Découvrir, comprendre, créer, partager

Image

Une sucrerie et un moulin à sucre

Détail du globe terrestre de Coronelli
Une sucrerie et un moulin à sucre
Le format de l'image est incompatible

Le sucre est fait d’une espèce de roseaux qu’on appelle cannes de sucre. Elles sont ordinairement de deux pouces de grosseur et de 6 à 8 pieds de longueur et ont des noeuds de trois en trois pouces. Les anciens ont connu les cannes de sucre, mais ils ne savaient pas le secret de mettre le sucre en pierre, de l’affiner et de le blanchir comme on fait depuis quelques temps.

Après la découverte de l’Amérique plusieurs nations d’Europe en ont planté dans beaucoup d’endroits de cette partie du monde où elles viennent fort bien, de sorte que le plus beau commerce qui s’y fait à présent est celui du sucre. On les plante et on les cueille en toutes saisons et sont 15 mois ou selon quelques relations quelques 7 mois à mûrir comme il faut. La culture en est pénible et demande un très grand soin parce que le moindre accident qui leur arrive sur pied les gâte entièrement. Entre ces accidents, celui qui leur arrive de la part des rats est le plus grand et le plus ordinaire. Ces animaux mangent les cannes et en faisant un grand dégât de manière qu’on est contraint de les brûler tant, parce qu’il en repousse d’autres de la racine que pour brûler les rats qui y sont en très grand nombre.

Si la culture des cannes est difficile, la fabrique du sucre l’est encore davantage. Mille accidents qu’on ne peut éviter que par une grande attention font aigrir le suc, ou l’empêchent d’acquérir le degré de perfection dont il est capable, comme il serait trop ennuyeux de rapporter ici tous ces accidents on dira seulement que si on ne se servait pas de nègres qui sont naturellement forts, et qui coûtent peu pour la vie et l’entretien, que le sucre serait bien plus cher qu’il n’est.

Le sucre n’est pas le suc des cannes qui se pétrifie, comme semblent l’insinuer les premières choses qu’on lui fait pour le mettre en consistance, ce n’en est proprement que le sel, mais qui s’y trouve en fort grande quantité. Il ne se forme pas dessus le suc à la manière ordinaire des autres sels, il se forme partout comme une pierre de ponce, et quand on le fait ajouter pour le purifier, le sirop en sort comme d’une éponge.

Manière de faire le sucre :
On fait passer les cannes entre les rouleaux des moulins à sucre ce qui les écrase et en fait sortir le suc, qui est conduit de là par un canal de plomb dans la raffinerie. On le fait d’abord bouillir à petit feu dans les trois premières chaudières ce qui le fait seulement frémir et jeter beaucoup de grasses écumes qu’on ôte avec grand soin. De là, on le met dans les chaudières suivantes où on lui donne un plus grand feu et pendant qu’il écume à gros bouillons, on l’écume sans cesse, y jetant de temps en temps une forte lessive pour l’aider à se purifier. Après avoir fait les choses dans ces dernières chaudières, on le passe dans un drap, puis on le met dans de petites chaudières de bronze. Le sucre étant pour lors en consistance de sirop, on le fait bouillir autant qu’il est possible y jetant de temps à autre quelques gouttes d’huile d’olive avec une asperçoir pour l’empêcher de surmonter et de se répandre. Quand il est parfaitement cuit, on le met dans le réfrigératoire et on le remue continuellement avec une spatule de bois jusqu’à ce que le grain paraisse dans le sirop comme du sable et aussitôt on le verse dans les formes qui sont ou de terre, de la figure du pain de sucre, ou de bois faites en pyramides carrées. Ces formes sont posées sur de grands tréteaux comme il se voit dans cette raffinerie. On met de la terre dessus qui sert à faire blanchir le sucre et elles ont un trou à la pointe pour égoutter une liqueur qui sort du sucre. Lorsqu’il est ainsi égoutté, il se trouve en pierre, on le casse ensuite par morceaux pour le mettre à sécher dans des caissons.

Voilà toute la façon qu’on donne au sucre en Amérique, ce qui le réduit seulement en cassonade, mais en Europe, on l’affine et on le blanchit autant que l’on veut en le faisant fondre et égoutter plusieurs fois comme ci-dessus.

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1681-1683
  • Lieu
    Paris
  • Auteur(es)
    Vincenzo Maria Coronelli (1650-1718), cartographe et cosmographe 
  • Description technique
    Charpente en bois, armatures métalliques, peintures
    Diamètre : 3,85 m. 2,3 tonnes
  • Provenance

    BnF, département des Cartes et plans, GE A 500 RÉS

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm502200541f