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Le développement des villes et du commerce
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Le développement des villes et du commerce

© Bibliothèque nationale de France
Bertrandon de la Broquière présentant le livre à Philippe le Bon
La chute de Constantinople en 1453 réactive les projets de croisade contre les Turcs caressés de longue date par le duc de Bourgogne Philippe le Bon. En 1454, lors du banquet du Faisan, ses plus proches courtisans font le vœu solennel de participer à l’expédition. Des copistes, traducteurs et écrivains se mettent aussitôt à l’œuvre, en particulier Jean Miélot, qui, l’année suivante, achève la traduction en français de l’Advis directif pour faire le passage d’Outremer du dominicain Guillaume Adam (Bruxelles, KBR, ms. 9095). C’est lui aussi qui se charge de la « translation » de la Descriptio Terrae Sanctae de Burchard du Mont-Sion reliée dans le même volume avec le Voyage en la terre d’Outremer de Bertrandon de la Broquière. Ce dernier, conseiller et premier écuyer tranchant de Philippe le Bon, « natif de Guienne » et décédé à Lille en 1459, avait été envoyé en voyage de reconnaissance en Orient dans les années 1432 et 1433. Il rapporta un récit circonstancié de son périple et de ses observations sur le terrain qui furent « mis par escript » par Jean Miélot.
Contrairement à l’Advis directif conservé à Bruxelles (KBR, ms. 9095), le manuscrit de Paris est un recueil de grand luxe, écrit et peint sur parchemin pour Philippe le Bon, dont les armes apparaissent dans plusieurs marges, accompagnées à deux reprises de sa devise, Autre naray. Tant l’écriture – qui n’est pas celle de Miélot – que la décoration marginale peuvent être rapprochées d’un Recueil dont les textes ont été compilés ou traduits par Miélot en 1456 pour Philippe le Bon (Paris, BnF, Mss, Français 12441). Les six miniatures du manuscrit Français 9087 de Paris sont l’œuvre de Jean Le Tavernier, qui a réalisé trois grandes peintures à pleine page sur des folios séparés, insérés entre les cahiers de texte. Ces compositions ont requis une attention particulière du miniaturiste, car elles ont toutes un caractère topographique. La plus célèbre montre une vue de Jérusalem (fol. 85v.) dont la source est inconnue et qui mélange des lieux et bâtiments identifiables avec des éléments de fantaisie : on reconnaît le port de Jaffa, les villes d’Arimathie et de Bethléem, ainsi que Jérusalem, dominée par la coupole du Rocher, la mosquée Al-Aqsa et le Saint-Sépulcre, avec le mont des Oliviers et l’église de l’Ascension à l’arrière-plan. Une vue du Bosphore au fol. 207v. présente le siège de Constantinople par Mehmed II, qui devait se solder par la chute de la ville, en 1453. Des phylactères précisent la géographie des lieux.
La miniature du folio 152v. comporte un autre type d’allusion topographique. Elle montre Bertrandon de la Broquière, vêtu à la turque, au moment où, de retour de sa mission en Orient, il va à la rencontre de son maître, le duc de Bourgogne, pour lui remettre un exemplaire du Coran et « les faits de Machommet que le chapelain du conseil des Venisciens a Damas [lui] avoit baillié par escript en latin » (fol. 252). Le conseiller retrouve Philippe à la mi-juillet, devant l’abbaye de Pothières, pendant le siège de Mussy-l’Évêque (Mussy-sur-Seine). La ville assiégée se détache à l’horizon, tandis que le registre central est occupé par une imposante abbatiale. Comme l’a bien montré le chanoine Maere, ce bâtiment est une reproduction très fidèle de l’église de Notre-Dame de Pamele, la paroisse d’Audenarde située sur la rive droite de l’Escaut, à proximité de laquelle Jean Le Tavernier avait peut-être élu domicile. Il a visiblement eu tout le loisir d’étudier et de reproduire les particularités de l’édifice, dont certains détails architecturaux sont repris avec un vérisme étonnant.
Cette composition dynamique est très typique de l’art de Le Tavernier. Dans un vaste paysage vu en plongée et structuré par plans successifs se déploient plusieurs épisodes de la scène abondamment décrite par Bertrandon : à l’avant-plan, la remise du livre au duc, qui se distingue par son armure dorée, sa haute stature et la place qu’il occupe dans l’axe central de la miniature ; au milieu, l’abbaye et le campement bourguignon installé autour d’elle ; à l’arrière, le siège de la ville, perdue dans une lumière bleutée. Les tentes bourguignonnes, à droite, forment un S qui lie entre eux les trois plans. Il mène le regard vers le pur-sang à la robe blanche que Bertrandon a rapporté de son lointain voyage. Partout, des grappes de petits personnages s’agitent : ils sont en mouvement, à pied ou à cheval, arment leurs arbalètes ou dressent une tente. D’autres, à l’arrêt, se tiennent les jambes écartées, dans une attitude dynamique. Dans le groupe réuni au premier plan, un soldat en armure, de dos, le torse recouvert d’une jaque rouge rembourrée au niveau des épaules, tourne la tête vers la gauche, dans un énergique mouvement de torsion. Le même besoin de bouger anime les chevaux de Bertrandon et de son compagnon. Ils supportent mal qu’on leur laisse la bride sur le cou. Le charme de la composition repose aussi sur l’équilibre subtil des couleurs, avec des contrastes plus ou moins vifs de bleus et de roses, posés sur un substrat déclinant toutes les nuances de l’ocre et du vert. Des plages rouges ou blanches, judicieusement posées, rythment l’ensemble.
© Bibliothèque nationale de France
Les villes
À partir du 11e siècle, on assiste à un processus de renaissance des villes. Après les conquêtes musulmanes du 8e siècle et les invasions normandes du 10e siècle, une période de relative prospérité favorise l'essor du grand commerce et engendre un développement urbain. Les villes prennent progressivement une certaine autonomie, voient leurs statuts juridiques se diversifier et leur population croître et affirmer sa fonction sociale.
On distingue ainsi les communes des villes de franchise. Les premières sont dotées de prérogatives civiles et politiques reposant sur une promesse d'entraide des citadins. Cette démarche constitutive est reconnue par le seigneur dans une charte. La ville est gouvernée par un conseil composé d'échevins (nord de la France) ou de consuls (sud de la France) qui placent à leur tête un prévôt ou un mayeur.
Le terme « ville de franchise » est, quant à lui, utilisé pour une cité ayant acquis, par une charte seigneuriale, un certain nombre de privilèges de droit privé et public sans profiter, néanmoins, d'une totale autonomie de gestion.
Le développement des villes, qui se poursuit tout au long des 12e et 13e siècles, se manifeste par des revendications d'ordre politique ; la bourgeoisie naissante exige, parfois au moyen d'insurrections violentes, la gestion des institutions citadines. Elle souhaite disposer des prélèvements fiscaux et exercer la justice dont les implications sur la vie économique sont de plus en plus évidentes.
Le développement du commerce
Avec l'essor économique, l'activité des artisans se développe dans les villes. De premiers groupements informels voient le jour vers la fin du 11e siècle, et au 12e siècle se généralise l'organisation des métiers. Quand Saint Louis charge Étienne Boileau, prévôt des marchands de Paris, de réunir l'ensemble des textes relatifs aux métiers existants, ce dernier en dénombre une centaine dans son Livre des métiers.

La foire du Lendit
© Bibliothèque nationale de France
© Bibliothèque nationale de France
Dans les villes, les métiers se rassemblent par quartier.
Parallèlement se développent les foires et marchés. Au 11e siècle, les foires se généralisent et deviennent des centres d'échange pour les produits du grand commerce. La foire de Saint-Denis, dite foire du Lendit, créée par Dagobert, est particulièrement célèbre. C'est la grande foire de Paris du premier mercredi de juin à la Saint-Jean. Les foires de Champagne connaissent également une grande notoriété.
Le développement du commerce international
Deux villes principales sont au centre des itinéraires orientaux : Bagdad et Le Caire, dont les routes joignent l'Afrique noire subsaharienne à la Russie et mènent jusqu'en Chine. Côté Occident, ce sont surtout les républiques de Venise, Pise et Gênes qui assurent le commerce avec l'Orient.
Très prisés dans les cours occidentales et orientales, les produits de luxe venus d'Orient deviennent un enjeu stratégique. Durant les croisades, des accords ponctuels permettent aux caravanes de traverser les lignes ennemies. Et Constantinople sera mise à sac pour satisfaire les intérêts de la puissante Venise.

Marchand d’étoffes et de porcelaine
Bibliothèque nationale de France
Bibliothèque nationale de France
Le grand commerce en Méditerranée consiste surtout en produits de luxe : aromates, écaille, ambre, perles, pierres précieuses, étain de Malaisie, armes des Indes… Dans les comptoirs africains de la côte transitent des esclaves, l’or du Ghana, l’ivoire et des bois précieux exportés vers les grands relais caravaniers du Maghreb. La Russie et l’Asie centrale fournissent aussi des esclaves et du bois, des fourrures et du miel. D’Extrême-Orient sont importées épices, soieries, pierres précieuses et porcelaines. Un petit commerce transporte d’une étape à l’autre des biens de consommation courants : huile, céréales, poisson salé, produits fabriqués ou exotiques en transit, comme le sel ou les dattes d’Afrique.
Dès le 11e siècle, une partie du trafic d'al-Andalus et du Maghreb vers la Syrie et l’Égypte est effectuée par des navires étrangers, surtout italiens. Depuis l’Occident musulman ou chrétien, ces derniers exportent de la poix, du fer et d’autres métaux, du bois et des tissus solides et de grand prix comme les draps de laine. En retour, ils importent les produits orientaux de grand luxe si convoités en Europe, des tissus par exemple, nommés d’après leur lieu de production : « damas » de Damas, « baldaquin » de Bagdad, « mousseline » de Mossoul, « gaze » de Gaza.
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