque nationale de France

La mappemonde d’Ebstorf se présente comme un cercle figurant l’orbis terrae, la terre habitée, l’œkoumène des Grecs, nostra habitatio pour les auteurs médiévaux. Elle est encadrée, comme mise en scène, par un long texte écrit à l’encre noire, dont certaines parties ont disparu ou n’ont pu être restaurées (et qui souvent ne figurent pas sur les fac-similés). Des titres et des majuscules rubriqués ouvrent les paragraphes.
Les Étymologies d’Isidore de Séville (v. 570-636) sont les principales sources auxquelles l’auteur a puisé. Livre de chevet de tous les clercs médiévaux, cette somme de vingt livres traite de l’origine des choses en partant de l’étymologie des mots et veut rassembler le savoir antique.

La description du monde

Quatre textes généraux voient leur importance soulignée par leur disposition en haut de la mappemonde, de part et d’autre de la tête du Christ, Verbe incarné ; l’initiale ornée et rubriquée qui les introduit et leur répartition en pavés de longueur à peu près égale. On peut imaginer que ces textes introductifs étaient les premiers, les autres textes ayant été ajoutés par la suite.

Le ciel et le Paradis

Le paradis terrestre et le péché originel
Le paradis terrestre et le péché originel |

Bibliothèque nationale de France

Seconde colonne en partant de la gauche, à la droite du Christ, le texte commence par les mots Celum vocatum qui introduisent une description du ciel dans toutes les acceptions du terme, empruntée à Isidore de Séville (Étymologies, XIII, IV, 1-2 et V, 1-2). Le texte 2 – qui suit le précédent, de gauche à droite – commence par le mot Paradysus, début d’une longue description sur deux colonnes, de même longueur, du Paradis terrestre, également tirée des Étymologies (XIV, II, 2-3). Le Paradis est représenté presque immédiatement en dessous sur l’image.

La terre habitée

Schéma du TO
Schéma du TO |

Bibliothèque nationale de France

Le texte 3 – la première colonne de droite, à gauche du Christ – est introduit par le mot Orbis et décrit le cercle de la terre habitée, l’orbe terrestre (Étymologies, XIV, 1-3 et II 1-2).

Il est complété par un schéma, en rouge, qui indique, par l’intermédiaire d’un T, la disposition des trois parties du monde – Asie, Europe et Afrique – à l’intérieur de l’O de l’orbe terrestre.

La création

Cette description du monde dans son entier, depuis les hauteurs du firmament et de la sphère éthérée (texte 1), jusqu’à la terre habitée (texte 3) en passant par la description de l’Éden, primitivement destiné aux hommes, s’achève par un rappel des modalités de cette création telle qu’elle est rapportée au début de la Genèse (Gen., I, 1-31). Le texte 4 commence en effet par ces mots : Prima die, qui inaugurent une récapitulation de l’œuvre divine en six jours, que les théologiens de l’époque ont longuement commentée dans des ouvrages intitulés Hexameron.

La mappemonde

Enfin le texte 5 achève cette séquence inaugurale, qui au départ devait peut-être en rester là, par une définition de la mappemonde : Mappamundi. C’est-à-dire une explication du rôle et de la fonction imputés à la grande image qui se déploie en dessous.

Typologie des animaux

Les cinq premiers textes de la mappemonde ont été ensuite complétés, sans doute par le même scribe, un clerc fortement épris d’histoire naturelle. Au moment même où, surtout en Angleterre, ses confrères composent des ouvrages intitulés Bestiaires, entièrement consacrés aux animaux de la création. Dans les espaces restants, autour de la mappemonde, l’auteur a introduit, en suivant fidèlement le livre XII des Étymologies d’Isidore de Séville, la taxonomie et la description d’un certain nombre d’animaux.

Les animaux domestiques

Le daim et le cerf 
Le daim et le cerf  |

Bibliothèque nationale de France

Le texte 6 – qui commence immédiatement après la définition de la mappemonde – est l’énumération d’un certain nombre d’animaux domestiques, empruntée, pour l’essentiel, au chapitre I du livre XII des Étymologies : « Du bétail et des bêtes de somme ». Chaque nom, inscrit en rouge, précède la description. Pour bien marquer la différence avec le paragraphe précédent, l’auteur a inséré ces titres entre de longs tirets quand la place le lui permettait. Chaque description commence par une majuscule simple, rubriquée, à l’exception du premier paragraphe qui est introduit par une initiale enluminée, comme si le scribe avait continué sur sa lancée. Sont ainsi décrits les bouquetins (ibices) (Étymologies, XII, I, 16), les cerfs (cervi) (Étymologies, XII, I, 18), le daim (damnula) (Étymologies, XII, I, 22), le buffle (bubalus) (Étymologies, XII, I, 33), le sanglier (aper) (Étymologies, XII, I, 27), le chameau (camelis) (Étymologies, XII, I, 35), le dromadaire (dromeda), (Étymologies, XII, I, 36) et l’onagre (onager) (Étymologies, XII, I, 39). Des animaux énumérés dans le même ordre que celui d’Isidore, mis à part le buffle dont la description a peut-être été ajoutée.

Les bêtes sauvages

Cette sorte de taxonomie se poursuit (texte 7) avec la liste des « bêtes sauvages » qui constituent le chapitre II du livre XII d’Isidore : le lion (leo) (Étymologies, XII, II, 3), le tigre (tygris) (Étymologies, XII, II, 7).
Mais au lieu de continuer en descendant, l’énumération se poursuit sur la colonne de gauche (texte 4), en dessous du texte sur la création. Avec, de haut en bas : le pard (pardus) (Étymologies, XII, II, 10), le léopard (leopardus) (Étymologies, XII, II, 11), le rhinocéros (rhinoceron) (Étymologies, XII, II, 12), l’éléphant (elefans) (Étymologies, XII, II, 14), le caméléon (camelion) (Étymologies, XII, II, 18) et le lynx (lincis) (Étymologies, XII, II, 20). Comme précédemment, les descriptions sont annoncées par une majuscule rubriquée, le titre précédant le paragraphe mais sans tirets cette fois, sans doute par économie de place.

Les animaux
Les animaux |

Bibliothèque nationale de France

La liste s’achève, dans la partie inférieure de la mappemonde, par la description du castor (castor) (Étymologies, XII, II 21), de l’ours (ursus) (Étymologies, XII, II, 22) et du singe (simia) (Étymologies, XII, II, 30).

Les serpents

Après les animaux sauvages, passant outre la description des « petits animaux » qui constitue le corps du chapitre III du livre d’Isidore, l’auteur poursuit par l’énumération et la description des serpents (texte 8). Le texte est emprunté de façon plus ou moins ordonnée au chapitre IV du livre XII des Étymologies. Il égrène longuement, sur les colonnes de droite à gauche, les différents types de reptiles et de lézards. Cette description renvoie à la mappemonde où sont figurés, dans la partie extrême de l’Éthiopie, les reptiles de toutes sortes qui hantent ces lieux torrides réputés inhabitables.

Les serpents
Les serpents |

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De droite à gauche, ce sont le dragon (draco) (Étymologies, XII, IV, 4), la vipère (vipera) (Étymologies, XII, IV, 10), l’aspic (aspis) (Étymologies, XII, IV, 12), la dipsa (dipsa) une variante de l’aspic (Étymologies, XII, IV, 13), le régulus (regulus) ou basilic, ajouté en bas du parchemin comme un repentir (Étymologies, XII, IV, 6).
Puis, sur la colonne de gauche : le céraste (ceraste) ou serpent à cornes (Étymologies, XII, IV, 18), le prester (Étymologies, XII, IV, 16), le seps ou aspic putréfiant (seps tabificus) (Étymologies, XII, IV, 17), l’enhydris (?), l’hydre (ydra), suivie de l’elydros (Étymologies, XII, IV, 23-24), la couleuvre (renatrix) (Étymologies, XII, IV, 25), le paria (Étymologies, XII, IV, 27), le boa (Étymologies, XII, IV, 28), le javelot (iaculus) (Étymologies, XII, IV, 29), le seps, dont le nom est répété deux fois comme chez Isidore (Étymologies, XII, IV, 17), la sirène (serena) (Étymologies, XII, IV, 29) et la salamandre (salamanda) (Étymologies, XII, IV, 36).
Se poursuivant, toujours de droite à gauche, sur la colonne précédente : la sirène (répétition), la scitale (scitalis) (Étymologies, XII, IV, 34), le stellion (stellio) (Étymologies, XII, IV, 35), le scorpion (scorpio) (Étymologies, XII, IV, 38). Ce chapitre se clôt par un long paragraphe sur « les scorpions et autres serpents ».

Les oiseaux

Les oiseaux
Les oiseaux |

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Le bestiaire se poursuit ailleurs, en haut de la mappemonde, dans l’espace laissé vide avant la description du ciel (texte 1). Là il est question « De la nature de certains oiseaux » (texte 9). Ici encore l’auteur tire profit de la place disponible en même temps, comme pour le chapitre sur les serpents, qu’il profite de la proximité de certaines représentations, comme celle des oiseaux d’Hyrcanie. Le texte, comme les précédents, est en grande partie tiré du chapitre VII du livre XII des Étymologies, avec néanmoins quelques exceptions.
De haut en bas sont énumérés : l’aigle (aquila) (Étymologies, XII, VII, 10), le vautour (vultur) (Étymologies, XII, VII, 12), le perroquet (psytacus) (Étymologies, XII, VII, 24), l’autruche (struthio) (Étymologies, XII, VII, 20), l’ibis (ibis) (Étymologies, XII, VII, 33), les grues (grues) (Étymologies, XII, VII, 14-15), les oiseaux de Diomède (Diomedias aves) (Étymologies, XII, VII, 28-29), le pélican (pelicanus) (Étymologies, XII, VII, 26), et les oiseaux hercyniens (erciniae aves) (Étymologies, XII, VII, 31) dont la description fait quasiment face à la représentation.

Autres descriptions

Toute une partie du texte ayant disparu, il est difficile de savoir comment était occupé le reste de l’espace disponible. Mais de nombreuses informations sont encore lisibles.

Les îles

L’île perdue
L’île perdue |

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Le texte 10, dans la partie inférieure gauche de l’image, traite « Des îles ». Sont énumérées : l’île de Thanatos (Étymologies, XIV, VI, 3), les Cyclades (Étymologies, XIV, VI, 19), les îles Éoliennes (Étymologies, XIV, VI, 36), les Gorgades, îles des femmes. Toutes, ou presque, sont figurées sur la mappemonde. La description insulaire se poursuit de l’autre côté, à gauche des pieds du Christ par celle des îles de Gadès.
Deux autres textes complètent cette tentative de serrer le monde et son explication en une seule « page », comme se le proposait la définition de la mappemonde (texte 5). Le texte 11 – qui semble d’une certaine façon combler un vide – est formé d’extraits du livre XVI des Étymologies, « Des pierres et des métaux » : un passage traite de l’alumine (alumen) (Étymologies, XVI, II, 2) ; un autre du soufre (sulfur) (Étymologies, XVI, I, 9).

Enfin, pour ceux qui seraient restés sur leur faim, l’auteur renvoie au livre d’Isidore : « Si quelqu’un veut en savoir plus... qu’il lise Isidore. »