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Les cosmogonies

Des mythes à l’origine du monde
La création du monde selon la Chronique de Nuremberg
La création du monde selon la Chronique de Nuremberg

Bibliothèque nationale de France

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Qu’y avait-il à l’origine ? Ténèbres liquides dans la tradition hindoue, chaos dans la tradition japonaise… La genèse du monde est le premier sujet auquel s’attachent les mythologies. Mais si chaque cosmogonie, ou mythe de création du monde, possède ses caractères propres, certains traits sont néanmoins communs à toutes.

À l’origine...

Des mythes parfois semblables

Parashurama fait pénitence sur la montagne Mahendra
Parashurama fait pénitence sur la montagne Mahendra |

Bibliothèque nationale de France

Dans la tradition brahmanique hindoue telle que la rapportent les Lois de Manu au 2e siècle av. J.-C., l’obscurité régnait au commencement ; c’est du milieu des ténèbres que le Bienheureux avait créé l’eau pour émettre sa semence et sa semence était devenue un œuf d’or. À l’intérieur de cet œuf il s’était engendré lui-même en tant que Brahma et y était demeuré le temps d’une grossesse. À la naissance de Brahma, l’œuf s’était fendu en deux parts : l’une était d’or, l’autre d’argent. La part d’or constitua le Ciel, la part d’argent forma la Terre. De la membrane extérieure de la coquille naquirent les montagnes, de la membrane interne, les nuages et le brouillard, de ses veines enfin, jaillirent les rivières et les fleuves.

Les textes du Nihongi, annales historiques et mythologiques du Japon shintoïste (8e siècle) rapportent dans des termes voisins la commune naissance du ciel et de la terre : « À l’origine lorsque le Ciel et la Terre n’étaient pas encore séparés, que le principe femelle et le principe mâle n’étaient pas divisés, le Chaos, semblable à un œuf, se forma en nuage, renfermant un germe. La partie pure et lumineuse s’évapora et forma le Ciel ; la partie lourde et trouble se coagula et forma la Terre. La combinaison des éléments purs et parfaits fut facile ; la coagulation des éléments lourds et troubles fut difficile. Aussi le Ciel fut-il accompli tout d’abord, et la Terre constituée plus tard. »

Une naissance à partir d’un élément primordial

À l’origine de toutes choses, le chaos, le néant, ou bien une grande étendue d’eau ou plus souvent encore un œuf primordial prélude à tous les possibles. L’univers peut exister dans la pensée du dieu créateur avant même la création ; c’est ce que relatent les Dogons d’Afrique occidentale.
La même idée se retrouve chez les Hindous pour qui l’univers résulte d’une méditation de Brahma, le créateur.

Bhagavat, plongé dans le sommeil de la méditation
Bhagavat, plongé dans le sommeil de la méditation |

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Brahma
Brahma |

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Un événement, parfois anodin, déclenche le processus d’évolution : un monticule de terre apparaît hors de l’océan chez les Égyptiens ou, chez les Cheyennes, un échassier conserve dans son bec la vase que le grand esprit transforme en terre ferme au milieu de l’océan.

Mariages, séparations, sacrifices

Dans les mythes, la création commence toujours par une dualité, principes masculin et féminin, personnification du ciel et de la terre, jumeaux primordiaux parents du monde. La hiérogamie, ou mariage sacré, est une des formes que prennent l’union étroite du ciel et de la terre.

Les voyages du Dieu soleil : mort et renaissance
Les voyages du Dieu soleil : mort et renaissance |

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En Égypte, Nout, le Ciel, mère des dieux, a épousé Geb, dieu de la terre. Courbée en forme de voûte, ses mains touchant le sol à l’Orient, ses pieds à l’Occident, elle enveloppe l’ensemble du Cosmos. Elle est « allongée » sur la Terre. Mais sur ordre de Rê, dieu du soleil né de leur union, Shou, le dieu de l’air, se glisse entre les deux époux et soulève le corps de la déesse qu’il sépare de la terre.

Dans la théogonie grecque telle que la raconte Hérodote, Gaïa, divinité des commencements, engendre le Ciel Ouranos. Ensemble ils donnent naissance aux premiers dieux, les douze Titans, les trois Cyclopes, les trois cent Bras et enfin Cronos. Mais le corps d’Ouranos pesant de tout son poids sur la terre finit par gêner les jeunes dieux et Gaïa elle-même, qui décida Cronos à mettre fin aux débordements de son père en le castrant. C’est la fin du mariage sacré entre Ouranos et Gaïa et le véritable début de la Création. Les dieux surgissent à la lumière du jour tandis que le Ciel s’élève.

La création de l’univers par Ovide
La création de l’univers par Ovide |

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En Chine, le Ciel est une entité yang, masculine et fécondante ; la Terre, entité yin est son épouse. L’union rituelle de l’empereur, véritable « Fils du Ciel », avec l’impératrice, avait pour fonction de reproduire cette hiérogamie primordiale.

Dans de nombreuses traditions, une mort sacrificielle est à l’origine du monde. Dans la tradition indienne, Purusha, l’homme cosmique primordial est offert en sacrifice et les différentes parties de son corps composent ensuite l’univers.

Vishnu représentant le monde : Viratapurusha
Vishnu représentant le monde : Viratapurusha |

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Ce thème se retrouve dans la mythologie nordique quand le géant Ymir est mis à mort par les trois dieux créateurs. Son corps devient la terre, son sang, la mer et son crâne, le ciel. De même encore en Chine où le géant Pan Gu meurt après la création du ciel et de la terre et chaque partie de son corps contribue à la création de l’univers jusqu’à ses larmes qui se transforment en pluie.

La succession des mondes

Le monde ne s’est pas forcément construit d’emblée tel qu’il est : chez les Aztèques, quatre mondes successifs ont été détruits avant le monde connu.

Chez les Indiens Hopis, un premier monde fut détruit par le feu, un second par le gel, un troisième par le déluge et le nôtre est promis à une destruction prochaine. Chez les Hindous, Brahma, suscite l’univers par sa méditation. Cet univers évolue en quatre âges successifs et finit par disparaître, un nouveau Brahma suscitant un nouvel univers et ainsi de suite à l’infini. 

Provenance

Cet article a été publié à l’occasion des expositions « Figures du ciel » et « Couleurs de la Terre » présentées à la Bibliothèque nationale de France en 1998 et 1999.

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