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Quatrevingt-treize

Quatrevingt-treize
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Quatrevingt-treize, publié en 1873, est un roman historique ayant pour cadre les sanglants événements de 1793. Lorsque s’ouvre le dernier chapitre, Gauvain, un jeune aristocrate passé du côté des révolutionnaires, vient d’être condamné à mort pour avoir fait évader de prison son oncle, un chef royaliste.
Le dernier chapitre s’ouvre sur la description d’ « une chose étrange, immobile, surprenante », qui ne sera nommé qu’à la fin du paragraphe. Dans la marge de gauche du feuillet manuscrit, Victor Hugo a dessiné cette guillotine qu’il décrit avec tant de détails.

« Le jour ne tarda pas à poindre à l’horizon.
En même temps que le jour, une chose étrange, immobile, surprenante, et que les oiseaux du ciel ne connaissaient pas, apparut sur le plateau de la Tourgue au-dessus de la forêt de Fougères.
Cela avait été mis là dans la nuit. C’était dressé, plutôt que bâti. De loin sur l’horizon c’était une silhouette faite de lignes droites et dures ayant l’aspect d’une lettre hébraïque ou d’un de ces hiéroglyphes d’Égypte qui faisaient partie de l’alphabet de l’antique énigme.
Au premier abord, l’idée que cette chose éveillait était l’idée de l’inutile. Elle était là parmi les bruyères en fleur. On se demandait à quoi cela pouvait servir. Puis on sentait venir un frisson. C’était une sorte de tréteau ayant pour pieds quatre poteaux. À un bout du tréteau, deux hautes solives, debout et droites, reliées à leur sommet par une traverse, élevaient et tenaient suspendu un triangle qui semblait noir sur l’azur du matin. À l’autre bout du tréteau, il y avait une échelle. Entre les deux solives, en bas, au-dessous du triangle, on distinguait une sorte de panneau composé de deux sections mobiles qui, en s’ajustant l’une à l’autre, offraient au regard un trou rond à peu près de la dimension du cou d’un homme. La section supérieure du panneau glissait dans une rainure, de façon à pouvoir se hausser ou s’abaisser. Pour l’instant, les deux croissants qui en se rejoignant formaient le collier étaient écartés. On apercevait au pied des deux piliers portant le triangle une planche pouvant tourner sur charnière et ayant l’aspect d’une bascule. À côté de cette planche il y avait un panier long, et entre les deux piliers, en avant, et à l’extrémité du tréteau, un panier carré. C’était peint en rouge. Tout était en bois, excepté le triangle qui était en fer. On sentait que cela avait été construit par des hommes, tant c’était laid, mesquin et petit ; et cela aurait mérité d’être apporté là par des génies, tant c’était formidable.
Cette bâtisse difforme, c’était la guillotine. »

Victor Hugo, Quatrevingt-treize, T. 2, III, VII, 6.
>Texte intégral dans Gallica : Paris, Michel Lévy frères, 1874.

© Bibliothèque nationale de France

  • Date
    1872-1873
  • Auteur(es)
    Victor Hugo (1802-1885), auteur
  • Description technique
    Manuscrit autographe
  • Provenance

    BnF, département des Manuscrits, NAF 24749, f. 407-408

  • Lien permanent
    ark:/12148/mm1322022535