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Victor Hugo, soutien de Louis-Napoléon Bonaparte ?

Émergeant dans les troubles qui suivent la révolution de 1848 et la mise en place de la Deuxième République, le personnage de Louis-Napoléon Bonaparte jouit tout d’abord du soutien de Victor Hugo. Mais son glissement vers des positions de plus en plus autoritaires creuse bientôt un fossé entre les deux hommes.

Hugo au cœur des troubles de 1848

En février 1848, quand éclate la révolution qui chasse Louis-Philippe, dernier roi des Français, Victor Hugo est plongé dans la rédaction du roman qui deviendra bien plus tard Les Misérables.

Lamartine à l’Hôtel de Ville
Lamartine à l’Hôtel de Ville |

Bibliothèque nationale de France

Lamartine est le grand homme des journées de février ; Hugo, même s’il soutient et encourage son ami, semble un peu sur la réserve. Il est élu en juin, lors d’élections complémentaires, à l’Assemblée constituante, en même temps qu’un certain Louis Napoléon Bonaparte, filleul et neveu présumé de Napoléon Ier, qui ne vient pas siéger.

Victor Hugo, lui, non seulement vient siéger, mais doit affronter tout de suite la plus grave crise du nouveau régime, l’un des épisodes les plus tragiques du 19e siècle : la grande insurrection populaire de juin 1848. Il est envoyé sur les barricades pour parlementer avec les ouvriers qui se sont soulevés en masse contre la suppression des ateliers nationaux leur garantissant un travail.

La Deuxième République débordée confie assez vite les pleins pouvoirs à son ministre de la guerre, le général Cavaignac, qui reprend en mains la situation au prix d’une répression particulièrement féroce.

La Deuxième République
La Deuxième République |

Bibliothèque nationale de France

Les candidats à la présidence en 1848
Les candidats à la présidence en 1848 |

Bibliothèque nationale de France

Pour les élections présidentielles prévues à la fin de l’année, Lamartine a perdu tout son crédit au profit de Cavaignac – que Victor Hugo n’apprécie pas davantage que ses méthodes. C’est la raison pour laquelle, un an après avoir plaidé pour autoriser la rentrée en France des membres de la famille Bonaparte, il apporte son soutien, appuyé par son journal L’Événement, à la candidature de Louis Napoléon, lequel se présente avec des idées progressistes et libérales.

La pensée des forts, le désir des simples, nous donneront ici la même réponse. L’homme d’État écrira et le paysan fera écrire sur son bulletin le même nom : Louis Napoléon Bonaparte

L’Événement, 3 décembre 1848

Le triomphe de ce dernier est inattendu : il est élu en décembre pour quatre ans président de la République française avec plus de 74 % des suffrages exprimés, et prête aussitôt serment à la Constitution devant l’Assemblée.

Retournement de situation

Les trois années qui suivent sont marquées par un double mouvement : d’une part, un durcissement de la politique gouvernementale qui renonce à tous les articles de son programme social pour devenir franchement réactionnaire, d’autre part le lent et régulier glissement de Victor Hugo de la droite qui l’avait élu vers la gauche qui va plus ou moins bien l’accueillir. Contrairement à ce qu’en dit la rumeur, il n’est pas passé à l’opposition par dépit de n’avoir pas été nommé ministre par Louis-Napoléon Bonaparte : c’est une calomnie que l’on a très vite fait courir sur son compte pour caricaturer ce changement de front.

Le fossé se creuse donc entre le poète et le prince-président. Le 17 juillet 1851, lors de son dernier discours à l’Assemblée Nationale, Hugo le rebaptise « Napoléon le Petit », un surnom qui restera. Ses deux fils sont incarcérés pour délit de presse.

Quoi ! après Auguste, Augustule ! Quoi ! parce que nous avons eu Napoléon le Grand, il faut que nous ayons Napoléon le Petit !

Discours du 17 juillet 1851 à l’Assemblée législative

Le coup d’État du 2 décembre 1851
Le coup d’État du 2 décembre 1851 |

© Bibliothèque nationale de France

Après avoir rogné toutes les libertés mais échoué à réformer la Constitution pour se maintenir légalement au pouvoir, Louis Napoléon Bonaparte renverse ce qui restait de la Deuxième République lors du coup d’État du 2 décembre 1851.

Victor Hugo prend la tête de l’opposition et entre dans la clandestinité. Sa tête mise à prix, il se résout à fuir quand il comprend que le peuple, toujours irrité par la répression de juin 1848, ne prendra pas la défense de la République. Il gagne la Belgique peu de temps avant son expulsion officielle du territoire français, pêle-mêle avec une soixantaine d’autres députés de l’opposition. Pendant ce temps, plus de vingt mille opposants sont jugés de manière expéditive, emprisonnés et déportés.

"Admire Napoléon III"
"Admire Napoléon III" |

© Bibliothèque nationale de France

Napoléon le Petit
Napoléon le Petit |

Bibliothèque nationale de France

En 1852, Hugo publie à Bruxelles Napoléon le Petit, premier pas vers les Châtiments. Le succès de l’œuvre le chasse de Bruxelles ; son exil se poursuit dans les îles anglo-normandes, à Jersey, puis à Guernesey, où il continue d’écrire contre celui qui est devenu l’empereur Napoléon III. Ce n’est qu’après la chute de celui-ci et la proclamation de la Troisième République qu’il revient triomphalement en France, le 5 septembre 1870.

Ovation populaire de Victor Hugo dans les rues de Bordeaux
Ovation populaire de Victor Hugo dans les rues de Bordeaux |

Bibliothèque nationale de France