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Aurélia

Nerval, 1855
Aurélia
Aurélia

© Adagp, Paris, 2024

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Interné à la clinique du Dr. Émile Blanche en raison de ses troubles psychiques, Gérard de Nerval écrit les pensées et les rêves qui l'habitent. Dernier texte de Nerval avant sa mort, Aurélia témoigne de ces visions qui hantent l'artiste.

Une écriture thérapeutique

Aurélia est une nouvelle en deux parties publiées dans la Revue de Paris respectivement le 1er janvier et le 15 février 1855, c’est-à-dire juste avant et après la mort de l’auteur, survenue dans la nuit du 25 au 26 janvier. Le sous-titre, Le rêve et la vie, indique d’emblée l’univers dans lequel se situe cette œuvre, qui mêle réel autobiographique et visions oniriques. Tel est bien du reste le projet affiché par Nerval, dans ses lettres, d’une part, et dans Aurélia, par l’intermédiaire de son narrateur, de l’autre. De fait, l’écrivain passe une grande partie des années 1853 et 1854 à la clinique du Docteur Émile Blanche, en raison de ses troubles psychiques. En décembre 1853, plus lucide, il déclare son intention de rapporter les pensées qui l’ont habité au plus fort de la folie, dans une visée d’abord thérapeutique. Il s’agit de revenir sur un moment de crise pour mettre celui-ci à distance.

Le rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoires ou de corne qui nous séparent du monde invisible

Gérard de Nerval, Aurélia, I, 1, 1855

Dans la nouvelle, le narrateur-personnage se livre même à un véritable déchiffrement des états qu’il a traversés. Il érige ainsi la narration en enquête sur une période critique de son existence, après la perte de la mystérieuse Aurélia. Cet événement inaugural structure la trajectoire du personnage. Il apparaît comme le déclencheur d’un processus qui lance ce dernier à la recherche d’un idéal disparu. Les rêves, ou « visions », pour reprendre le mot utilisé dans le récit, sont autant de représentations de ce passé, que ce soit celui du protagoniste, remontant parfois jusqu’au point d’origine qu’est la mère à peine connue, ou celui de sa génération, héritière de la Révolution de 1789, ou encore celui de l’univers. Au terme de ce parcours, le narrateur se déclare guéri. Mais c’est une guérison bien ambiguë, puisqu’il est « heureux des convictions [qu’il a] acquises » dans ses moments d’irrationalité.

Aurélia
Aurélia |

© Adagp, Paris 2024

On est donc bien loin d’un simple témoignage ou d’un discours clinique. Outre le soin apporté à l’écriture et l’opacité qui entoure les données autobiographiques, la position adoptée dans la narration maintient jusqu’au bout le récit dans une zone intermédiaire entre le rêve et la réalité. Le narrateur oscille sans cesse entre une attitude rationnelle qui disqualifie ses états antérieurs mystiques, et une adhésion renouvelée à ceux-ci.

J'entreprends d'écrire et de constater toutes les impressions que m'a laissées ma maladie.

Gérard de Nerval, Lettre à son père du 2 décembre 1853 ,

Il se montre souvent même divisé au sein d’un énoncé entre ces deux perspectives antagonistes. L’exploration intérieure, ainsi transposée et recréée, tend alors à devenir à elle-même son propre but, revêtant ainsi pleinement le statut d’œuvre littéraire.

Un texte en partie posthume

 La mort de Nerval, survenue brutalement alors que la nouvelle était en cours de publication dans la Revue de Paris, rend cependant le texte problématique. Faute d’une conservation intégrale des manuscrits, on ignore encore aujourd’hui dans quelle mesure les premiers éditeurs ont respecté ou non les volontés de l’auteur – sans doute difficiles à définir. Toujours est-il qu’Aurélia reste négligée par le public jusqu’aux années 1880, durant lesquelles l’intérêt des symbolistes pour les mystères de la vie intérieure et leur mise en forme littéraire sort le récit de l’oubli. De nos jours, celui-ci est salué comme une œuvre fascinante et unique dans son siècle.

Provenance

Cet article provient du site Les Essentiels de la littérature (2017)

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