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Les plaquettes et la circulation des motifs










Les plaquettes, qu’il est possible de définir comme des estampes en relief, constituent un support privilégié pour la circulation et la diffusion des modèles antiques. Généralement en bronze, ces petits bas-reliefs recouvrent en réalité un vaste panel d’objets allant des empreintes de camées ou d’intailles, aux décorations de vêtement ou de chapeau. Ces objets se distinguent nettement des médailles par leur caractère narratif et non commémoratif.
Les pierres gravées antiques, modèles des premières plaquettes
Les princes et les humanistes comptaient dans leurs collections d’antiques de nombreuses pierres gravées, comme l’intaille d’Apollon et Marsyas ci-dessus. Conservée dans la collection de Pietro Barbo puis dans celle de Laurent de Médicis, cette pierre semi-précieuse est gravée en creux. Elle représente le châtiment du satyre phrygien Marsyas, écorché vif pour avoir défié le dieu Apollon en une joute musicale. Apollon à demi-nu tient sa lyre de la main droite ; il refuse la grâce de Marsyas, lié par les mains à un arbre mort, au petit Olympus qui le supplie à genoux. Son immense succès lui a valu d’avoir été reproduite en de multiples exemplaires, dont celui-ci, prédent dans les collections de la BnF..
Bibliothèque nationale de France
La plaquette d’Apollon et Marsyas
Afin de répondre à la demande des collectionneurs qui désirent compléter leurs séries avec des reproductions d’objets uniques, les artisans d’art prennent des empreintes des pierres gravées et produisent ainsi les premières plaquettes de bronze dans la première moitié du 15e siècle. Celles-ci servent également aux artistes pour se constituer des répertoires de motifs. C’est sous cette forme que l’intaille d’Apollon et Marsyas circula dans toute l’Europe.
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De l’intaille à la médaille…
Cette intaille servit de modèle à de nombreux artistes, mais ils y intégrèrent aussi certains éléments de leur cru, notamment sur des médailles. En observant ici le personnage au sommet de la fontaine au revers de la médaille de Guarino da Verona par Matteo de’ Pasti, par exemple, il est difficile de ne pas voir que sa physionomie et son élégant contrapposto semblent dériver directement de la figure d’Apollon.
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…puis de la médaille à la plaquette
La porosité entre plaquette et médaille paraît assez naturelle : les artistes transposaient volontiers des motifs exécutés dans les mêmes métaux et de dimensions proches d’un type de support à l’autre. Le portrait de la médaille d’Alphonse V d’Aragon de Pisanello, ici à gauche par exemple, fut reproduit sous forme de plaquette en plusieurs exemplaires, comme ici à droite.
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Le succès des plaquettes de Moderno
L’orfèvre et médailleur Moderno, souvent identifié avec Galeazzo Mondella, exécuta de nombreux objets d’orfèvrerie entre Vérone, sa ville natale, et Rome entre la fin du 15e siècle et le début du 16e siècle. Leur succès fut tel qu’ils furent immédiatement surmoulés en bronze sous forme de plaquettes.
Moderno trouvait dans les œuvres antiques des sources d’inspiration privilégiées : sa composition d’Hercule et l’Hydre de Lerne reprend, par exemple, assez fidèlement celle des monnaies de Phaistos. C’est par son intermédiaire que de nombreux motifs circulèrent et furent adoptés en Italie mais aussi en Europe et tout particulièrement en France.
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La série de La vie d’Hercule
Les plaquettes de Moderno liées à la vie d’Hercule puisent la plupart de leurs motifs dans la monnaie grecque et romaine. Les plaquettes représentant Hercule étouffant le lion de Némée, qui existent avec une version figurant Hercule debout et l’autre Hercule accroupi, sont sûrement tirées respectivement de statères d’Héraclée et de monnaies de Syracuse.
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Une série basée sur les monnaies…
En effet, ces monnaies frappées en Sicile et en Grande Grèce circulèrent abondamment dans le Sud de l’Italie pendant l’Antiquité et devaient figurer dans nombre de collections numismatiques de la Renaissance. L’inspiration directe peut ici être déduite du fait qu’Hercule est représenté imberbe sur les plaquettes de Moderno, selon la tradition grecque, et non barbu, à la romaine, et suivent en cela fidèlement les modèles fournis par les monnaies.
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…autant que sur les monuments antiques
Moderno tira aussi une partie de son inspiration des monuments antiques. Dans sa série illustrant l’histoire du vol du troupeau de Géryon, il est en effet possible de reconnaître à l’arrière-plan des vestiges romains : l’esthétique des ruines renvoie à un nouveau regard sur cet héritage.
Il est important de souligner ici que la fortune des plaquettes de Moderno ne se limita pas à l’Italie du Nord : les motifs du vol du troupeau de Géryon se retrouvent également en France, à Dijon (Hôtel de Bénigne Serre, église Saint-Michel) et dans la vallée de la Loire (notamment sur la façade du château de Blois).
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…et les œuvres de ses contemporains
Moderno s’inspira sans doute également de ses contemporains. L’épisode du combat avec Antée avait été sculpté et peint quelques années auparavant par Antonio del Pollaiolo : la torsion du corps du géant, dont les jambes se plient en angles droits, semble avoir nourri sa réflexion pour la transposer dans sa plaquette.
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Les plaquettes, à leur tour source d’inspiration pour l’architecture
Les plaquettes des artistes italiens fournirent des modèles pour les peintres et les sculpteurs de la Renaissance dans toute l’Europe. De la même façon que les artistes et les artisans constituèrent des recueils d’estampes qui leur permettaient d’avoir sous la main des compositions ou des détails prêts à l’emploi, il faut imaginer des ateliers d’orfèvres, de céramistes, d’ébénistes, etc. compilant les plaquettes. La Porta della Rana de la cathédrale de Côme, ci-dessus, le tombeau Martinengo à Piacenza ou encore la porte du Palais Stanga de Crémone sont quelques-uns des exemples célèbres de l’utilisation des plaquettes dans le décor d’architecture.
Mots-clés
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D’après Paul Froment, chargé de collections au département des Monnaies, médailles et antiques
Bibliothèque nationale de France, 2024