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Quatre vaisseaux hollandais et plusieurs petits canots

Détail du globe terrestre de Coronelli 
Quatre vaisseaux hollandais et plusieurs petits canots
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Les Hollandais voyant que les Espagnols et les Portugais qui avaient découvert les deux grandes Indes vers la fin du 15e siècle, vendaient trop cher aux autres nations les épices, et toutes les autres marchandises qui viennent de ces riches pays et qu’ils prenaient leurs vaisseaux quand ils les rencontraient sous quelque prétexte spécieux, pour se délivrer d’une pareille tyrannie, ils résolurent dans la fin du 16e siècle d’envoyer des flottes aux grandes Indes, mais pour éviter la rencontre des Portugais qui étaient maîtres de la route de ces pays par les côtes d’Afrique, ils entreprirent d’aller par la mer Glaciale, ce qui ne leur réussit pas. Enfin, se voyant contraint d’aller par la route ordinaire, ils équipèrent une flotte qu’ils mirent en état de se défendre, en cas que les Portugais voulussent les empêcher de passer.

Environ vingt ans après qu’ils eurent fait quelques établissements dans les Indes, les choses n’allant pas tout à fait selon leurs désirs, leur ambition les porta à faire la découverte des terres australes, espérant d’y trouver de grandes richesses et ce fut le sujet du voyage de Jacques Le Maire dont on a représenté les vaisseaux en cet endroit.

Le Maire partit de Hollande, en 1615, avec deux vaisseaux, nommés l’un Concorde et l’autre Horn. Ce dernier fut brûlé par accident à Portodesire qui est à la côte orientale des terres Magellaniques à 47 degrés de latitude sud. Étant sorti de ce port avec le seul vaisseau La Concorde, il passa devant l’embouchure du détroit de Magellan. Il trouva à 100 lieues de cette embouchure, un détroit qu’il nomma de son nom le détroit de Le Maire, au delà duquel est une grande mer qu’il traversa pour aller gagner la mer du Sud. Il fit ainsi le tour de la Terre du Feu qui est au sud du détroit de Magellan et qu’on croyait être une partie du continent austral.

Après avoir navigué quelques temps assez près des côtes occidentales de l’Amérique ; il dressa son cours vers l’ouest et fut à aborder à l’île des Tiburons. Magellan qui avait fait 100 ans avant la première découverte de cette île déserte, partant de là, fit route au nord ouest, parce que son but était d’aller aux grandes Indes, mais l’intention de Le Maire étant de découvrir les terres australes, il lui fallut faire voile plus au midi. A 200 lieues de cette île, sur le même parallèle, il trouva trois petites îles habitées, ce qui est étonnant, vu qu’elles sont éloignées de terre ferme de plus de 1200 lieues. Le Maire n’y fit pas un long séjour et continuant la route toujours sur le même parallèle ; il découvrit d’autres îles vers la Nouvelle Guinée où ces vaisseaux-ci sont représentés. Enfin il gagna les Indes, puis revint en Europe par le cap de Bonne-Espérance et fit ainsi le tour de la terre, mais il ne trouva point les terres australes qu’il avait ordre de découvrir.

Revenons à nos dernières îles et voyons ce qui s’y passa entre Le Maire et les insulaires, ce qui est le principal sujet de ce tableau. Le Maire trouva dans ces îles beaucoup de peuples qui sont assez policés, très rusés et remplis de cérémonies, mais sans aucune religion. Ils ont des rois qu’ils nomment Latous pour qui ils ont beaucoup de respect et il y en a un qu’ils nomment ariki qui est comme l’empereur ayant quelque autorité sur les autres.

Ces insulaires ne cultivent point la terre, ils s’occupent à élever et engraisser des boeufs, des cochons et des poules dont il y a grande quantité chez eux. Ils s’occupent aussi beaucoup à pêcher du poisson. Ces îles sont remplies d’arbres fruitiers et surtout de cette espèce de palmiers qui portent les noix de coco, ce qui fut cause que Le Maire en nomma une l’île des Cocos.

Ces peuples mangent leur viande à moitié cuites et leur poisson tout cru sans le vider, mangeant jusqu’à la tête et à la queue. Ils vont nus pour ce qu’ils habitent un climat fort chaud et quelques-uns se font des figures sur le corps à la manière des sauvages de l’Amérique. Leurs logements sont beaucoup semblables aux cases des nègres. Ils sont faits comme des glacières ayant 8 pieds de largeur et 12 de hauteur. Ils n’ont aucun meuble, non pas même leurs rois qui couchent sur du foin, comme le reste du peuple. Ils sont grands amateurs de fer qui est très rare dans ces îles et ils en dérobèrent beaucoup dans les vaisseaux de Le Maire, malgré la vigilance des Hollandais. Ils emportaient jusqu’aux boulets de canons, il y en eut même qui se plongèrent sous le vaisseau s’efforçant d’en arracher les clous avec leurs dents.

Ils ont de deux sortes de canots, des petits qui vont à rames et des grands qui ont une voile, faite de nattes, et qu’ils conduisent à tous vents, avec autant d’entente et de dextérité que feraient nos plus habiles matelots. Ces grands canots sont construits d’une manière fort particulière, c’est un plancher posé sur deux canots écartés l’un de l’autre d’environ 9 pieds. Sur ce plancher il y a une petite loge faite en berceau où se mettent les femmes et les petits enfants, ils portent pour enseigne au milieu de la voile un coq rouge et gris.

Les Hollandais firent provision dans ces îles de toutes sortes de rafraîchissements qu’ils eurent à bon compte de ces insulaires. Ils leur donnaient un clou pour 5 noix de cocos et pour les cochons, les poules et les autres choses, ils les payèrent à proportion avec de méchantes ferrailles.

Le roi de l’île des Cocos, une des deux qui sont vers le levant, vint voir Le Maire et lui fit beaucoup de civilités à la manière du pays. Tout allait bien d’abord, mais au bout de quelques jours les habitants de cette île et ceux de l’île voisine que Le Maire nomma l’île des Traîtres s’étant joints ensemble au nombre d’environ 1000 hommes, vinrent dans leurs canots pour assaillir les Hollandais à coups de pierres mais trois coups de canon dissipèrent cette armée qui prit la fuite, la plupart se jetant à la nage pour se sauver entre deux eaux. C’est cette action qui est représentée par les vaisseaux et les canots qui sont vers le levant.

Les Hollandais eurent aussi quelques petits démêlés avec les habitants des deux îles qui sont vers le couchant, mais ce fut peu de chose, c’est ce qui est représenté par les vaisseaux qui sont auprès. Le Maire nomma ces deux îles, les îles de Horn, à l’honneur de la ville de Horn en Hollande sur le Zuiderzee, qui était le lieu de sa naissance.

Le Maire n’avait qu’un bateau quand il arriva à ces îles, le deuxième ayant été brûlé en chemin comme il a été dit au commencement de ce discours. Mais cet espace de mer étant fort grand et pouvant souffrir plusieurs vaisseaux, le père Coronelli qui s’est toujours assujetti à la géographie et à l’histoire dans la composition des ornements de ce globe, a mieux aimé mettre ici les deux vaisseaux de Le Maire et dans deux actions différentes pour en augmenter le nombre que d’y en mettre d’imaginaires. Le peintre a représenté ces vaisseaux poussés par un vent d’occident et faisant route vers le levant qui est tout le contraire de ce qui devrait être, car il n’y a que les seuls vents orientaux qu’on appelle les vents alizés qui soufflent sur cette mer et la route de Le maire était vers le couchant, mais cette méprise était de peu de conséquence.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1681-1683
  • Lieu
    Paris
  • Auteur(es)
    Vincenzo Maria Coronelli (1650-1718), cartographe et cosmographe
  • Description technique
    Charpente en bois, armatures métalliques, peintures
    Diamètre : 3,85 m. 2,3 tonnes
  • Provenance

    BnF, département des Cartes et plans, GE A 500 RÉS

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm5022006157