Portraits de cour par Jean et François Clouet


















Le goût pour le portrait individuel s’est manifesté dès le milieu du 14e siècle en Europe. Le dessin au crayon, spécificité française, est très apprécié par la cour. L’innovateur de cette formule fut Jean Clouet, venu de Bruxelles, bientôt supplanté par son fils François, comme peintre de François Ier. La composition de ces dessins, de la plus grande simplicité, est d’un modernisme étonnant : un visage où l’expression est privilégiée est encadré par quelques éléments décoratifs, une coiffe ou une coiffure très élaborée agrémentée d’une collerette ; un buste à peine esquissé, quelques traits pour évoquer un vêtement ou un bijou complètent le portrait. La présence altière et réservée des personnages fascine le spectateur.
Henri II enfant
Roi à vingt-huit ans, Henri II donna à sa maîtresse Diane de Poitiers un pouvoir considérable. Sous son influence, le souverain laissa se développer la puissance des Guise, hostiles aux protestants. Lors d’un tournoi organisé pour les fêtes du mariage de sa fille Élisabeth de France avec Philippe II, roi d’Espagne, le roi de France, qui arborait les couleurs blanche et noire de Diane de Poitiers, et qui avait rompu déjà plusieurs lances, voulut finir sur un coup d’éclat. Il ordonna à son capitaine des gardes écossaises, Gabriel de Montgomery, de courir contre lui, et il fut mortellement blessé d’un coup de lance au front et à l’œil. Il semble que le célèbre Nostradamus, médecin, astrologue et conseiller du roi, avait, dans un quatrain, prédit cette fin. De même, l’observation des conjonctions astrales, auxquelles on attachait alors une grande importance, laissait prévoir une blessure mortelle à la tête.
L’historien Yvan Cloulas rapporte l’opinion des ambassadeurs vénitiens sur le physique du roi : « Henri a une haute stature. Il est fort bien proportionné. Il a le teint mat, un beau front dégagé sous une chevelure noire, des yeux sombres et brillants. Il porte la barbe en pointe, longue de deux doigts. Contarini trouve cette physionomie agréable bien qu’à son goût le nez soit trop grand et le dessin de la bouche ordinaire. » Brantôme, lui, dans son Éloge d’Henri II, le dit « beau encore qu’il fut un peu moricaud ».
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Henri II
Roi à vingt-huit ans, il donna à sa maîtresse Diane de Poitiers un pouvoir considérable. Elle devint toute puissante. Sous son influence, Henri II laissa se développer la puissance des Guise hostiles aux protestants. Lors d’un tournoi organisé pour les fêtes du mariage de sa fille Élisabeth de France avec Philippe II, roi d’Espagne, le roi de France qui arborait les couleurs blanche et noire de Diane de Poitiers, et qui avait rompu déjà plusieurs lances, voulut finir sur un coup d’éclat. Il ordonna à son capitaine des gardes écossaises, Gabriel de Montgoméry, de courir contre lui, et fut mortellement blessé d’un coup de lance au front et à l’œil. Il semble que le célèbre Nostradamus, médecin, astrologue et conseiller du roi, avait, dans un quatrain, prédit cette fin. De même, l’observation des conjonctions astrales, auxquelles on attachait une grande importance, laissait prévoir une blessure mortelle à la tête.
L’historien Yvan Cloulas rapporte l’opinion des ambassadeurs vénitiens sur le physique du roi : “Henri a une haute stature. Il est fort bien proportionné. Il a le teint mat, un beau front dégagé sous une chevelure noire, des yeux sombres et brillants. Il porte la barbe en pointe, longue de deux doigts. Contarini trouve cette physionomie agréable bien qu’à son goût le nez soit trop grand et le dessin de la bouche ordinaire.” Brantôme, dans son Éloge d’Henri II, le dit “beau encore qu’il fut un peu moricaud”.
Ici, Clouet a représenté Henri II à trente-trois ans, en buste de trois quarts gauche, avec une expression de défiance dans le regard. Il est coiffé d’une toque ; son vêtement au petit col rabattu et son collier sont très légèrement esquissés. Cela suffit pour suggérer le volume, l’ampleur du buste et, par contraste, pour mettre en valeur le visage très élaboré. Celui-ci, aux contours précis (yeux, nez, oreille), offre une carnation à la sanguine, avec des hachures parallèles à la pierre noire, les deux crayons étant estompés par endroits, et parfois superposés pour créer des zones d’ombre et suggérer le modelé. Des traits fins et appuyés se distinguent sur l’ensemble de la chevelure et de la barbe. La clarté de la perle en pendant d’oreille accentue celle des prunelles et attire l’attention sur le début du cou qui dégage le visage allongé et l’équilibre en largeur. La lumière suggère les volumes, et des effets subtils soulignent le léger gonflement des paupières inférieures. Le toquet plat, ceinturé d’une ganse, laisse voir l’extrémité bombé du front et la chevelure au-dessus de l’oreille, contribuant, en allongeant le visage, à donner un peu plus d’aisance à l’attitude du roi engoncé dans ses vêtements.
La comparaison avec le portrait de Charles IX permet de saisir comment quelques détails vestimentaires situent le personnage dans l’espace de la feuille et accentuent l’impression d’âge mûr ou de jeunesse. Le roi, l’air un peu las, regarde avec hauteur, d’un air avisé et un brin sceptique le spectateur. Ce dessin a servi pour deux peintures, un portrait en buste et un portrait équestre.
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Catherine de Médicis jeune
Fille de Laurent II de Médicis, duc d’Urbino, et nièce du pape Clément VII, Catherine de Médicis est l’un des personnages politiques de tout premier plan du 16e siècle. Éclipsée par la favorite d’Henri II, Diane de Poitiers, elle ne fut pas délaissée par le roi mais dut attendre d’exercer la régence à l’avènement de Charles IX pour montrer ses capacités à gouverner et son sens de l’État. La mort de son mari, en 1559, fut le fondement de son pouvoir et sa justification. Dépourvue de tout fanatisme, elle chercha à mener une politique de conciliation entre catholiques et protestants, et maintint l’unité du royaume pendant un quart de siècle, dans une période très troublée par les guerres de Religion. Elle favorisa le mariage de sa fille Marguerite avec Henri de Navarre.
D’une grande curiosité intellectuelle, Catherine de Médicis avait réuni dans son palais des peintures, des tapisseries, des sculptures, des émaux, des minéraux et toutes sortes de curiosités. Très favorable à une politique artistique, elle poursuivit la construction du Louvre et commença celle des Tuileries. Elle appréciait grandement la vie de famille mais aimait aussi les fêtes mondaines, les bals, les tournois, les spectacles, notamment la comédie italienne ; elle aimait la musique, le chant, la danse, les ballets, et s’intéressait aux poètes, qu’elle protégea. Elle évoluait dans un milieu dissolu mais cultivait la vertu. Épistolière douée, sa correspondance est abondante, et des allusions aux portraits s’y rencontrent souvent.
Jeune, les ambassadeurs la décrivent petite, maigre, les traits sans finesse, les yeux saillants. Lorsqu’elle fut un peu plus avancée en âge, ils furent frappés par son teint olivâtre et son embonpoint, embonpoint renforcé par ses nombreuses grossesses. Cela ne la privait pas néanmoins des plaisirs de la chasse. Dès son arrivée en France, son beau-père, le roi François Ier, l’emmena traquer ours et sangliers avec ses intimes. Passionnée d’équitation, elle pratiqua ce sport jusqu’à la soixantaine. Elle partageait la passion des chevaux avec son fils Charles IX et avait une préférence marquée pour les coursiers andalous. C’est elle qui aurait introduit en France le chevauchement en amazone.
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Catherine de Medicis, reine de France, en veuve
La personnalité austère que cultivait Catherine de Médicis est illustrée par ce portrait, reproduit en peintures et miniatures. La reine porte la coiffure de deuil, le chaperon rigide aux bords arqués, avec une pointe s’avançant sur le front, recouvert par un long voile tombant dans le dos, coiffure qu’elle mit à la mode pour longtemps. François Clouet traduit avec un certain réalisme la maturité de la reine. Son intelligence, son sens de l’autorité, sa fermeté, transparaissent dans son regard, atténués cependant par une expression méditative. À cette époque, elle écrivait à sa fille la reine d’Espagne : « Recommandez-vous bien à Dieu, car vous m’avez vue aussi contente comme vous ne pensant jamais avoir autre tribulation que de n’être assez aimée à mon gré du roi votre père, qui m’honorait plus que je ne méritais, mais je l’aimais tant que j’avais toujours peur comme vous savez, et Dieu me l’a ôté. » En effet, bien que très épris de Diane de Poitiers, Henri II appréciait les dispositions de la reine pour l’amour conjugal, dont il disait : « Sur toutes les femmes du monde, il n’en savait aucune qui la valut en cela. »
Catherine aimait ses enfants passionnément. Dans ses lettres, elle écrit que c’est « le principal intérêt » qu’elle a dans le monde. Elle nourrissait, notamment un amour aveugle à l’égard d’Henri III. Pour qu’il ne s’éloigne pas, elle toléra sous son règne une grande liberté de mœurs. L’attachement à sa famille se manifesta jusque dans le grand mausolée qu’elle avait fait construire à Saint-Denis ; la crypte renferma les corps du roi, de la reine et de huit de leurs enfants. Seules la reine d’Espagne et la duchesse de Lorraine étaient absentes.
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Catherine de Medicis, reine de France, en veuve à soixante ans
Après la mort d’Henri II, en 1559, Catherine de Médicis, âgée de quarante ans, profondément touchée, porta le deuil toute sa vie et resta vêtue de noir. Elle exclut le luxe vestimentaire qu’elle affichait du vivant de son mari et s’habilla de robes de laine noire. À deux reprises, lors des mariages de Charles IX et Henri III, elle arbora des robes de soie et de velours sombre. Elle joua de ses vêtements de veuve comme d’un pouvoir. Elle se servit également de son deuil pour exalter la mémoire du roi défunt. Dans son hôtel, sa demeure personnelle, elle fit construire une colonne colossale dont la décoration indiquait qu’il s’agissait d’un monument de piété conjugale. La douleur et la fidélité de la reine y étaient symbolisées par un semis d’ornements en relief, de fleurs de lys, de cornes d’abondance, de miroirs brisés, de lacs d’amours déchirés ou de C et de H entrelacés. Cette colonne, seul vestige de ce lieu, est appelée colonne de l’Horoscope. La suite de tapisseries, L’Histoire de la reine Artémise, dédiée à Catherine de Médicis, exalte aussi l’amour que la reine portait à son époux défunt, l’éducation exemplaire qu’elle donnait à son fils et les réalisations architecturales dont elle était l’initiatrice.
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François II, dauphin de France, à seize ans
La majorité des rois de France étant fixée à quatorze ans, François II, âgé de quinze ans et demi lors de la mort de son père en 1559, fut proclamé roi et ne régna qu’un an. Il mourut en 1560. Il avait épousé Marie Stuart, la reine d’Écosse, son aînée de deux ans dont il était très épris. Le roi avait une passion pour la chasse et la paume qui, selon Chantonnay ambassadeur d’Espagne, « lui brûle le sang ».
Ce portrait du roi à seize ans est considéré comme le portrait officiel, destiné à être répandu en France et à l’étranger par la gravure. Il est aussi à l’origine d’un portrait en pied et de miniatures. L’expression à la fois sérieuse et juvénile du visage délicatement dessiné, éclairé par la lumière qui vient de la droite, le regard en coin, détourné vers la gauche, la lèvre boudeuse, manifestant tout à la fois de la défiance et un certain mépris, soulignent la maturité précoce du roi. François II porte une toque aplatie ceinturée d’une ganse et ornée de plumes blanches et de quelques perles. Les textures des différents vêtements, très librement rendues, sont remarquables, notamment la fourrure.
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Marie Stuart jeune
Fille de Marie de Guise ou de Lorraine et de Jacques V d’Écosse, Marie Stuart fut reine d’Écosse à la mort de son père en 1542, sept jours après sa naissance, et reine de France en 1559, à l’âge de dix-sept ans. Sous la régence de Catherine de Médicis, elle fut fiancée au dauphin François et élevée en France. Catherine de Médicis l’appréciait et lui avait offert ses propres joyaux, « les plus belles et les plus grosses perles qu’on ait vues jamais ». Après la mort de son époux, elle regagna l’Écosse. Son catholicisme et son autoritarisme, les révoltes des protestants et des nobles, ses mariages mouvementés provoquèrent son abdication en faveur de son fils Jacques VI en 1567. Elle se réfugia en Angleterre et y passa dix-huit ans en prison. Elle eut l’imprudence d’encourager plusieurs complots dans le but de monter sur le trône d’Angleterre. Élisabeth Ire finit par la faire exécuter. Elle laisse une image tragique et romanesque, qui inspira des écrivains et de nombreux artistes, surtout au 19e siècle.
Il existe une cinquantaine de portraits contemporains, alors que plus de deux cent cinquante portraits de la reine Élisabeth sont connus (enluminures, peintures, dessins, gravures, médailles…). Neuf portraits, sans compter les gravures et médailles, ont été réalisés lors de son séjour en France. Parmi ceux-ci, le portrait de Marie Stuart jeune, le plus remarquable, attribué soit à Clouet, soit à Jacques Decourt dont il serait le chef-d’œuvre, représenterait la reine l’année de son mariage avec le dauphin, en 1558, à l’âge de seize ans, ou peut-être même, selon certains historiens, un peu plus tôt. Brantôme la décrit ainsi : « Venant vers le 15 ans sa beauté commença à paraître, comme la lumière en plein midi et en effaça le soleil, lorsqu’il luisait le plus fort, tant la beauté de son corps était belle. Et pour celle de l’âme, elle était toute pareille. »
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Marie Stuart en deuil blanc
En l’espace de dix-huit mois, Marie Stuart perdit trois se ses proches : son beau-père Henri II, au cours d’un tournoi en 1559 ; sa mère Marie de Guise, en juin 1560 ; et son époux François II, en décembre de la même année. Ce dessin d’une grande qualité, qui a pu être exécuté entre juillet 1559 et août 1561, est à l’origine de différentes œuvres conservées. La reine fut en deuil blanc dès la mort de son beau-père. Six mois avant la mort de son mari, elle écrit à la reine d’Angleterre Élisabeth Ire : « Je m’aperçois que vous m’aimez mieux lorsque je parais triste que quand je parais gaie car j’ai appris que vous désirez avoir mon portrait quand je porte le deuil. » Et Brantôme commentera ainsi l’aspect de Marie Stuart en deuil : « Son grand deuil blanc, avec lequel il la faisoit très beau voir, car la blancheur de son visage contendoit avec la blancheur de son voile à qui l’emporteroit, mais enfin l’artifice de son voile la perdoit, et la neige de son visage effaçoit l’autre : aussi se fit-il à la court une chanson d’elle portant le deuil. »
C’est ainsi que Clouet l’a portraiturée, et cette vision surréaliste de la reine est fascinante. Les voiles qui recouvrent entièrement la tête et le buste donnent une impression de retrait, d’enfermement, et intensifient l’expression du visage, seul dessiné avec précision. Marie porte le bonnet de veuve recouvert par un long voile tombant dans le dos, rendu célèbre par Catherine de Médicis qui l’adopta à la mort de son époux. Une vêtement de gaze, très ajusté autour du cou, s’évase en dissimulant toute les formes. Seul un faisceau de plis serrés qui part du menton souligne le buste. Le poète Ronsard possédait une copie de ce dessin.
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Charles IX enfant
Deuxième fils d’Henri II et de Catherine de Médicis, Charles IX succéda à son frère François II et régna dès l’âge de dix ans. On le dit alors « magnanime, affable, d’une intelligence éveillée ». Mais il était fort jaloux de son frère d’Anjou, avec lequel il ne pouvait rivaliser en galanterie et délicatesse. Alors que celui-ci avait arboré des boucles d’oreilles aux très longues pendeloques, le roi avait imposé le port de boucles d’or à cinquante gentilshommes qui l’accompagnaient. Sa mère incarna la permanence du pouvoir. Elle ne prit pas le titre de régente et fut qualifiée de « gouvernante de France ». Elle garda toujours une grande influence sur son fils. C’est sous le règne de Charles IX qu’eut lieu le massacre de la Saint-Barthélemy, en août 1572. C’est aussi sous son règne que le début de l’année, qui jusqu’alors était à Pâques, fut reporté au 1er janvier.
Clouet exécuta un portrait du jeune roi, à l’âge de onze ans, empreint d’une certaine vulnérabilité, étude préparatoire à une peinture conservée à Vienne, qui révèle quant à elle une certaine sensibilité.
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Charles IX
La personnalité du roi paraît impénétrable dans ce portrait datant de l’époque du mariage du roi (1570), à l’origine de diverses œuvres et même d’une diffusion de l’image royale par une gravure de Thomas de Leu. Proche de celui d’Henri II, il en diffère cependant par un modelé plus accentué. La sanguine est aussi utilisée d’une manière plus soutenue, plus variée, légère pour la carnation, et curieusement privilégiée pour le rendu de la barbe. Le visage est agrémenté par la toque vaporeuse ornée de pierreries, à petits bords et au plumet en boucle, plus élevée que sous François II, attirant le regard du spectateur vers le haut. L’impression d’élégance altière, qu’offre le visage de ce roi de vingt ans environ, en est accentuée.
Dimier a attribué cette œuvre à Clouet, et Jean Adhémar à Pierre Gourdelle (vers 1540-vers 1590). Peintre et valet de chambre ordinaire du roi, cet artiste garda son titre sous Henri III. Il fut en même temps peintre de la reine mère. À partir de 1587, il édita des portraits gravés, parfois d’après ses dessins. En secondes noces, il épousa une fille du peintre Antoine Caron. Il mourut après 1588.
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Élizabeth d’Autriche
Fille de Maximilien d’Autriche, empereur d’Allemagne, petite-fille de Charles Quint, femme de Charles IX, Élizabeth d’Autriche fit son entrée solennelle à Paris en 1571, après son mariage. Le décor de son sacre à Saint-Denis symbolisait l’amitié naturelle entre la France et la Germanie. Toutes ces manifestations furent fastueuses. Cette belle reine de seize ans, timide et effacée, eut beaucoup de difficulté à s’intégrer à la cour de France, d’autant qu’elle parlait mal le français. Le roi la délaissa. Après la mort de Charles IX, elle refusa les brillants mariages qui lui étaient proposés, quitta la France en 1575, et se retira à Vienne, dans le couvent Sainte-Claire qu’elle avait fondé. Elle laissa sa fille unique à Catherine de Médicis. Elle mourut en 1592, à l’âge de trente-huit ans.
La reine est représentée ici en buste, de trois quarts gauche, coiffée en arcelets, portant un escoffion et une courte fraise. Des perles et des joyaux ornent sa coiffure, son col, son corsage à épaulières et sa guimpe bouillonnée. En dessinant ce visage délicat, frémissant de vie derrière la transparence de la carnation, et malgré l’expression lointaine et impassible du regard tout intérieur, Clouet a réalisé un chef-d’œuvre. C’est d’après ce dessin qu’il peignit le portrait du Louvre, dont l’expression diffère légèrement. Le visage est plus ovale, les yeux moins allongés et le contour du front à droite semble plus élevé et plus bombé. L’impression de prestance que dégage le portrait dessiné, est atténuée par l’ajout des bras repliés et des mains, qui alourdissent l’ensemble.
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Le futur Henri III
Élu roi de Pologne, Henri III dut revenir en France pour succéder à son frère Charles IX. Il épousa Louise de Lorraine en 1575. Il se heurta aux protestants et aux catholiques qui avaient formé la Sainte Ligue. Il ne put réaliser l’unité comme il le souhaitait et éviter la « guerre des Trois Henri » : Henri III, à la tête des royalistes ; Henri de Navarre, le futur Henri IV, à la tête des protestants ; et Henri de Guise, à la tête des catholiques. Le roi dut s’enfuir de Paris laissant la place à Henri de Guise soutenu par la population lors de la « journée des barricades ». Il convoqua les états généraux à Blois en 1588 et fit assassiner le duc de Guise. Puis il s’allia à Henri de Navarre, et c’est alors qu’ils s’apprêtaient tous deux à reprendre Paris que le roi fut assassiné par le moine ligueur Jacques Clément. Fils préféré de Catherine de Médicis, personnalité complexe, courageux, intelligent, très cultivé, Henri III s’appuyait sur ses mignons, notamment l’amiral Anne de Joyeuse et le duc d’Épernon, qu’il combla d’honneurs, et auxquels il accordait un crédit excessif.
Sur le portrait exécuté par Clouet, le futur roi apparaît luxueusement vêtu d’habits brodés et coiffé d’une toque gansée de bijoux, paré d’un collier de diamants taillés en pointe et de perles, une perle à l’oreille, reflétant la mode masculine, très féminisée, de l’époque. Son visage reflète une expression lointaine, rêveuse, mélancolique. Lorsque Catherine de Médicis songea à lui faire épouser la reine Élisabeth d’Angleterre, le 3 juillet 1571 elle envoya un portrait dessiné d’après celui-ci, en y joignant une lettre destinée à La Mothe Fénélon, ambassadeur de France à Londres : « [Me Janet] n’eust le loisir que de Faire, comme vous verrez, le visage qui est fort bien, et parfaitement faict après le vray naturel. » Un portrait en pied, dessiné par Clouet, qui ne s’est pas « amusé à faire si parfaitement le visage », fut aussi expédié. La Mothe Fénélon craignait que la reine soit déçue par le crayon et, le 20 juillet 1573, il rapporte les propos d’Élisabeth d’Angleterre : « Encore que ne soit que le créon et que son teint n’y soit que quasi chafouré de charbon, si ne layssoit ce visage de monstrer beaucoup de beaulté, et beaucoup de marques de dignité et de prudence, et qu’elle avoit esté bien ayse de le voyr ainsi meur comme d’un homme parfaict, car me vouloit dire tout librement que mal volontiers, estant de l’aage qu’elle sest, eust elle voulu estre conduite à l’église pour estre mariée avec ung qui se fust monstré aussi jeune comme le comte d’Oxford. » La reine d’Angleterre avait été prévenue par le duc de Nevers qu’Henri III avait « le malheur que toutes les peintures lui font tort, et que Janet lui-même ne lui a pas donné cet admirable je ne sais quoi qu’il a reçu de la nature ». Le mariage ne se fera pas, le roi ayant « tant de reverence à la religion ». Un autre projet de mariage avec le frère d’Henri III, François, duc d’Alençon, n’aboutit pas non plus. Élisabeth d’Angleterre eut plusieurs favoris, mais elle ne se maria pas et n’eut pas d’enfant, ce qui lui valut son surnom de « Reine vierge ».
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François de France, duc d’Alençon, frère d’Henri III
François de France, duc d’Alençon, mort en 1584, était frère d’Henri III.
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Élisabeth de Valois
Fille aînée d’Henri II et de Catherine de Médicis, Élisabeth de Valois épousa Philippe II, roi d’Espagne, à l’âge de quatorze ans, en 1559 ; il avait plus du double de son âge et l’avait demandée en mariage auparavant pour son fils don Carlos (traité de Cateau-Cambrésis, 1559). Ce mariage inspirera plus tard Schiller (1759-1805) pour sa pièce Don Carlos, mettant en scène l’amour d’un fils pour la seconde femme de son père. La vie Élisabeth de France fut, semble-t-il, très triste à la cour d’Espagne et elle mourut en couches à l’âge de vingt-trois ans. Brantôme fait ainsi l’éloge de la reine : « Fort belle et d’un courage fort constant, [...] princesse la meilleure qui ait été de son temps et autant aimée de tout le monde. » En 1550, Catherine de Médicis avait tenté de la marier à Édouard VI, roi d’Angleterre. Un portrait d’Élisabeth, dessiné par une femme de chambre de sa mère, fut expédié à la cour d’Angleterre et un portrait du jeune roi anglais avait été aussi envoyé en France. Élisabet, alors âgée de cinq ans, donnait « le bonjour au roi d’Angleterre, monseigneur ». Puis, peu avant son mariage avec Philippe II, un portrait d’Élisabeth fut envoyé au roi d’Espagne qui le mit dans sa chambre.
Élisabeth de Valois pratiquait le dessin et la peinture, qu’elle avait appris d’une de ses dames italiennes, Sofonisba Anguissola, et pour lesquels elle se passionnait. L’ambassadeur de France, Sébastien de Limoges, écrit ainsi, le 9 février 1560, à Catherine de Médicis, qu’elle passe « le temps en ung brouillas de portrait qu’elle a facit devant moi aussi promptement qu’elle a bon esprit. Estant incroable comme ayant quelque peu apprins d’une de ses dames italiennes que le roy lui a donnée, elle a proufité en la paincture [...]. M’ayant commandé de vous supplier par le premier lui adresser des crayons de toutes couleurs et bien faicts, qu’elle scayt que Jannet [François Clouet] saura lui préparer dextrement ». Mme de Vimeux, dans une lettre adressée à Catherine de Médicis le 30 septembre 1561, témoigne aussi de ce goût de la reine, qui « passait son temps la plus part à peindre, en quoi elle prenait grand plaisir, de sorte que je pense que devant un an elle sera si bonne maîtresse que celle même qui l’apprend qui est des meilleures du monde ». Quelques mois avant, elle avait envoyé au cardinal de Lorraine « la peinture d’une dame de ce pays, je ne sais si vous la connaîtrez ». Elle avait aussi manifesté ce goût pour les crayons en demandant à Clouet de lui en envoyer à Madrid.
Élisabeth est représentée ici portant l’escoffion et la fraise montante.
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Henri IV
Élevé dans le protestantisme par sa mère Jeanne d’Albret, reine de Navarre, Henri IV épousa Marguerite de Valois, sœur du roi Charles IX, huit jours avant le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572), où ui-même y échappa en abjurant. La mort du duc d’Alençon et d’Anjou, frère du roi Henri III, et l’assassinat de ce dernier le firent monter sur le trône de France, mais il ne fut pas reconnu comme roi par les catholiques, ayant renoncé au catholicisme en 1576. Il rétablit cependant l’autorité du royaume grâce à ses succès militaires et à sa seconde abjuration. Ses grandes qualités qui entraînèrent le redressement économiques et financier de la France, son adresse, son humour, sa bonhomie, sa générosité, le rendirent très populaire. Surnommé le Vert Galant, le roi Henri IV connut une vie sentimentale mouvementée. Il eut plusieurs maîtresses, la plus célèbre étant Gabrielle d’Estrées. Son premier mariage fut annulé et, en 1600, il épousa Marie de Médicis, dont il eut quatre enfants, parmi lesquels le futur roi Louis XIII. Il fut assassiné en 1610.
François Clouet a représenté ici le futur roi à son arrivée à la cour de France, à l’époque de son mariage avec Marguerite de Valois, la sœur du roi. Il a presque vingt ans. Le 12 avril 1572, sa mère lui écrit eet lui conseille de soigner son apparence et d’accoutumer ses cheveux « à se relever, mais non pas à l’ancienne mode ». Cette remarquable esquisse, où transparaît l’inquiétude du jeune roi de Navarre, est émouvante de sensibilité et de vérité. La spontanéité du dessin relève de l’instantané. La souplesse du modelé et la texture des cheveux vaporeux ne se retrouvent pas dans le crayon achevé, beaucoup moins expressif. Henri IV ne se limita pas aux portraits dessinés pour la diffusion de son image dans les cours étrangères car il fut en effet le premier roi à utiliser la gravure à cette fin.
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Marguerite de Valois, enfant
Fille d’Henri II et de Catherine de Médicis, sœur des rois François II, Charles IX et Henri III, maîtresse du duc de Guise, Marguerite de Valois épousa Henri de Navarre, le futur Henri IV, en 1572. Ce mariage, qu’aucun des deux ne désirait, aboutit rapidement à une séparation. Nymphomane, sa conduite légère et ses intrigues en faveur du duc d’Alençon entraînèrent une mésentente avec son frère Henri III. Elle fut éloignée de la cour. Elle tint alors une cour brillante à Nérac, dans le sud-ouest de la France. Très cultivée, elle écrivit des poésies et des Mémoires. Enfermée à Usson, en Auvergne, de 1587 à 1605, elle y séduisit le gouverneur, avec lequel elle vécut plusieurs années. En 1599, elle accepta l’annulation de son mariage avec Henri IV en faveur de Marie de Médicis. Elle s’y était opposée lorsqu’il s’était agi de la maîtresse du roi, Gabrielle d’Estrées. Elle revint à Paris en 1605.
Ce singulier portrait de la future reine âgée de deux ans, exécuté par Clouet, révèle déjà la forte personnalité de Marguerite. L’intensité de l’expression, la vivacité contenue, la tension qui émane de ce visage d’enfant en font l’une des plus remarquables interprétations de Clouet. La fillette est coiffée en arcelets et porte un escoffion. En 1561, Catherine de Médicis envoya un portrait de Marguerite, âgée de huit ans, à Don Sébastien de Portugal, son fiancé. Il fut très apprécié par la cour de ce pays. Nicot, l’ambassadeur de France, écrit alors : « Le portrait de Madame a tellement contenté tous ceux de ceste Court qu’il n’a esté possible de plus. »
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Marguerite de Valois, seconde reine de Navarre
Ce portrait représente Marguerite de Valois vers l’âge de dix-neuf ans, à l’époque où elle épousa le futur Henri IV (août 1572). Quelques mois avant, le 8 mars 1572, Jeanne d’Albret, la reine de Navarre, avait écrit à son fils Henri au sujet de sa future épouse, la décrivant comme « belle et bien avisée et de bonne grâce, mais nourrie en la plus maudite et corrompue compagnie », ajoutant qu’elle allait lui envoyer « sa peinture ». Le visage semble ici sculpté par l’estompe et aucune hachure n’apparaît. L’imperceptible sourire dépend autant des lèvres que du modelé, très subtil, de la partie inférieure. La princesse a les cheveux frisés, séparés par une raie médiane et relevés en un chignon retenu par des bijoux. Seul le haut du corsage, une guimpe bouillonnée à collerette montante serrée au cou par un collier de perles fines, est dessiné avec précision. Son regard est tourné vers le spectateur et son expression, assurée et spirituelle, se fait complice du monde extérieur qui l’entoure. Ce portrait a servi d’étude préparatoire à une peinture.
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Marguerite de Valois, dite la reine Margot
Ce portrait représente Marguerite de Valois vers l’âge de dix-neuf ans, à l’époque où elle épousa le futur Henri IV (août 1572). Quelques mois avant, le 8 mars 1572, Jeanne d’Albret, la reine de Navarre, avait écrit à son fils Henri au sujet de sa future épouse, la décrivant comme « belle et bien avisée et de bonne grâce, mais nourrie en la plus maudite et corrompue compagnie », ajoutant qu’elle allait lui envoyer « sa peinture ». Le visage semble ici sculpté par l’estompe et aucune hachure n’apparaît. L’imperceptible sourire dépend autant des lèvres que du modelé, très subtil, de la partie inférieure. La princesse a les cheveux frisés, séparés par une raie médiane et relevés en un chignon retenu par des bijoux. Seul le haut du corsage, une guimpe bouillonnée à collerette montante serrée au cou par un collier de perles fines, est dessiné avec précision. Son regard est tourné vers le spectateur et son expression, assurée et spirituelle, se fait complice du monde extérieur qui l’entoure. Ce portrait a servi d’étude préparatoire à une peinture.
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