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Livre à feuilleter

Histoire de Merlin

Histoire de Merlin, couverture recto
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Arthur et Gauvain ; Chevaliers cherchant Merlin

Un projet diabolique

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La naissance de Merlin répond au projet diabolique d'envoyer sur terre un antéchrist susceptible de contrer l'œuvre de rédemption divine. La connaissance démoniaque des choses passées et présentes devrait lui permettre de convaincre les hommes d'adopter le parti infernal. Mais l'entreprise n'est qu'une parodie de l'incarnation. Elle prend place sous le regard de Dieu qui, soucieux de laisser à Merlin une part de libre arbitre, lui accorde également la connaissance des événements futurs. Alors que la famille de Merlin est persécutée par les agents du diable, la mère de l'enfant se montre d'une endurance et d'une droiture exemplaires, sous la protection de son confesseur Blaise. Si une faiblesse passagère permet au démon de lui faire un enfant, la jeune femme repentante retrouve immédiatement le chemin de la vertu et de la religion, tandis que le parcours de Merlin manifeste l'échec des plans infernaux.

Un projet diabolique
Fol. 114

Fol. 114

Fol. 114


Arthur et Gauvain ; Chevaliers cherchant Merlin

Un projet diabolique

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La naissance de Merlin répond au projet diabolique d'envoyer sur terre un antéchrist susceptible de contrer l'œuvre de rédemption divine. La connaissance démoniaque des choses passées et présentes devrait lui permettre de convaincre les hommes d'adopter le parti infernal. Mais l'entreprise n'est qu'une parodie de l'incarnation. Elle prend place sous le regard de Dieu qui, soucieux de laisser à Merlin une part de libre arbitre, lui accorde également la connaissance des événements futurs. Alors que la famille de Merlin est persécutée par les agents du diable, la mère de l'enfant se montre d'une endurance et d'une droiture exemplaires, sous la protection de son confesseur Blaise. Si une faiblesse passagère permet au démon de lui faire un enfant, la jeune femme repentante retrouve immédiatement le chemin de la vertu et de la religion, tandis que le parcours de Merlin manifeste l'échec des plans infernaux.

Un projet diabolique
Fol. 114

Fol. 114

Fol. 114
Fol. 119v

Fol. 119v

Fol. 119v


Jugement de la mère de Merlin

Merlin dénonce la culpabilité des juges

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La plaidoirie de Merlin en faveur de sa mère tend moins à prouver son innocence qu'à souligner par contraste la culpabilité de la plupart de ceux qui sont rassemblés à son procès. Les pouvoirs surnaturels de l'enfant trouvent alors leur première manifestation publique et prennent un caractère subversif en remettant en cause la légitimité de la justice humaine et l'hypocrisie sociale sur laquelle celle-ci est adossée. Cette dénonciation a pourtant un caractère ludique et fait basculer la tonalité de l'épisode. On passe ainsi de la reconnaissance de l'innocence d'une jeune femme condamnée à mort, à la dénonciation triviale d'affaires extraconjugales menées en toute impunité, tant qu'elles demeurent dans l'ordre du secret. Le drame judiciaire glisse alors à l'intrigue de fabliau puisque c'est la démonstration de la bâtardise du juge devant lequel comparaît la mère de Merlin qui permet le retrait des charges portées contre elle.

 

Merlin dénonce la culpabilité des juges
Fol. 119v

Fol. 119v

Fol. 119v


Jugement de la mère de Merlin

Merlin dénonce la culpabilité des juges

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La plaidoirie de Merlin en faveur de sa mère tend moins à prouver son innocence qu'à souligner par contraste la culpabilité de la plupart de ceux qui sont rassemblés à son procès. Les pouvoirs surnaturels de l'enfant trouvent alors leur première manifestation publique et prennent un caractère subversif en remettant en cause la légitimité de la justice humaine et l'hypocrisie sociale sur laquelle celle-ci est adossée. Cette dénonciation a pourtant un caractère ludique et fait basculer la tonalité de l'épisode. On passe ainsi de la reconnaissance de l'innocence d'une jeune femme condamnée à mort, à la dénonciation triviale d'affaires extraconjugales menées en toute impunité, tant qu'elles demeurent dans l'ordre du secret. Le drame judiciaire glisse alors à l'intrigue de fabliau puisque c'est la démonstration de la bâtardise du juge devant lequel comparaît la mère de Merlin qui permet le retrait des charges portées contre elle.

 

Merlin dénonce la culpabilité des juges


Vortigern et les sages ; Vortigern envoyant chercher Merlin

Fol. 125v : Vortigern consulte les sages pour connaître la cause de l'effondrement de sa tour
 

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La lutte symbolique entre les héritiers légitimes et l'usurpateur
Le sacrifice l'enfant sans père suggéré par les conseillers du roi Vortigern ne peut remédier en rien au prodige de la tour qui s'effondre. Merlin fait une autre interprétation : ce sont deux dragons, l'un blanc et l'autre rouge, enterrés sous l'édifice, qui l'ébranlent. Ils vont s'affronter dans un combat qui annonce et symbolise la lutte à venir entre Vortigern et les héritiers du roi Constant. L'épisode souligne au passage la duplicité et la couardise des sages dont la science est complètement discréditée par la clairvoyance de Merlin, qui non seulement connaît la vérité, mais protège la vie de ceux qui voulaient l'éliminer.

 

Fol. 125v : Vortigern consulte les sages pour connaître la cause de l'effondrement de sa tour
 
Fol. 126

Fol. 126

Fol. 126


Vortigern et les sages ; Vortigern envoyant chercher Merlin

Fol. 125v : Vortigern consulte les sages pour connaître la cause de l'effondrement de sa tour
 

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La lutte symbolique entre les héritiers légitimes et l'usurpateur
Le sacrifice l'enfant sans père suggéré par les conseillers du roi Vortigern ne peut remédier en rien au prodige de la tour qui s'effondre. Merlin fait une autre interprétation : ce sont deux dragons, l'un blanc et l'autre rouge, enterrés sous l'édifice, qui l'ébranlent. Ils vont s'affronter dans un combat qui annonce et symbolise la lutte à venir entre Vortigern et les héritiers du roi Constant. L'épisode souligne au passage la duplicité et la couardise des sages dont la science est complètement discréditée par la clairvoyance de Merlin, qui non seulement connaît la vérité, mais protège la vie de ceux qui voulaient l'éliminer.

 

Fol. 125v : Vortigern consulte les sages pour connaître la cause de l'effondrement de sa tour
 
Fol. 126

Fol. 126

Fol. 126
Fol. 133v

Fol. 133v

Fol. 133v


Pandragon et Merlin déguisé ; Pandragon au camp d'Uter

Fol. 134 : Merlin déguisé prophétise pour le roi Pandragon et ses conseillers
 

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Merlin conseille les rois de Bretagne
Après avoir annoncé au roi Vortigern l'imminence de sa chute, Merlin devient le conseiller des nouveaux rois de Grande Bretagne, Pandragon puis Uter. Mais il investit cette charge de façon très ludique, recourant à un jeu de masques avec le roi et ses messagers. C'est l'occasion de montrer à la fois sa prescience surnaturelle (il sauve la vie d'Uter en le prévenant contre les manigances d'Angis) et son goût pour le déguisement. Le polymorphisme est un des attributs du diable, mais Merlin s'en sert moins pour abuser les hommes que pour les amuser.

Les hommes de Pandragon lui dirent : « Nous vous affirmons en vérité que vous avez trouvé Merlin ». Celui-ci répondit : « Sire, ils vous disent la vérité. Dites-moi maintenant ce que vous désirez ». « Je voudrais vous prier, répondit le roi, si c'est possible, de devenir mon ami, et j'aimerais être proche de vous, en effet, mes hommes m'ont dit que vous êtes très sage et de très bon conseil. »
Merlin lui répondit  : « Sire, je suis l'homme que vous avez trouvé gardant des bêtes. Jamais vous ne me demanderez conseil sans que je ne vous l'accorde ». Le roi dit alors : « Je voudrais vous prier, s'il vous plaît, de me dire si je vous ai parlé depuis que je suis arrivé dans cette ville ». Merlin répondit : « Sire, je suis l'homme que vous avez trouvé gardant des bêtes et je suis aussi celui qui vous a dit qu'Angis était mort ». Quand le roi et ses compagnons entendirent cela, ils en furent émerveillés. Le roi leur dit alors : « Vous n'avez pas reconnu Merlin quand il s'est présenté à vous : vous n'avez pu ni le trouver ni le reconnaître ». Ceux-ci répondirent : « Sire, nous ne l'avons jamais vu accomplir une telle chose. Mais nous croyons volontiers qu'il a le pouvoir de dire et d'accomplir ce que nul autre ne pourrait faire ».

 

 

Fol. 134 : Merlin déguisé prophétise pour le roi Pandragon et ses conseillers
 
Fol. 133v

Fol. 133v

Fol. 133v


Pandragon et Merlin déguisé ; Pandragon au camp d'Uter

Fol. 134 : Merlin déguisé prophétise pour le roi Pandragon et ses conseillers
 

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Merlin conseille les rois de Bretagne
Après avoir annoncé au roi Vortigern l'imminence de sa chute, Merlin devient le conseiller des nouveaux rois de Grande Bretagne, Pandragon puis Uter. Mais il investit cette charge de façon très ludique, recourant à un jeu de masques avec le roi et ses messagers. C'est l'occasion de montrer à la fois sa prescience surnaturelle (il sauve la vie d'Uter en le prévenant contre les manigances d'Angis) et son goût pour le déguisement. Le polymorphisme est un des attributs du diable, mais Merlin s'en sert moins pour abuser les hommes que pour les amuser.

Les hommes de Pandragon lui dirent : « Nous vous affirmons en vérité que vous avez trouvé Merlin ». Celui-ci répondit : « Sire, ils vous disent la vérité. Dites-moi maintenant ce que vous désirez ». « Je voudrais vous prier, répondit le roi, si c'est possible, de devenir mon ami, et j'aimerais être proche de vous, en effet, mes hommes m'ont dit que vous êtes très sage et de très bon conseil. »
Merlin lui répondit  : « Sire, je suis l'homme que vous avez trouvé gardant des bêtes. Jamais vous ne me demanderez conseil sans que je ne vous l'accorde ». Le roi dit alors : « Je voudrais vous prier, s'il vous plaît, de me dire si je vous ai parlé depuis que je suis arrivé dans cette ville ». Merlin répondit : « Sire, je suis l'homme que vous avez trouvé gardant des bêtes et je suis aussi celui qui vous a dit qu'Angis était mort ». Quand le roi et ses compagnons entendirent cela, ils en furent émerveillés. Le roi leur dit alors : « Vous n'avez pas reconnu Merlin quand il s'est présenté à vous : vous n'avez pu ni le trouver ni le reconnaître ». Ceux-ci répondirent : « Sire, nous ne l'avons jamais vu accomplir une telle chose. Mais nous croyons volontiers qu'il a le pouvoir de dire et d'accomplir ce que nul autre ne pourrait faire ».

 

 

Fol. 134 : Merlin déguisé prophétise pour le roi Pandragon et ses conseillers
 
Fol. 140v

Fol. 140v

Fol. 140v


Couronnement d'Uterpandragon ; Merlin et Uterpandragon discutent du transfert de Stonehenge

Fol. 141 : Agenouillé devant l'autel, Uterpandragon est sacré roi par deux évêques
 

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Merlin prophète
En prévenant les fils de Constant de l'arrivée de la parenté d'Angis, Merlin leur annonce que l'un d'eux mourait au cours de la bataille contre les Saxons. Il révèle même à Uter qu'il sortira sauf du combat. L'issue de l'affrontement témoigne de la justesse de ses prophéties, tandis que le déplacement de Stonehenge illustre de façon spectaculaire l'étendue de ses pouvoirs. Or si cette prouesse fixe à jamais la mémoire des deux frères et celle du prodige opéré par Merlin, la fondation de la Table ronde qui suit immédiatement cet épisode donne une autre dimension à l'histoire des rois Bretons et au rôle joué par Merlin auprès d'eux. Merlin ravive le lien entre l'histoire des rois de Bretagne et les aventures du Graal, ajoutant ainsi une caution chrétienne à son action.

Quinze jours après qu'Uter fut sacré et couronné, Merlin lui rendit visite, et le roi le reçut avec grande joie. Merlin expliqua alors le sens de la bataille et du dragon qui y était apparu. Il dit que le dragon était venu annoncer le malheur du roi, la mort de Pandragon et le salut d'Uter. Depuis ce jour, on appela toujours Uter du nom de Pandragon pour commémorer la mort de celui-ci, la signification de la bataille, et l'apparition du dragon. Le roi se fit dès lors appeler Uterpandragon. On reconnut alors le bien-fondé des instructions que Merlin avait données aux deux frères. Merlin demeura ainsi longtemps auprès du roi qu'il aida à gouverner. Il appela un jour Uterpandragon et lui dit : "Comment, ne feras-tu rien de plus pour ton frère Pandragon qui gît dans la plaine de Salesbières ?". Le roi répondit : "Que veux-tu que je fasse ? Je suivrai toutes tes propositions". Merlin lui dit : "Tu as juré de faire ma volonté, et je te promets que nous édifierons une chose qui tiendra aussi longtemps que le monde durera". [...]

Merlin déplaça par la force de son art les pierres d'Irlande qui sont maintenant dans le cimetière de Salesbières. Quand elles furent arrivées, le roi alla les voir et emmena beaucoup de gens contempler cette merveille. En les voyant, tous dirent que l'humanité entière ne suffirait pas à les déplacer. Ils s'étonnèrent de la façon dont Merlin les avait faites venir, car nul n'avait vu ni su comment cela s'était produit. Merlin leur dit alors de les faire dresser car elles seraient plus belles droites que couchées. Le roi répondit que personne, sinon Dieu, ne saurait le faire, à moins que Merlin s'en charge. Celui-ci répondit : "Partez, et je les ferai dresser, ainsi j'aurais accompli ma promesse envers Pandragon, car j'aurai entrepris pour lui un édifice qui ne sera jamais anéanti". Merlin fit alors dresser les pierres qui sont encore dans le cimetière de Salesbières et y resteront tant que le monde durera.

 

Fol. 141 : Agenouillé devant l'autel, Uterpandragon est sacré roi par deux évêques
 
Fol. 140v

Fol. 140v

Fol. 140v


Couronnement d'Uterpandragon ; Merlin et Uterpandragon discutent du transfert de Stonehenge

Fol. 141 : Agenouillé devant l'autel, Uterpandragon est sacré roi par deux évêques
 

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Merlin prophète
En prévenant les fils de Constant de l'arrivée de la parenté d'Angis, Merlin leur annonce que l'un d'eux mourait au cours de la bataille contre les Saxons. Il révèle même à Uter qu'il sortira sauf du combat. L'issue de l'affrontement témoigne de la justesse de ses prophéties, tandis que le déplacement de Stonehenge illustre de façon spectaculaire l'étendue de ses pouvoirs. Or si cette prouesse fixe à jamais la mémoire des deux frères et celle du prodige opéré par Merlin, la fondation de la Table ronde qui suit immédiatement cet épisode donne une autre dimension à l'histoire des rois Bretons et au rôle joué par Merlin auprès d'eux. Merlin ravive le lien entre l'histoire des rois de Bretagne et les aventures du Graal, ajoutant ainsi une caution chrétienne à son action.

Quinze jours après qu'Uter fut sacré et couronné, Merlin lui rendit visite, et le roi le reçut avec grande joie. Merlin expliqua alors le sens de la bataille et du dragon qui y était apparu. Il dit que le dragon était venu annoncer le malheur du roi, la mort de Pandragon et le salut d'Uter. Depuis ce jour, on appela toujours Uter du nom de Pandragon pour commémorer la mort de celui-ci, la signification de la bataille, et l'apparition du dragon. Le roi se fit dès lors appeler Uterpandragon. On reconnut alors le bien-fondé des instructions que Merlin avait données aux deux frères. Merlin demeura ainsi longtemps auprès du roi qu'il aida à gouverner. Il appela un jour Uterpandragon et lui dit : "Comment, ne feras-tu rien de plus pour ton frère Pandragon qui gît dans la plaine de Salesbières ?". Le roi répondit : "Que veux-tu que je fasse ? Je suivrai toutes tes propositions". Merlin lui dit : "Tu as juré de faire ma volonté, et je te promets que nous édifierons une chose qui tiendra aussi longtemps que le monde durera". [...]

Merlin déplaça par la force de son art les pierres d'Irlande qui sont maintenant dans le cimetière de Salesbières. Quand elles furent arrivées, le roi alla les voir et emmena beaucoup de gens contempler cette merveille. En les voyant, tous dirent que l'humanité entière ne suffirait pas à les déplacer. Ils s'étonnèrent de la façon dont Merlin les avait faites venir, car nul n'avait vu ni su comment cela s'était produit. Merlin leur dit alors de les faire dresser car elles seraient plus belles droites que couchées. Le roi répondit que personne, sinon Dieu, ne saurait le faire, à moins que Merlin s'en charge. Celui-ci répondit : "Partez, et je les ferai dresser, ainsi j'aurais accompli ma promesse envers Pandragon, car j'aurai entrepris pour lui un édifice qui ne sera jamais anéanti". Merlin fit alors dresser les pierres qui sont encore dans le cimetière de Salesbières et y resteront tant que le monde durera.

 

Fol. 141 : Agenouillé devant l'autel, Uterpandragon est sacré roi par deux évêques
 


Arrivée d'Uterpandragon à Tintagel ; Conception d'Arthur

Fol. 149v : Uterpandragon entre dans Tintagel sous l'apparence du Duc
 

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Le rôle de Merlin dans la conception d'Arthur
Merlin exerce ici ses pouvoirs magiques pour exaucer les désirs adultères de son roi. Si la naissance d'Arthur est l'enjeu de la rencontre entre Uterpandragon et Ygerne, cet épisode ne cesse de jouer entre une dimension politique et son fondement personnel, à la fois comique et tragique. Car se sont les intérêts privés du roi qui gouvernent ses manœuvres politiques et déterminent ses relations féodales. En outre, les circonstances douteuses de la naissance d'Arthur expliquent les difficultés que le jeune roi rencontrera pour asseoir son pouvoir au début de son règne. La charge d'Arthur que réclame Merlin apparaît comme la rétribution de ses services. L'enchanteur confiera l'enfant à Antor sans lui révéler son identité.

 

Il y eut bien des gens pour annoncer à la duchesse l'arrivée du duc. Ils chevauchèrent jusqu'au palais puis descendirent de cheval et Merlin dit au roi de se comporter comme tel. Tous trois gagnèrent alors la chambre d'Ygerne puis Ulfin et Merlin déshabillèrent le plus rapidement possible leur seigneur et le firent coucher auprès d'Ygerne. C'est là que fut engendré le bon roi qu'on appela Arthur.
La dame accueillit le roi avec joie car elle croyait tenir le duc entre ses bras. Ils restèrent ainsi couchés ensemble jusqu'au matin quand se répandit en ville la nouvelle de la mort du duc. Quand ses deux compagnons, qui étaient levés, apprirent cela, ils vinrent trouver leur seigneur auprès de sa couche et lui dirent : "Levez-vous, car on a apporté des nouvelles selon lesquelles vous seriez mort". Le roi se leva et dit : "Il n'est pas étonnant qu'ils croient que je sois mort, puisque je suis sorti du château sans que personne ne le sache".
Il prit alors congé d'Ygerne et l'embrassa aux yeux de tous, puis ils quittèrent le château le plus rapidement possible. Merlin dit alors au roi : "Sire, j'ai accompli ma promesse avec loyauté. Veille maintenant à tenir ton serment". Le roi lui répondit : "Vous m'avez procuré plus de joie et un meilleur service qu'aucun autre. Je vous tiendrai ma promesse sans faillir". Merlin dit alors au roi : "Voilà ma requête. Je veux que tu saches que tu as engendré un héritier mâle en Ygerne. Tu dois renoncer à lui et me le donner : tu me cèderas tes droits sur lui. Fais mettre par écrit l'heure et la nuit où tu l'as engendré. Tu sauras alors si nous avons échangé de vraies promesses". "Je te jure, répondit le roi, de tout faire selon ce que tu m'as dit, je te dois bien cela". Ils chevauchèrent ainsi jusqu'à une rivière où ils se lavèrent. Une fois lavés, ils reprirent leur apparence antérieure.

 

Fol. 149v : Uterpandragon entre dans Tintagel sous l'apparence du Duc
 
Fol. 150

Fol. 150

Fol. 150


Arrivée d'Uterpandragon à Tintagel ; Conception d'Arthur

Fol. 149v : Uterpandragon entre dans Tintagel sous l'apparence du Duc
 

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Le rôle de Merlin dans la conception d'Arthur
Merlin exerce ici ses pouvoirs magiques pour exaucer les désirs adultères de son roi. Si la naissance d'Arthur est l'enjeu de la rencontre entre Uterpandragon et Ygerne, cet épisode ne cesse de jouer entre une dimension politique et son fondement personnel, à la fois comique et tragique. Car se sont les intérêts privés du roi qui gouvernent ses manœuvres politiques et déterminent ses relations féodales. En outre, les circonstances douteuses de la naissance d'Arthur expliquent les difficultés que le jeune roi rencontrera pour asseoir son pouvoir au début de son règne. La charge d'Arthur que réclame Merlin apparaît comme la rétribution de ses services. L'enchanteur confiera l'enfant à Antor sans lui révéler son identité.

 

Il y eut bien des gens pour annoncer à la duchesse l'arrivée du duc. Ils chevauchèrent jusqu'au palais puis descendirent de cheval et Merlin dit au roi de se comporter comme tel. Tous trois gagnèrent alors la chambre d'Ygerne puis Ulfin et Merlin déshabillèrent le plus rapidement possible leur seigneur et le firent coucher auprès d'Ygerne. C'est là que fut engendré le bon roi qu'on appela Arthur.
La dame accueillit le roi avec joie car elle croyait tenir le duc entre ses bras. Ils restèrent ainsi couchés ensemble jusqu'au matin quand se répandit en ville la nouvelle de la mort du duc. Quand ses deux compagnons, qui étaient levés, apprirent cela, ils vinrent trouver leur seigneur auprès de sa couche et lui dirent : "Levez-vous, car on a apporté des nouvelles selon lesquelles vous seriez mort". Le roi se leva et dit : "Il n'est pas étonnant qu'ils croient que je sois mort, puisque je suis sorti du château sans que personne ne le sache".
Il prit alors congé d'Ygerne et l'embrassa aux yeux de tous, puis ils quittèrent le château le plus rapidement possible. Merlin dit alors au roi : "Sire, j'ai accompli ma promesse avec loyauté. Veille maintenant à tenir ton serment". Le roi lui répondit : "Vous m'avez procuré plus de joie et un meilleur service qu'aucun autre. Je vous tiendrai ma promesse sans faillir". Merlin dit alors au roi : "Voilà ma requête. Je veux que tu saches que tu as engendré un héritier mâle en Ygerne. Tu dois renoncer à lui et me le donner : tu me cèderas tes droits sur lui. Fais mettre par écrit l'heure et la nuit où tu l'as engendré. Tu sauras alors si nous avons échangé de vraies promesses". "Je te jure, répondit le roi, de tout faire selon ce que tu m'as dit, je te dois bien cela". Ils chevauchèrent ainsi jusqu'à une rivière où ils se lavèrent. Une fois lavés, ils reprirent leur apparence antérieure.

 

Fol. 149v : Uterpandragon entre dans Tintagel sous l'apparence du Duc
 
Fol. 150

Fol. 150

Fol. 150


Arthur sortant l'épée de l'enclume ; Couronnement Arthur

Fol. 159v : Arthur tire à nouveau l'épée de l'enclume lors de son sacre

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Alliance du politique et du religieux
La merveille de l'épée du perron manifeste l'élection divine d'Arthur. L'investiture du jeune roi est ainsi validée par l'institution ecclésiastique qui soutient Arthur. Elle lui rappelle au passage ses obligations envers elle, lui présentant le miroir du bon prince chrétien. Arthur accède au trône par un prodige et c'est seulement après son couronnement que Merlin expliquera ses origines. Bien qu'il soit le fils d'Uterpandragon, Arthur a été conçu dans des circonstances douteuses, et les révélations de Merlin ne suffisent pas à affirmer sa légitimité. C'est donc le miracle de l'enclume et le soutien de l'Eglise puis la démonstration de ses qualités de souverain, et non simplement sa naissance, qui assurent l'élévation du nouveau roi. Cette alliance du politique et du religieux caractérise l'idéologie de la monarchie de droit divin.

 

Les barons se levèrent tous ensemble, prirent Arthur dans leurs bras et l'emmenèrent revêtir les vêtements royaux. Une fois qu'il fut habillé, l'archevêque, prêt à chanter la messe, lui dit : "Arthur, allez chercher l'épée qui symbolise la justice avec laquelle vous devez défendre la Sainte Eglise et la chrétienté autant que vous le pourrez".

La procession se dirigea alors vers le perron et quand ils furent arrivés, l'archevêque dit : "Si tu es prêt à jurer devant Dieu, ma dame Sainte Marie, et tous les saints et les saintes, de protéger et de soutenir la Sainte Eglise, de porter secours, autant que tu le pourras, à tous ceux dans le besoin et de remettre dans le droit chemin tous ceux et toutes celles qui se seront égarés, avance-toi et prend l'épée". Arthur s'agenouilla et prit l'épée les mains jointes puis la retira de l'enclume aussi facilement que si rien ne la retenait, puis il prit l'épée nue entre ses mains. On l'amena auprès de l'autel et il l'y déposa. Quand il l'eut déposée, il fut sacré, reçut l'onction et toutes les marques que l'on doit à un roi. Quand il fut sacré et que la messe fut dite, tous sortirent de l'église, mais ils eurent beau chercher, ils ne purent voir le perron ni ce qu'il était devenu. Ainsi Arthur fut élu roi et il tint la terre et le royaume de Logres longtemps en paix.

 

Fol. 159v : Arthur tire à nouveau l'épée de l'enclume lors de son sacre
Fol. 160

Fol. 160

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Arthur sortant l'épée de l'enclume ; Couronnement Arthur

Fol. 159v : Arthur tire à nouveau l'épée de l'enclume lors de son sacre

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Alliance du politique et du religieux
La merveille de l'épée du perron manifeste l'élection divine d'Arthur. L'investiture du jeune roi est ainsi validée par l'institution ecclésiastique qui soutient Arthur. Elle lui rappelle au passage ses obligations envers elle, lui présentant le miroir du bon prince chrétien. Arthur accède au trône par un prodige et c'est seulement après son couronnement que Merlin expliquera ses origines. Bien qu'il soit le fils d'Uterpandragon, Arthur a été conçu dans des circonstances douteuses, et les révélations de Merlin ne suffisent pas à affirmer sa légitimité. C'est donc le miracle de l'enclume et le soutien de l'Eglise puis la démonstration de ses qualités de souverain, et non simplement sa naissance, qui assurent l'élévation du nouveau roi. Cette alliance du politique et du religieux caractérise l'idéologie de la monarchie de droit divin.

 

Les barons se levèrent tous ensemble, prirent Arthur dans leurs bras et l'emmenèrent revêtir les vêtements royaux. Une fois qu'il fut habillé, l'archevêque, prêt à chanter la messe, lui dit : "Arthur, allez chercher l'épée qui symbolise la justice avec laquelle vous devez défendre la Sainte Eglise et la chrétienté autant que vous le pourrez".

La procession se dirigea alors vers le perron et quand ils furent arrivés, l'archevêque dit : "Si tu es prêt à jurer devant Dieu, ma dame Sainte Marie, et tous les saints et les saintes, de protéger et de soutenir la Sainte Eglise, de porter secours, autant que tu le pourras, à tous ceux dans le besoin et de remettre dans le droit chemin tous ceux et toutes celles qui se seront égarés, avance-toi et prend l'épée". Arthur s'agenouilla et prit l'épée les mains jointes puis la retira de l'enclume aussi facilement que si rien ne la retenait, puis il prit l'épée nue entre ses mains. On l'amena auprès de l'autel et il l'y déposa. Quand il l'eut déposée, il fut sacré, reçut l'onction et toutes les marques que l'on doit à un roi. Quand il fut sacré et que la messe fut dite, tous sortirent de l'église, mais ils eurent beau chercher, ils ne purent voir le perron ni ce qu'il était devenu. Ainsi Arthur fut élu roi et il tint la terre et le royaume de Logres longtemps en paix.

 

Fol. 159v : Arthur tire à nouveau l'épée de l'enclume lors de son sacre
Fol. 160

Fol. 160

Fol. 160


Arthur sortant l'épée de l'enclume ; Couronnement Arthur

Fol. 162v : Arthur combat ses barons rebelles muni d'un dragon crachant du feu, étendard magique que lui a confié Merlin
 

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Une légitimité par les armes
Les grands seigneurs du royaume, six rois rebelles, refusent l'autorité d'Arthur et contestent sa légitimité bien qu'il ait été couronné et sacré, et malgré le soutien de l'Eglise et du peuple. Alors que les chansons de geste prennent souvent le parti des barons révoltés, la rébellion contre Arthur est présentée ici comme un acte de traîtrise à caractère sacrilège. Les débuts de son règne sont donc l'occasion pour Arthur de prouver sa valeur en venant à bout des conflits qui menacent l'intégrité de son royaume. Il doit ainsi faire face à la révolte interne des barons, mais également à la menace récurrente que constituent les Saxons tout en nouant sur les conseils de Merlin une alliance avec le roi Léodegan de Carmélide dont il épousera la fille, Guenièvre...

 

L'archevêque Debrice monta en haut de la tour et excommunia tous ceux qui à l'extérieur s'apprêtaient à nuire au roi Arthur et à lui causer du tort. Le roi Arthur fit préparer ses hommes et les fit monter à cheval. Merlin lui donna au bout d'une lance une bannière dotée d'une importante signification car elle portait un dragon. Celui-ci semblait jeter du feu et des flammes, il avait une longue queue ondulée. Le dragon dont je vous parle était d'acier et personne ne sut jamais où Merlin le prit. Il était merveilleusement léger et maniable et il le confia à la charge de Keu le sénéchal qui fut ensuite nommé le maître gonfalonier du royaume de Logres pour le restant de ses jours.

Ainsi les troupes du roi Arthur se préparèrent et attendirent de cette manière devant la porte. A l'extérieur, les barons firent dresser leurs tentes et leurs pavillons en bas d'une belle et grande prairie. Merlin monta alors en haut de la tour et jeta un enchantement de telle sorte que tout le camp prit feu. Les hommes furent si ébahis qu'ils ne tardèrent pas à fuir parmi les prés. Mais avant qu'ils aient pris la fuite, beaucoup d'entre eux furent blessés. Merlin alla alors trouver le roi et lui dit : "Sire, en avant". On ouvrit les portes et ils sortirent au galop sur leurs chevaux, leurs lances baissées et leurs écus devant la poitrine. Ils pénétrèrent aussi loin qu'ils purent dans le camp de leurs ennemis qui furent si surpris et épouvantés que les plus braves d'entre eux n'auraient pas voulu y être pour tout l'or du monde. En effet, ils ne pensaient pas que leurs adversaires seraient si nombreux. Ceux-ci les frappèrent de leurs lances, ils en abattirent beaucoup et en tuèrent un grand nombre. Les assiégeants étaient en effet si étourdis par la chaleur de l'incendie dont ils avaient été frappés qu'ils se défendirent à grand peine.

 

Fol. 162v : Arthur combat ses barons rebelles muni d'un dragon crachant du feu, étendard magique que lui a confié Merlin
 
Fol. 163

Fol. 163

Fol. 163


Arthur sortant l'épée de l'enclume ; Couronnement Arthur

Fol. 162v : Arthur combat ses barons rebelles muni d'un dragon crachant du feu, étendard magique que lui a confié Merlin
 

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Une légitimité par les armes
Les grands seigneurs du royaume, six rois rebelles, refusent l'autorité d'Arthur et contestent sa légitimité bien qu'il ait été couronné et sacré, et malgré le soutien de l'Eglise et du peuple. Alors que les chansons de geste prennent souvent le parti des barons révoltés, la rébellion contre Arthur est présentée ici comme un acte de traîtrise à caractère sacrilège. Les débuts de son règne sont donc l'occasion pour Arthur de prouver sa valeur en venant à bout des conflits qui menacent l'intégrité de son royaume. Il doit ainsi faire face à la révolte interne des barons, mais également à la menace récurrente que constituent les Saxons tout en nouant sur les conseils de Merlin une alliance avec le roi Léodegan de Carmélide dont il épousera la fille, Guenièvre...

 

L'archevêque Debrice monta en haut de la tour et excommunia tous ceux qui à l'extérieur s'apprêtaient à nuire au roi Arthur et à lui causer du tort. Le roi Arthur fit préparer ses hommes et les fit monter à cheval. Merlin lui donna au bout d'une lance une bannière dotée d'une importante signification car elle portait un dragon. Celui-ci semblait jeter du feu et des flammes, il avait une longue queue ondulée. Le dragon dont je vous parle était d'acier et personne ne sut jamais où Merlin le prit. Il était merveilleusement léger et maniable et il le confia à la charge de Keu le sénéchal qui fut ensuite nommé le maître gonfalonier du royaume de Logres pour le restant de ses jours.

Ainsi les troupes du roi Arthur se préparèrent et attendirent de cette manière devant la porte. A l'extérieur, les barons firent dresser leurs tentes et leurs pavillons en bas d'une belle et grande prairie. Merlin monta alors en haut de la tour et jeta un enchantement de telle sorte que tout le camp prit feu. Les hommes furent si ébahis qu'ils ne tardèrent pas à fuir parmi les prés. Mais avant qu'ils aient pris la fuite, beaucoup d'entre eux furent blessés. Merlin alla alors trouver le roi et lui dit : "Sire, en avant". On ouvrit les portes et ils sortirent au galop sur leurs chevaux, leurs lances baissées et leurs écus devant la poitrine. Ils pénétrèrent aussi loin qu'ils purent dans le camp de leurs ennemis qui furent si surpris et épouvantés que les plus braves d'entre eux n'auraient pas voulu y être pour tout l'or du monde. En effet, ils ne pensaient pas que leurs adversaires seraient si nombreux. Ceux-ci les frappèrent de leurs lances, ils en abattirent beaucoup et en tuèrent un grand nombre. Les assiégeants étaient en effet si étourdis par la chaleur de l'incendie dont ils avaient été frappés qu'ils se défendirent à grand peine.

 

Fol. 162v : Arthur combat ses barons rebelles muni d'un dragon crachant du feu, étendard magique que lui a confié Merlin
 
Fol. 163

Fol. 163

Fol. 163
Fol. 166v

Fol. 166v

Fol. 166v


Arrivée de Ban et Bohort à Logres ; Tournoi de Logres

Fol. 167 : Le roi Arthur accueille à Logres les rois Ban et Bohort qui viennent lui prêter main forte
 

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Alliance avec les rois de Petite Bretagne
La venue de ses vassaux du continent, les rois frères Ban de Bénoïc et Bohort de Gaunes, apporte une aide précieuse au roi Arthur qui bénéficiera ensuite de leur soutien dans son alliance avec le roi Léodegan. À l'échelle du cycle du Graal, cela permet de préparer la venue au monde de Lancelot, le fils du roi Ban, qui sera lui aussi appelé à jouer un rôle déterminant parmi les chevaliers du roi. Merlin est l'instigateur de cette stratégie d'alliance qui permet la consolidation progressive du pouvoir du jeune roi et de son emprise territoriale. Les réjouissances urbaines et l'organisation de joutes chevaleresques sont le moyen d'honorer l'arrivée de ces personnages importants. Quand les messagers eurent quitté le roi Arthur, celui-ci remplit toutes ses forteresses d'hommes d'arme et d'arbalétriers. Merlin vint alors le trouver et lui dit de se réjouir car ses messagers avaient bien rempli leur mission. Merlin lui raconta tout ce qui leur était arrivé entre temps, en particulier comment ils s'étaient débarrassés des sept chevaliers de Claudas de la Déserte "Les deux rois ont déjà embarqué. Pensez à leur faire honneur, et allez à leur rencontre. Bien qu'ils soient vos vassaux, ils sont d'un lignage plus noble que le vôtre. Je vous conseille donc de faire suspendre dans toutes les rues de Logres où ils doivent passer des bannières de soie et de brocart. Que toutes les jeunes filles et les demoiselles de cette ville aillent à leur rencontre en dansant et en chantant hors de la cité. Et vous-même, allez-y avec une grande troupe de chevaliers. Sachez qu'ils arriveront ici ce dimanche, avant l'heure de tierce". Le roi écouta Merlin puis dit qu'il ferait tout comme il le lui avait conseillé. [...] Après manger, on dressa la quintaine, et les jeunes chevaliers joutèrent. Ils organisèrent ensuite un tournoi entre deux camps, comportant chacun sept cent chevaliers. Dans l'un d'entre eux se mirent bien trois cent chevaliers du royaume de Bénoïc.

Fol. 167 : Le roi Arthur accueille à Logres les rois Ban et Bohort qui viennent lui prêter main forte
 
Fol. 166v

Fol. 166v

Fol. 166v


Arrivée de Ban et Bohort à Logres ; Tournoi de Logres

Fol. 167 : Le roi Arthur accueille à Logres les rois Ban et Bohort qui viennent lui prêter main forte
 

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Alliance avec les rois de Petite Bretagne
La venue de ses vassaux du continent, les rois frères Ban de Bénoïc et Bohort de Gaunes, apporte une aide précieuse au roi Arthur qui bénéficiera ensuite de leur soutien dans son alliance avec le roi Léodegan. À l'échelle du cycle du Graal, cela permet de préparer la venue au monde de Lancelot, le fils du roi Ban, qui sera lui aussi appelé à jouer un rôle déterminant parmi les chevaliers du roi. Merlin est l'instigateur de cette stratégie d'alliance qui permet la consolidation progressive du pouvoir du jeune roi et de son emprise territoriale. Les réjouissances urbaines et l'organisation de joutes chevaleresques sont le moyen d'honorer l'arrivée de ces personnages importants. Quand les messagers eurent quitté le roi Arthur, celui-ci remplit toutes ses forteresses d'hommes d'arme et d'arbalétriers. Merlin vint alors le trouver et lui dit de se réjouir car ses messagers avaient bien rempli leur mission. Merlin lui raconta tout ce qui leur était arrivé entre temps, en particulier comment ils s'étaient débarrassés des sept chevaliers de Claudas de la Déserte "Les deux rois ont déjà embarqué. Pensez à leur faire honneur, et allez à leur rencontre. Bien qu'ils soient vos vassaux, ils sont d'un lignage plus noble que le vôtre. Je vous conseille donc de faire suspendre dans toutes les rues de Logres où ils doivent passer des bannières de soie et de brocart. Que toutes les jeunes filles et les demoiselles de cette ville aillent à leur rencontre en dansant et en chantant hors de la cité. Et vous-même, allez-y avec une grande troupe de chevaliers. Sachez qu'ils arriveront ici ce dimanche, avant l'heure de tierce". Le roi écouta Merlin puis dit qu'il ferait tout comme il le lui avait conseillé. [...] Après manger, on dressa la quintaine, et les jeunes chevaliers joutèrent. Ils organisèrent ensuite un tournoi entre deux camps, comportant chacun sept cent chevaliers. Dans l'un d'entre eux se mirent bien trois cent chevaliers du royaume de Bénoïc.

Fol. 167 : Le roi Arthur accueille à Logres les rois Ban et Bohort qui viennent lui prêter main forte
 


Rois ennemis Arthur ; Camp des rois devant Bédingran

Fol. 171v : Les rois rebelles chevauchent vers le royaume de Logres

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Un début de règne instable
La révolte des nobles témoigne de l'instabilité du début du règne d'Arthur. Le jeune roi doit affronter ses barons rebelles à plusieurs reprises, tout en repoussant les païens Saxons qui menacent d'envahir ses terres et celles de son nouvel allié le roi Léodegan. L'aide de ses vassaux du continent est la bienvenue, de même que celle des neveux d'Arthur qui vont soutenir le jeune roi et défendre en son absence le royaume de Logres contre les attaques des Saxons. Ces jeunes gens vont ainsi prendre le parti d'Arthur, à l'inverse de leurs pères révoltés.

Les six rois furent vraiment navrés d'avoir été ainsi battus et d'avoir perdu tout leur équipement. Ils jurèrent donc tous ensemble qu'ils ne seraient jamais satisfaits avant de s'être vengés du roi Arthur et de son enchanteur qui leur avait causé un tel dommage, s'ils arrivaient à le capturer. Les six rois partirent donc honteux et attristés de la mésaventure qui leur était arrivée et dont ils seraient humiliés et navrés pour le restant de leurs jours. Certains d'entre eux se firent porter en une litière car ils ne pouvaient plus supporter de monter à cheval et par petites étapes, ils finirent par regagner leurs terres où ils demeurèrent jusqu'à leur complète guérison.

Au bout d'un mois, ils se rendirent à la frontière du royaume de Gore et du royaume d'Ecosse et ils décidèrent de marcher contre le roi Arthur avec toutes leurs troupes, de lui prendre ses terres et de dévaster tout son pays avant de l'en chasser. Ils fixèrent le jour où ils rassembleraient leurs armées dans la plaine de Bédingran.

Ainsi leurs hommes arrivèrent et vinrent leur prêter main forte le duc Escan de Cambénic, accompagné de cinq mille hommes armés, puis le roi Tradelinant de Norgales avec six mille hommes, le roi de Northumberland, nommé Clarion, avec trois mille hommes, le roi des Cent Chevaliers, qui était fort hardi et preux, avec quatre mille soldats, le roi Lot de Léonois et d'Orcanie avec sept mille hommes, le roi Caradoc Briebras de la terre d'Estrangoire avec sept mille hommes d'armes, puis le roi Nantes de Garlot avec six mille soldats, et le roi Urien avec six mille hommes. Ils chevauchèrent par petites étapes dans l'intention de ravager tout le pays et envoyèrent leurs espions par toute la terre pour connaître les projets du roi Arthur.

 

Fol. 171v : Les rois rebelles chevauchent vers le royaume de Logres
Fol. 172

Fol. 172

Fol. 172


Rois ennemis Arthur ; Camp des rois devant Bédingran

Fol. 171v : Les rois rebelles chevauchent vers le royaume de Logres

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Un début de règne instable
La révolte des nobles témoigne de l'instabilité du début du règne d'Arthur. Le jeune roi doit affronter ses barons rebelles à plusieurs reprises, tout en repoussant les païens Saxons qui menacent d'envahir ses terres et celles de son nouvel allié le roi Léodegan. L'aide de ses vassaux du continent est la bienvenue, de même que celle des neveux d'Arthur qui vont soutenir le jeune roi et défendre en son absence le royaume de Logres contre les attaques des Saxons. Ces jeunes gens vont ainsi prendre le parti d'Arthur, à l'inverse de leurs pères révoltés.

Les six rois furent vraiment navrés d'avoir été ainsi battus et d'avoir perdu tout leur équipement. Ils jurèrent donc tous ensemble qu'ils ne seraient jamais satisfaits avant de s'être vengés du roi Arthur et de son enchanteur qui leur avait causé un tel dommage, s'ils arrivaient à le capturer. Les six rois partirent donc honteux et attristés de la mésaventure qui leur était arrivée et dont ils seraient humiliés et navrés pour le restant de leurs jours. Certains d'entre eux se firent porter en une litière car ils ne pouvaient plus supporter de monter à cheval et par petites étapes, ils finirent par regagner leurs terres où ils demeurèrent jusqu'à leur complète guérison.

Au bout d'un mois, ils se rendirent à la frontière du royaume de Gore et du royaume d'Ecosse et ils décidèrent de marcher contre le roi Arthur avec toutes leurs troupes, de lui prendre ses terres et de dévaster tout son pays avant de l'en chasser. Ils fixèrent le jour où ils rassembleraient leurs armées dans la plaine de Bédingran.

Ainsi leurs hommes arrivèrent et vinrent leur prêter main forte le duc Escan de Cambénic, accompagné de cinq mille hommes armés, puis le roi Tradelinant de Norgales avec six mille hommes, le roi de Northumberland, nommé Clarion, avec trois mille hommes, le roi des Cent Chevaliers, qui était fort hardi et preux, avec quatre mille soldats, le roi Lot de Léonois et d'Orcanie avec sept mille hommes, le roi Caradoc Briebras de la terre d'Estrangoire avec sept mille hommes d'armes, puis le roi Nantes de Garlot avec six mille soldats, et le roi Urien avec six mille hommes. Ils chevauchèrent par petites étapes dans l'intention de ravager tout le pays et envoyèrent leurs espions par toute la terre pour connaître les projets du roi Arthur.

 

Fol. 171v : Les rois rebelles chevauchent vers le royaume de Logres
Fol. 172

Fol. 172

Fol. 172


Merlin chassant ; Merlin déguisé en vilain

Fol. 177v : Merlin, déguisé en paysan, chasse les canards
 

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Le goût des déguisements
Le goût de Merlin pour le déguisement était déjà apparu lorsqu'il s'était montré pour la première fois à Uter et Pandragon sous plusieurs masques différents. Ces transformations qui peuvent avoir une source mythique ou folklorique renvoient aux origines diaboliques du personnage, mais se produisent dans le contexte de mises en scène à caractère divertissant. Elles illustrent les pouvoirs surnaturels du magicien qui joue en outre de ses connaissances extraordinaires pour confondre et surprendre ses interlocuteurs. La motivation de ces épisodes dotés d'une certaine autonomie n'est pas toujours claire, mais elle souligne le caractère composite et fuyant du personnage de Merlin. En l'occurrence, celui-ci profite d'une pittoresque partie de chasse pour révéler à Arthur l'existence d'un trésor caché et lui faire une leçon de morale sur le devoir de générosité qui incombe au roi.

Le roi Arthur demeura avec les deux rois et séjourna à Bédingran qui était à la frontière de la Grande Bretagne et de la Carmélide. Ils attendirent alors Merlin qui devait les retrouver à cet endroit-là. Le lendemain de l'arrivée des rois, après un repas très festif, les trois rois se rendirent dans des loges qui se trouvaient au bord de la rivière pour visiter le parc et les jardins. Regardant en aval de la rivière, ils virent venir à travers les prés un paysan de grande taille qui tenait à la main un arc et des flèches. Des canards sauvages se baignaient parmi les roseaux, conformément à leur nature. Le paysan tendit son arc et tira l'un d'entre eux dont il brisa le cou. Il tira une autre flèche et abattit un malard puis il pendit les oiseaux par le cou à sa ceinture. Il se rendit alors vers les loges où se tenaient les trois rois. Ceux-ci avaient vu le coup tiré par le paysan. Quand il s'approcha des loges, à la portée d'une arbalète, le roi Arthur l'appela et lui demanda s'il voulait lui vendre les oiseaux qu'il avait pris. Le paysan accepta volontiers.

"Combien m'en demandez-vous ?" dit le roi. Le paysan ne dit mot. Il portait de grandes chausses de cuir ainsi qu'une côte et un surcot de bure et un chaperon et avait comme ceinture une courroie de peau de mouton. Il était grand, élancé, tanné et hirsute, et semblait particulièrement farouche et félon. Il dit : "Je ne porte guère d'estime envers un roi qui marchande car il aime trop son trésor. Maudit soit le roi avaricieux qui n'ose enrichir le pauvre alors qu'il en a le pouvoir. Je vous donne, dit-il, ces oiseaux, alors que je n'ai rien de plus précieux que ce que vous voyez là, et vous n'avez pas le coeur de me donner le tiers de votre bien qui est enterré ici mais qui pourrira avant que vous ne l'ayez découvert. Sachez que ce n'est guère à votre honneur ni à votre gloire". Entendant les paroles du paysan, le roi Arthur regarda ses compagnons et leur demanda : "Quels démons ont révélé à ce paysan que j'ai un trésor enterré ?". Le roi Ban appela alors le paysan et lui demanda qui le lui avait révélé. Le paysan ne répondit mot mais dit au roi Arthur de prendre les oiseaux avant que lui-même ne parte. "Dis-nous sur ton âme, demanda le roi Ban, qui t'a dit que le roi avait un trésor enterré".

Le vilain répondit : "C'est un homme sauvage du nom de Merlin qui me l'a révélé. Il m'a dit qu'il viendrait parler avec vous". Pendant qu'ils discutaient ainsi, Ulfin sortit d'une pièce et vint à l'endroit où Arthur parlait au paysan. "Par Dieu, fit le roi, comment pourrais-je croire que tu as parlé à Merlin ?". "Croyez-moi ou non à votre guise, répondit le paysan : comme je ne vous ai pas cru, nous serons alors quitte".

Quand Ulfin l'entendit, il se mit à rire, car il comprit immédiatement qu'il s'agissait de Merlin.

 

Fol. 177v : Merlin, déguisé en paysan, chasse les canards
 
Fol. 178

Fol. 178

Fol. 178


Merlin chassant ; Merlin déguisé en vilain

Fol. 177v : Merlin, déguisé en paysan, chasse les canards
 

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Le goût des déguisements
Le goût de Merlin pour le déguisement était déjà apparu lorsqu'il s'était montré pour la première fois à Uter et Pandragon sous plusieurs masques différents. Ces transformations qui peuvent avoir une source mythique ou folklorique renvoient aux origines diaboliques du personnage, mais se produisent dans le contexte de mises en scène à caractère divertissant. Elles illustrent les pouvoirs surnaturels du magicien qui joue en outre de ses connaissances extraordinaires pour confondre et surprendre ses interlocuteurs. La motivation de ces épisodes dotés d'une certaine autonomie n'est pas toujours claire, mais elle souligne le caractère composite et fuyant du personnage de Merlin. En l'occurrence, celui-ci profite d'une pittoresque partie de chasse pour révéler à Arthur l'existence d'un trésor caché et lui faire une leçon de morale sur le devoir de générosité qui incombe au roi.

Le roi Arthur demeura avec les deux rois et séjourna à Bédingran qui était à la frontière de la Grande Bretagne et de la Carmélide. Ils attendirent alors Merlin qui devait les retrouver à cet endroit-là. Le lendemain de l'arrivée des rois, après un repas très festif, les trois rois se rendirent dans des loges qui se trouvaient au bord de la rivière pour visiter le parc et les jardins. Regardant en aval de la rivière, ils virent venir à travers les prés un paysan de grande taille qui tenait à la main un arc et des flèches. Des canards sauvages se baignaient parmi les roseaux, conformément à leur nature. Le paysan tendit son arc et tira l'un d'entre eux dont il brisa le cou. Il tira une autre flèche et abattit un malard puis il pendit les oiseaux par le cou à sa ceinture. Il se rendit alors vers les loges où se tenaient les trois rois. Ceux-ci avaient vu le coup tiré par le paysan. Quand il s'approcha des loges, à la portée d'une arbalète, le roi Arthur l'appela et lui demanda s'il voulait lui vendre les oiseaux qu'il avait pris. Le paysan accepta volontiers.

"Combien m'en demandez-vous ?" dit le roi. Le paysan ne dit mot. Il portait de grandes chausses de cuir ainsi qu'une côte et un surcot de bure et un chaperon et avait comme ceinture une courroie de peau de mouton. Il était grand, élancé, tanné et hirsute, et semblait particulièrement farouche et félon. Il dit : "Je ne porte guère d'estime envers un roi qui marchande car il aime trop son trésor. Maudit soit le roi avaricieux qui n'ose enrichir le pauvre alors qu'il en a le pouvoir. Je vous donne, dit-il, ces oiseaux, alors que je n'ai rien de plus précieux que ce que vous voyez là, et vous n'avez pas le coeur de me donner le tiers de votre bien qui est enterré ici mais qui pourrira avant que vous ne l'ayez découvert. Sachez que ce n'est guère à votre honneur ni à votre gloire". Entendant les paroles du paysan, le roi Arthur regarda ses compagnons et leur demanda : "Quels démons ont révélé à ce paysan que j'ai un trésor enterré ?". Le roi Ban appela alors le paysan et lui demanda qui le lui avait révélé. Le paysan ne répondit mot mais dit au roi Arthur de prendre les oiseaux avant que lui-même ne parte. "Dis-nous sur ton âme, demanda le roi Ban, qui t'a dit que le roi avait un trésor enterré".

Le vilain répondit : "C'est un homme sauvage du nom de Merlin qui me l'a révélé. Il m'a dit qu'il viendrait parler avec vous". Pendant qu'ils discutaient ainsi, Ulfin sortit d'une pièce et vint à l'endroit où Arthur parlait au paysan. "Par Dieu, fit le roi, comment pourrais-je croire que tu as parlé à Merlin ?". "Croyez-moi ou non à votre guise, répondit le paysan : comme je ne vous ai pas cru, nous serons alors quitte".

Quand Ulfin l'entendit, il se mit à rire, car il comprit immédiatement qu'il s'agissait de Merlin.

 

Fol. 177v : Merlin, déguisé en paysan, chasse les canards
 
Fol. 178

Fol. 178

Fol. 178


Bataille de Carohaise : Merlin et Arthur contre les Saxons

Fol. 190v : À la tête de l'armée d'Arthur et portant l'étendard magique, Merlin affronte les Saxons à la bataille de Carohaise, pour secourir le roi Léodegan de Carmélide
 

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Merlin chef de guerre
Merlin est non seulement prophète et magicien, mais aussi un redoutable chef de guerre qui n'hésite pas à intervenir personnellement sur le champ de bataille, invectivant si nécessaire les combattants pour qu'ils redoublent leurs efforts. Arthur ne révèle pas immédiatement à Léodegan son identité, mais prouve largement sa valeur au combat. L'anonymat de ces guerriers d'élite ne fait qu'accroître l'intérêt que leur portent le roi Léodegan et sa fille Guenièvre qui, comme cela sied à sa position, assiste à la bataille depuis les fenêtres du château.

La bataille fut rude et pesante là où le roi Arthur et ses quarante compagnons ainsi que les quatre mille hommes du sénéchal Cléodalis se heurtèrent aux huit mille Saxons que conduisaient Sornegrieu et Sapharin : il y eut beaucoup de morts et de blessés. [...] Ainsi ils se portèrent au secours du roi Léodegan et quand celui-ci vit le massacre réalisé par un si petit nombre face à une armée si nombreuse, il se demanda avec émerveillement qui ils pouvaient bien être. Il remarqua alors le dragon que Merlin portait. Il comprit alors qu'il s'agissait des mercenaires qu'il avait engagés. Il rendit grâce à Dieu du secours qu'il lui avait envoyé. Merlin le rejoignit alors, s'arrêta près de lui et Ulfin descendit de cheval puis le libéra avec l'aide de Bretel et lui donna des armes. Ils le firent ensuite monter sur un destrier robuste et rapide. Le roi les remercia du grand service qu'ils lui avaient rendu. Merlin s'écria alors : "Nobles chevaliers, que faites-vous ? Suivez-moi, car je m'en vais !". Merlin donna alors des éperons vers la cité où les chevaliers de la Table ronde étaient en grande difficulté car sur trois cent cinquante, il n'en restait plus que vingt à cheval, mais ils se défendaient pourtant à pieds comme des sangliers acculés.

Merlin chevaucha le premier, portant l'enseigne, et il allait si vite avec ses compagnons que leurs chevaux ruisselaient de sang et de sueur. Le dragon qu'il portait crachait par se gueule d'énormes brandons de flammes qui montaient si haut dans les airs que ceux qui étaient sur les murs de la sauvage cité en virent la clarté à une demi lieue de distance, voire plus encore. Ils virent avec grande joie que c'était les quarante et un mercenaires, accompagnés du roi Léodegan qu'ils avaient secouru. Quand Guenièvre la fille du roi Léodegan vit que tous leurs hommes étaient saufs, elle tressaillit de joie et se demanda avec étonnement qui étaient les chevaliers arrivés dans cette compagnie. Les soldats, s'approchant à la vitesse de l'éclair, se jetèrent si violemment contre leurs ennemis qu'ils abattirent tous ceux contre qui ils s'étaient élancés. Dès que les quarante et uns compagnons et le roi Léodegan se mirent à attaquer les géants, l'affrontement fut tel que la jeune femme, appuyée contre l'une des fenêtres du palais, put entendre leurs coups avec une grande clarté.

 

 

Fol. 190v : À la tête de l'armée d'Arthur et portant l'étendard magique, Merlin affronte les Saxons à la bataille de Carohaise, pour secourir le roi Léodegan de Carmélide
 
Fol. 191

Fol. 191

Fol. 191


Bataille de Carohaise : Merlin et Arthur contre les Saxons

Fol. 190v : À la tête de l'armée d'Arthur et portant l'étendard magique, Merlin affronte les Saxons à la bataille de Carohaise, pour secourir le roi Léodegan de Carmélide
 

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Merlin chef de guerre
Merlin est non seulement prophète et magicien, mais aussi un redoutable chef de guerre qui n'hésite pas à intervenir personnellement sur le champ de bataille, invectivant si nécessaire les combattants pour qu'ils redoublent leurs efforts. Arthur ne révèle pas immédiatement à Léodegan son identité, mais prouve largement sa valeur au combat. L'anonymat de ces guerriers d'élite ne fait qu'accroître l'intérêt que leur portent le roi Léodegan et sa fille Guenièvre qui, comme cela sied à sa position, assiste à la bataille depuis les fenêtres du château.

La bataille fut rude et pesante là où le roi Arthur et ses quarante compagnons ainsi que les quatre mille hommes du sénéchal Cléodalis se heurtèrent aux huit mille Saxons que conduisaient Sornegrieu et Sapharin : il y eut beaucoup de morts et de blessés. [...] Ainsi ils se portèrent au secours du roi Léodegan et quand celui-ci vit le massacre réalisé par un si petit nombre face à une armée si nombreuse, il se demanda avec émerveillement qui ils pouvaient bien être. Il remarqua alors le dragon que Merlin portait. Il comprit alors qu'il s'agissait des mercenaires qu'il avait engagés. Il rendit grâce à Dieu du secours qu'il lui avait envoyé. Merlin le rejoignit alors, s'arrêta près de lui et Ulfin descendit de cheval puis le libéra avec l'aide de Bretel et lui donna des armes. Ils le firent ensuite monter sur un destrier robuste et rapide. Le roi les remercia du grand service qu'ils lui avaient rendu. Merlin s'écria alors : "Nobles chevaliers, que faites-vous ? Suivez-moi, car je m'en vais !". Merlin donna alors des éperons vers la cité où les chevaliers de la Table ronde étaient en grande difficulté car sur trois cent cinquante, il n'en restait plus que vingt à cheval, mais ils se défendaient pourtant à pieds comme des sangliers acculés.

Merlin chevaucha le premier, portant l'enseigne, et il allait si vite avec ses compagnons que leurs chevaux ruisselaient de sang et de sueur. Le dragon qu'il portait crachait par se gueule d'énormes brandons de flammes qui montaient si haut dans les airs que ceux qui étaient sur les murs de la sauvage cité en virent la clarté à une demi lieue de distance, voire plus encore. Ils virent avec grande joie que c'était les quarante et un mercenaires, accompagnés du roi Léodegan qu'ils avaient secouru. Quand Guenièvre la fille du roi Léodegan vit que tous leurs hommes étaient saufs, elle tressaillit de joie et se demanda avec étonnement qui étaient les chevaliers arrivés dans cette compagnie. Les soldats, s'approchant à la vitesse de l'éclair, se jetèrent si violemment contre leurs ennemis qu'ils abattirent tous ceux contre qui ils s'étaient élancés. Dès que les quarante et uns compagnons et le roi Léodegan se mirent à attaquer les géants, l'affrontement fut tel que la jeune femme, appuyée contre l'une des fenêtres du palais, put entendre leurs coups avec une grande clarté.

 

 

Fol. 190v : À la tête de l'armée d'Arthur et portant l'étendard magique, Merlin affronte les Saxons à la bataille de Carohaise, pour secourir le roi Léodegan de Carmélide
 
Fol. 191

Fol. 191

Fol. 191


Tradelinant et son espion ; Bataille d'Arundel : les rois chrétiens contre les Saxons

Fol. 199v : Un espion avertit le roi Tradelinant de l'avancée des Saxons sur ses terres

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Après leur bataille contre les Saxons qui menaçaient le royaume de Carmélide, le roi Arthur et ses compagnons célèbrent leur victoire à Carohaise auprès du roi Léodegan. Celui-ci envisage de donner à Arthur la main de sa fille Guenièvre. Au cours du banquet, Merlin informe Arthur des prouesses de ses neveux qui ont défendu en son absence ses terres contre les ravages des Saxons. Tandis que les neveux d'Arthur prennent spontanément la cause de leur oncle qu'ils soutiennent contre leurs pères révoltés contre lui, les barons rebelles, tout occupés à lutter contre Arthur, doivent eux aussi faire face à l'invasion des Saxons.

Dans le registre supérieur de la miniature, un espion du roi Tradelinant vient l'avertir de l'avancée des Saxons qui ont envahi ses terres. Lors de la bataille d'Arundel, la garnison laissée par Arthur et les troupes du roi Tradelinant luttent contre les Saxons, mais seule l'aide du roi des Cent Chevalier leur permet de refouler leurs ennemis.

Fol. 199v : Un espion avertit le roi Tradelinant de l'avancée des Saxons sur ses terres
Fol. 200

Fol. 200

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Tradelinant et son espion ; Bataille d'Arundel : les rois chrétiens contre les Saxons

Fol. 199v : Un espion avertit le roi Tradelinant de l'avancée des Saxons sur ses terres

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Après leur bataille contre les Saxons qui menaçaient le royaume de Carmélide, le roi Arthur et ses compagnons célèbrent leur victoire à Carohaise auprès du roi Léodegan. Celui-ci envisage de donner à Arthur la main de sa fille Guenièvre. Au cours du banquet, Merlin informe Arthur des prouesses de ses neveux qui ont défendu en son absence ses terres contre les ravages des Saxons. Tandis que les neveux d'Arthur prennent spontanément la cause de leur oncle qu'ils soutiennent contre leurs pères révoltés contre lui, les barons rebelles, tout occupés à lutter contre Arthur, doivent eux aussi faire face à l'invasion des Saxons.

Dans le registre supérieur de la miniature, un espion du roi Tradelinant vient l'avertir de l'avancée des Saxons qui ont envahi ses terres. Lors de la bataille d'Arundel, la garnison laissée par Arthur et les troupes du roi Tradelinant luttent contre les Saxons, mais seule l'aide du roi des Cent Chevalier leur permet de refouler leurs ennemis.

Fol. 199v : Un espion avertit le roi Tradelinant de l'avancée des Saxons sur ses terres
Fol. 200

Fol. 200

Fol. 200
Fol. 222v

Fol. 222v

Fol. 222v


Merlin et Blaise

Fol. 223 : Merlin confie ses prophéties à Blaise qui les met par écrit, retiré dans son ermitage en forêt
 

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Merlin narrateur de son roman
Tandis que l'Histoire du Saint Graal est présentée comme la transcription par un clerc d'un livre sacré que le Christ lui aurait confié, l'Histoire de Merlin apparaît comme le produit des aventures racontées par le prophète lui-même à son secrétaire Blaise. Ce dispositif permet de mettre en scène au sein de la fiction l'origine du roman et sa constitution progressive. L'omniscience de Merlin, témoin privilégié du règne arthurien dont il est un acteur de premier plan, ne fait qu'accroître l'autorité du livre dont il est la source. Avec la disparition de Merlin, séduit par Viviane qu'il rencontre en Bretagne dans la forêt de Brocéliande et qu'il initie à la magie jusqu'à ce qu'elle retourne cet enseignement contre lui, c'est aux clercs du roi Arthur que reviendra la mission de mettre par écrit les récits des aventures rapportées à la cour par ses chevaliers.

 

Merlin partit si rapidement que l'on ne sut ce qu'il était devenu et il se rendit auprès de Blaise en Northumberland pour lui conter toutes ses aventures. Quand il eut demeuré là aussi longtemps qu'il lui plut, il dit qu'il voulait partir au royaume de Bénoïc car bientôt les deux rois Ban et Bohort qui étaient alors en Carmélide allaient être mis en difficulté, et ce serait un péché mortel car ils étaient des hommes de grande valeur. Mais le roi Claudas de la Déserte avait prêté hommage au roi de Gaule et aussitôt décidé d'abandonner sa terre pour se rendre à Rome. Il s'approchait donc des terres de l'empereur en compagnie du roi de Gaule. L'empereur Jules César devait lui envoyer de l'aide en vue d'assaillir les deux royaumes de Gaunes et de Bénoïc.

"Les Romains ont déjà mis en route de grandes troupes menées par Ponce Antoine, un des conseillers de Rome. Frolle l'empereur d'Allemagne, le cousin germain de Ponce Antoine, s'y rend également. Il amène vingt mille hommes sous sa bannière".

Quand Blaise entendit Merlin, il lui pria au nom de Dieu de veiller à ce que la chrétienté ne soit ni déshonorée ni détruite, et Merlin répondit qu'il le ferait.

"C'est pourtant, dit Merlin, la terre que je devrais haïr le plus car c'est le pays de la louve qui doit lier le lion sauvage avec des chaînes qui ne seront ni de fer ni de bois ni d'argent, ni d'or, ni d'étain, ni de plomb, ni aucun matériau d'aucune terre sir laquelle on trouve de l'eau ou de l'herbe. Elle l'attachera avec des liens si serrés qu'il en sera immobilisé".

 

Fol. 223 : Merlin confie ses prophéties à Blaise qui les met par écrit, retiré dans son ermitage en forêt
 
Fol. 222v

Fol. 222v

Fol. 222v


Merlin et Blaise

Fol. 223 : Merlin confie ses prophéties à Blaise qui les met par écrit, retiré dans son ermitage en forêt
 

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Merlin narrateur de son roman
Tandis que l'Histoire du Saint Graal est présentée comme la transcription par un clerc d'un livre sacré que le Christ lui aurait confié, l'Histoire de Merlin apparaît comme le produit des aventures racontées par le prophète lui-même à son secrétaire Blaise. Ce dispositif permet de mettre en scène au sein de la fiction l'origine du roman et sa constitution progressive. L'omniscience de Merlin, témoin privilégié du règne arthurien dont il est un acteur de premier plan, ne fait qu'accroître l'autorité du livre dont il est la source. Avec la disparition de Merlin, séduit par Viviane qu'il rencontre en Bretagne dans la forêt de Brocéliande et qu'il initie à la magie jusqu'à ce qu'elle retourne cet enseignement contre lui, c'est aux clercs du roi Arthur que reviendra la mission de mettre par écrit les récits des aventures rapportées à la cour par ses chevaliers.

 

Merlin partit si rapidement que l'on ne sut ce qu'il était devenu et il se rendit auprès de Blaise en Northumberland pour lui conter toutes ses aventures. Quand il eut demeuré là aussi longtemps qu'il lui plut, il dit qu'il voulait partir au royaume de Bénoïc car bientôt les deux rois Ban et Bohort qui étaient alors en Carmélide allaient être mis en difficulté, et ce serait un péché mortel car ils étaient des hommes de grande valeur. Mais le roi Claudas de la Déserte avait prêté hommage au roi de Gaule et aussitôt décidé d'abandonner sa terre pour se rendre à Rome. Il s'approchait donc des terres de l'empereur en compagnie du roi de Gaule. L'empereur Jules César devait lui envoyer de l'aide en vue d'assaillir les deux royaumes de Gaunes et de Bénoïc.

"Les Romains ont déjà mis en route de grandes troupes menées par Ponce Antoine, un des conseillers de Rome. Frolle l'empereur d'Allemagne, le cousin germain de Ponce Antoine, s'y rend également. Il amène vingt mille hommes sous sa bannière".

Quand Blaise entendit Merlin, il lui pria au nom de Dieu de veiller à ce que la chrétienté ne soit ni déshonorée ni détruite, et Merlin répondit qu'il le ferait.

"C'est pourtant, dit Merlin, la terre que je devrais haïr le plus car c'est le pays de la louve qui doit lier le lion sauvage avec des chaînes qui ne seront ni de fer ni de bois ni d'argent, ni d'or, ni d'étain, ni de plomb, ni aucun matériau d'aucune terre sir laquelle on trouve de l'eau ou de l'herbe. Elle l'attachera avec des liens si serrés qu'il en sera immobilisé".

 

Fol. 223 : Merlin confie ses prophéties à Blaise qui les met par écrit, retiré dans son ermitage en forêt
 


Bataille de Danablaise ; Léodegan poursuivant les Saxons

Fol. 238v : L'armée de Léodegan et ses alliés repoussent les troupes saxonnes lors de la bataille de Danablaise

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Bretons chrétiens contre Saxons païens
L'alliance d'Arthur et du roi Léodegan est particulièrement importante stratégiquement, car repousser les Saxons de Carmélide permet aussi de sécuriser les frontières du royaume de Logres. La lutte d'Arthur contre les Saxons relève d'une entreprise civilisatrice car elle constitue un combat mythique du monde chevaleresque et chrétien contre la barbarie de ces monstrueux païens. Il s'agit d'un conflit autant religieux que territorial. L'ascendance prestigieuse du roi Rion, tout en rappelant ses origines païennes, est emblématique du mélange de fascination et de crainte qu'inspirent la bravoure et la noblesse de certains chefs sarrasins dans les chansons de geste.

Quand le roi Léodegan vit que les géants avaient été vaincus, il les pourchassa vigoureusement jusqu'à la nuit noire. Il en massacra un grand nombre avec ses hommes. Il advint alors que le roi Léodegan et son sénéchal Cléodalis se séparèrent de leurs hommes dans l'obscurité de la forêt, et leurs soldats ne surent ce qu'ils étaient devenus. Quand les hommes du roi Léodegan virent qu'il faisait nuit noire, ils firent demi-tour. Cependant les compagnons de la Table ronde et les compagnons du roi Arthur ne rebroussèrent pas chemin mais ils continuèrent à pourchasser hardiment les Saxons et en tuèrent un grand nombre.

 

Fol. 238v : L'armée de Léodegan et ses alliés repoussent les troupes saxonnes lors de la bataille de Danablaise
Guiomar poursuivant les Saxons

Fol. 239 : À gauche, Guiomar et ses hommes poursuivent les Saxons en fuite
 

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La lutte acharnée des chrétiens
Le cadre nocturne de la bataille et la poursuite acharnée de leurs adversaires témoignent de la détermination des hommes de Léodegan et d'Arthur qui continuent le combat même après la défaite des Saxons. Ces poursuites sont risquées car elles dispersent les forces alliées et les mettent à la merci des compagnies saxonnes qui ont échappé au massacre. L'affrontement ne se limite donc pas à la rencontre massive des deux camps, mais intègre différents types de combats. Le courage individuel des chefs chrétiens se manifeste particulièrement au cours de ces poursuites : malgré la victoire de leur armée ils se retrouvent isolés et menacés par les bataillons saxons auxquels ils sont confrontés.

 

Quand les géants furent vaincus, Antor, le père nourricier du roi Arthur, Keu le sénéchal, Girflet et Lucan le bouteiller, Méraugis et Agorvain, Cadrus son compagnon et Abelchin le Noir qu'on mit en leur compagnie, Blioberis et compagnie, le Laid Hardi, Calogrenant et Kahedin le Bel, tous les douze, pourchassèrent durement les Saxons à travers la forêt. Ils en blessèrent et tuèrent un grand nombre. Les Saxons fuyaient devant eux mais à force de les poursuivre, ils les menèrent sur le roi Alipantin qui avait en sa compagnie deux cents Saxons qui étaient fort irrités de la défaite du roi Rion et se demandaient ce qu'il était bien devenu.

Quand les douze compagnons les aperçurent, ils se jetèrent violement sur eux et entreprirent une bataille extraordinaire. L'affrontement dura jusques au milieu de la nuit avant qu'ils ne se séparent. Le combat eut donc lieu en trois endroits distincts. Dans le premier, il n'y avait que deux combattants. C'était le roi Léodegan et Cléodalis le sénéchal. Dans l'autre se trouvaient Synados et Guiomar. Dans le troisième il y avait les douze des compagnons du roi Arthur. Quand ils arrivèrent dans la plaine à l'extérieur de Danablaise, ne pouvant trouver certains de leurs compagnons, ils crurent qu'ils étaient morts. Quand ils virent qu'on ne pouvait trouver les rois Ban, Arthur, Bohort et Léodegan, ils firent un très grand deuil car ils étaient persuadés qu'ils étaient morts. Mais ils attendirent là pour avoir de leurs nouvelles et campèrent dans la plaine car ils n'auraient pas voulu entrer dans la ville mais ils placèrent des gardes jusqu'au lever du jour.

 

Fol. 239 : À gauche, Guiomar et ses hommes poursuivent les Saxons en fuite
 


Bataille de Danablaise ; Léodegan poursuivant les Saxons

Fol. 238v : L'armée de Léodegan et ses alliés repoussent les troupes saxonnes lors de la bataille de Danablaise

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Bretons chrétiens contre Saxons païens
L'alliance d'Arthur et du roi Léodegan est particulièrement importante stratégiquement, car repousser les Saxons de Carmélide permet aussi de sécuriser les frontières du royaume de Logres. La lutte d'Arthur contre les Saxons relève d'une entreprise civilisatrice car elle constitue un combat mythique du monde chevaleresque et chrétien contre la barbarie de ces monstrueux païens. Il s'agit d'un conflit autant religieux que territorial. L'ascendance prestigieuse du roi Rion, tout en rappelant ses origines païennes, est emblématique du mélange de fascination et de crainte qu'inspirent la bravoure et la noblesse de certains chefs sarrasins dans les chansons de geste.

Quand le roi Léodegan vit que les géants avaient été vaincus, il les pourchassa vigoureusement jusqu'à la nuit noire. Il en massacra un grand nombre avec ses hommes. Il advint alors que le roi Léodegan et son sénéchal Cléodalis se séparèrent de leurs hommes dans l'obscurité de la forêt, et leurs soldats ne surent ce qu'ils étaient devenus. Quand les hommes du roi Léodegan virent qu'il faisait nuit noire, ils firent demi-tour. Cependant les compagnons de la Table ronde et les compagnons du roi Arthur ne rebroussèrent pas chemin mais ils continuèrent à pourchasser hardiment les Saxons et en tuèrent un grand nombre.

 

Fol. 238v : L'armée de Léodegan et ses alliés repoussent les troupes saxonnes lors de la bataille de Danablaise
Guiomar poursuivant les Saxons

Fol. 239 : À gauche, Guiomar et ses hommes poursuivent les Saxons en fuite
 

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La lutte acharnée des chrétiens
Le cadre nocturne de la bataille et la poursuite acharnée de leurs adversaires témoignent de la détermination des hommes de Léodegan et d'Arthur qui continuent le combat même après la défaite des Saxons. Ces poursuites sont risquées car elles dispersent les forces alliées et les mettent à la merci des compagnies saxonnes qui ont échappé au massacre. L'affrontement ne se limite donc pas à la rencontre massive des deux camps, mais intègre différents types de combats. Le courage individuel des chefs chrétiens se manifeste particulièrement au cours de ces poursuites : malgré la victoire de leur armée ils se retrouvent isolés et menacés par les bataillons saxons auxquels ils sont confrontés.

 

Quand les géants furent vaincus, Antor, le père nourricier du roi Arthur, Keu le sénéchal, Girflet et Lucan le bouteiller, Méraugis et Agorvain, Cadrus son compagnon et Abelchin le Noir qu'on mit en leur compagnie, Blioberis et compagnie, le Laid Hardi, Calogrenant et Kahedin le Bel, tous les douze, pourchassèrent durement les Saxons à travers la forêt. Ils en blessèrent et tuèrent un grand nombre. Les Saxons fuyaient devant eux mais à force de les poursuivre, ils les menèrent sur le roi Alipantin qui avait en sa compagnie deux cents Saxons qui étaient fort irrités de la défaite du roi Rion et se demandaient ce qu'il était bien devenu.

Quand les douze compagnons les aperçurent, ils se jetèrent violement sur eux et entreprirent une bataille extraordinaire. L'affrontement dura jusques au milieu de la nuit avant qu'ils ne se séparent. Le combat eut donc lieu en trois endroits distincts. Dans le premier, il n'y avait que deux combattants. C'était le roi Léodegan et Cléodalis le sénéchal. Dans l'autre se trouvaient Synados et Guiomar. Dans le troisième il y avait les douze des compagnons du roi Arthur. Quand ils arrivèrent dans la plaine à l'extérieur de Danablaise, ne pouvant trouver certains de leurs compagnons, ils crurent qu'ils étaient morts. Quand ils virent qu'on ne pouvait trouver les rois Ban, Arthur, Bohort et Léodegan, ils firent un très grand deuil car ils étaient persuadés qu'ils étaient morts. Mais ils attendirent là pour avoir de leurs nouvelles et campèrent dans la plaine car ils n'auraient pas voulu entrer dans la ville mais ils placèrent des gardes jusqu'au lever du jour.

 

Fol. 239 : À gauche, Guiomar et ses hommes poursuivent les Saxons en fuite
 


Arthur, Ban et Bohort naviguant vers le continent

Fol. 249v : Arthur, Ban et Bohort font voile vers le continent tout en armes, pour combattre Claudas de la Terre Déserte, allié au romain Ponce Antoine et au Duc Frolle d'Allemagne
 

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Arthur au secours de ses vassaux
La consolidation du règne d'Arthur passe par la sécurisation des terres de ses vassaux sur le continent. Ban et Bohort se sont rendus en Grande Bretagne pour lui prêter hommage et assurer leur devoir de <i>consilium</i> (conseil) et d'auxilium (aide militaire, matérielle et financière). En retour, Arthur se doit de protéger leurs terres contre les prétentions politiques et territoriales de voisins continentaux qui ont noué d'autres alliances politiques et militaires entre eux : la Gaule, l'Allemagne, l'Empire romain. Le Lancelot en prose s'ouvre sur une crise politique qui remet en cause le gouvernement d'Arthur car à la fin du règne de Ban et de Bohort, il ne fera rien pour protéger et assurer la succession des héritiers légitimes de ses vassaux.

Le premier jour de juin, le roi Arthur quitta Logres et chevaucha avec le roi Ban et le roi Bohort jusqu'à la mer. Quand ils y furent arrivés, ils montèrent dans des bateaux qui eurent bon vent et les menèrent à la Rochelle. Ils se logèrent à l'extérieur de la ville et y attendirent Merlin qui arriva le lendemain à l'heure de midi et qu'ils accueillirent avec grande joie. Les trois rois séjournèrent là et s'y reposèrent, faisant bien garder tous les chemins pour que leurs ennemis n'en soient pas informés.

 

 

Fol. 249v : Arthur, Ban et Bohort font voile vers le continent tout en armes, pour combattre Claudas de la Terre Déserte, allié au romain Ponce Antoine et au Duc Frolle d'Allemagne
 


Initiale historiée : Incendie d'une cité de Bénoïc

Fol. 250 : Dans l'initiale historiée, des chevaliers viennent défendre une cité du royaume de Bénoïc que des soldats ennemis sont en train d'incendier
 

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Le traître Claudas
Allié avec la Gaule, Claudas de la Terre Déserte est l'ennemi mortel de Ban et Bohort, respectivement roi de Bénoïc et de Gaunes. S'il est ici vaincu, Claudas profitera, au début du <i>Roman de Lancelot</i>, de la mort des deux frères et de la passivité d'Arthur pour usurper le trône de leurs héritiers encore enfants. Informé depuis longtemps de la trahison de Claudas, Merlin en a prévenu Blaise et Léonce de Palerne avant même qu'Arthur ait vaincu les Saxons. L'assurance et l'omniscience du prophète garantissent ainsi la cohérence de la politique d'Arthur et la défense de ses terres et de celles de ses alliés.

Merlin quitta Léonce le seigneur de Palerne après lui avoir annoncé la venue de Ponce Antoine et Frolle d'Allemagne, accompagnés de quarante mille hommes avec tout leur équipage, ainsi que de Claudas de la Déserte qui en avait vingt mille. Léonce convoqua alors ses hommes de tous les coins du pays et en réunit dix mille du royaume de Bénoïc. Pharien fit de même dans le royaume de Gaunes et en rassembla bien dix mille. Quand ils eurent accompli cela, Pharien et tous ses hommes et Léonce et sa grande armée se retirèrent à Bénoïc. Ils attendirent là jusqu'à ce qu'arrive la nouvelle que leurs ennemis mettaient le feu dans tout le pays, ce dont Claudas de la Déserte fut fort soucieux et courroucé.

 

Fol. 250 : Dans l'initiale historiée, des chevaliers viennent défendre une cité du royaume de Bénoïc que des soldats ennemis sont en train d'incendier
 


Arthur, Ban et Bohort naviguant vers le continent

Fol. 249v : Arthur, Ban et Bohort font voile vers le continent tout en armes, pour combattre Claudas de la Terre Déserte, allié au romain Ponce Antoine et au Duc Frolle d'Allemagne
 

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Arthur au secours de ses vassaux
La consolidation du règne d'Arthur passe par la sécurisation des terres de ses vassaux sur le continent. Ban et Bohort se sont rendus en Grande Bretagne pour lui prêter hommage et assurer leur devoir de <i>consilium</i> (conseil) et d'auxilium (aide militaire, matérielle et financière). En retour, Arthur se doit de protéger leurs terres contre les prétentions politiques et territoriales de voisins continentaux qui ont noué d'autres alliances politiques et militaires entre eux : la Gaule, l'Allemagne, l'Empire romain. Le Lancelot en prose s'ouvre sur une crise politique qui remet en cause le gouvernement d'Arthur car à la fin du règne de Ban et de Bohort, il ne fera rien pour protéger et assurer la succession des héritiers légitimes de ses vassaux.

Le premier jour de juin, le roi Arthur quitta Logres et chevaucha avec le roi Ban et le roi Bohort jusqu'à la mer. Quand ils y furent arrivés, ils montèrent dans des bateaux qui eurent bon vent et les menèrent à la Rochelle. Ils se logèrent à l'extérieur de la ville et y attendirent Merlin qui arriva le lendemain à l'heure de midi et qu'ils accueillirent avec grande joie. Les trois rois séjournèrent là et s'y reposèrent, faisant bien garder tous les chemins pour que leurs ennemis n'en soient pas informés.

 

 

Fol. 249v : Arthur, Ban et Bohort font voile vers le continent tout en armes, pour combattre Claudas de la Terre Déserte, allié au romain Ponce Antoine et au Duc Frolle d'Allemagne
 


Initiale historiée : Incendie d'une cité de Bénoïc

Fol. 250 : Dans l'initiale historiée, des chevaliers viennent défendre une cité du royaume de Bénoïc que des soldats ennemis sont en train d'incendier
 

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Le traître Claudas
Allié avec la Gaule, Claudas de la Terre Déserte est l'ennemi mortel de Ban et Bohort, respectivement roi de Bénoïc et de Gaunes. S'il est ici vaincu, Claudas profitera, au début du <i>Roman de Lancelot</i>, de la mort des deux frères et de la passivité d'Arthur pour usurper le trône de leurs héritiers encore enfants. Informé depuis longtemps de la trahison de Claudas, Merlin en a prévenu Blaise et Léonce de Palerne avant même qu'Arthur ait vaincu les Saxons. L'assurance et l'omniscience du prophète garantissent ainsi la cohérence de la politique d'Arthur et la défense de ses terres et de celles de ses alliés.

Merlin quitta Léonce le seigneur de Palerne après lui avoir annoncé la venue de Ponce Antoine et Frolle d'Allemagne, accompagnés de quarante mille hommes avec tout leur équipage, ainsi que de Claudas de la Déserte qui en avait vingt mille. Léonce convoqua alors ses hommes de tous les coins du pays et en réunit dix mille du royaume de Bénoïc. Pharien fit de même dans le royaume de Gaunes et en rassembla bien dix mille. Quand ils eurent accompli cela, Pharien et tous ses hommes et Léonce et sa grande armée se retirèrent à Bénoïc. Ils attendirent là jusqu'à ce qu'arrive la nouvelle que leurs ennemis mettaient le feu dans tout le pays, ce dont Claudas de la Déserte fut fort soucieux et courroucé.

 

Fol. 250 : Dans l'initiale historiée, des chevaliers viennent défendre une cité du royaume de Bénoïc que des soldats ennemis sont en train d'incendier
 


Les barons rebelles se séparant après la défaite

Fol. 272v : Les barons rebelles se séparent après leur défaite contre les Saxons
 

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La défaite des barons rebelles
Les nouvelles des succès militaires et politiques du roi Arthur et de la désertion de leurs propres enfants apparaissent aux barons révoltés comme le signe du bien fondé du jeune roi. Tirant une leçon morale de cette histoire, ils interprètent l'échec de leur rébellion et leur défaite devant les Saxons, non seulement comme une faute politique mais surtout comme le châtiment de leur péché. Ces remords permettent de préparer et d'anticiper la réconciliation qui a lieu lors de la coalition des princes chrétiens contre les Saxons.

Quand les douze princes eurent été vaincus et furent rentrés chacun chez lui, une nouvelle se répandit dans le pays : le roi Arthur avait traversé la mer et adoubé les enfants du roi Lot, les deux fils du roi Urien, Galeschin le fils du roi Nantes de Garlot, Dodinel, le fils du roi Bélinant de Sorgales, Keu d'Estraus le neveu du roi Caradoc et Sagremor le neveu de l'empereur de Constantinople, ainsi que les compagnons qu'il avait amenés avec lui. La femme du roi Lot était à Logres où ses enfants l'avaient emmenée. Les jeunes gens avaient juré que son époux ne l'aurait plus en sa compagnie avant d'avoir prêté hommage au roi Arthur : qu'il sache qu'il n'aurait pas de pires ennemis qu'eux-mêmes. On apprit aussi comment le roi Arthur avait combattu le roi Claudas de la Déserte, Ponce Antoine, un conseiller de Rome, Frolle un duc d'Allemagne, et Randol, le sénéchal de Gaule, devant la cité de Trèbes. Il les avait vaincus et chassés de ses terres.

Arthur avait rendu leur royaume aux deux frères puis avait reçu la main de la fille du roi Léodegan de Carmélide et l'avait prise pour femme. Il avait vaincu le roi Rion devant la cité de Danablaise et était reparti en Carmélide pour se marier.

Les rois parlèrent entre eux de ces affaires et avouèrent en privé qu'ils avaient commis un grand péché en se fâchant avec le roi Arthur. Ils n'auraient pas subi une telle défaite s'ils n'avaient pas péché. Ils prièrent alors très humblement Dieu de les réconcilier en toute joie et tout honneur.

 

Fol. 272v : Les barons rebelles se séparent après leur défaite contre les Saxons
 


Mariage d'Arthur et Guenièvre ; Chevaliers s'exerçant à la quintaine

Fol. 273 : L'archevêque Debrice célèbre le mariage d'Arthur et de Guenièvre

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Mariage d'Arthur et Guenièvre
Les noces sont perturbées par l'épisode de la Fausse Guenièvre : par jalousie, on tente de substituer à la véritable princesse une autre Guenièvre, la fille bâtarde de Léodegan et de la femme de son sénéchal Cléodalis. Le complot échoue grâce à l'intervention de Merlin qui envoie Ulfin et Bretel secourir Guenièvre. Dans le roman de Lancelot cependant, la Fausse Guenièvre réapparaît pour porte plainte contre la reine devant la cour d'Arthur qui va jusqu'à répudier sa femme au profit de cette usurpatrice.
À l'issue des noces a lieu un tournoi qui n'est pas non plus dépourvu de tensions : les joutes exacerbent la rivalité entre les neveux d'Arthur, jeunes chevaliers nouvellement adoubés, et les compagnons de la Table ronde, qui ne voient pas sans jalousie la montée de cette nouvelle garde. Celle-ci, sous l'impulsion de Gauvain, va bientôt former la compagnie des "chevaliers de la Reine".

 

Le roi Léodegan fit habiller sa fille si richement que jamais on ne vit de princesse si bien parée. Elle était d'une telle beauté que tout le monde la regardait avec admiration, tous ceux qui la connaissaient la trouvaient plus grande et plus accomplie. Le roi Ban et le roi Bohort la prirent chacun par la main et l'emmenèrent à l'église Saint Etienne où se trouvait une très grande assemblée de nobles seigneurs pour l'escorter. Ils se tenaient tous par la main deux par deux et la foule les regardait avec émerveillement. Les deux personnes qui menaient le cortège étaient le roi Arthur et le roi [Léodagan]. Ensuite venait messire Gauvain et messire Yvain puis Galeschin et Agravain, Dodinel et Guerehet, Sagremor et Gaheriet, Yvain le Bâtard et Keu d'Estraus puis Keu le sénéchal et son père Antor. Après eux vint le roi Ban et le roi Bohort qui menaient la demoiselle. Celle-ci ne portait pas de manteau et qui avait la plus belle coiffe qu'aucune femme n'ait jamais portée. Elle avait sur la tête une coiffe de l'or le plus fin et portait une longue robe tissée d'or pourvue d'une traîne qui mesurait plus d'une demi-toise. Elle lui allait si bien que tout le monde s'émerveillait de sa grande beauté. [...]

Quand ils arrivèrent à l'église, ils trouvèrent l'archevêque Debrice de la terre de Logres et monseigneur Amistant, le bon chapelain du roi Léodegan. Il bénit et maria le roi Arthur et Guenièvre. Le bon archevêque dit la messe et les rois et les princes firent de somptueuses offrandes. Quand le service fut terminé, ils rentrèrent au palais. Il y eut alors un grand cortège de ménestrels divers. Que pourrais-je vous dire de plus ? On y fit toutes les réjouissances possibles. Et après cela, on fit dresser les tables pour le repas. Les barons s'assirent les uns à côté des autres, selon les règles, et ils furent servis comme il se doit aux noces d'un roi. Et personne sur terre ne pourrait énumérer tous les présents qui furent offerts. Après manger, quand les nappes furent ôtées, les barons firent dresser la quintaine dans les prés devant le palais.

Les nouveaux chevaliers allèrent jouter avec les quarante guerriers qui étaient allés à Carohaise avec le roi Arthur puis les compagnons de la Table ronde les rejoignirent et commencèrent à bien les malmener, par jeu, en bons chevaliers qu'ils étaient.

 

Fol. 273 : L'archevêque Debrice célèbre le mariage d'Arthur et de Guenièvre


Les barons rebelles se séparant après la défaite

Fol. 272v : Les barons rebelles se séparent après leur défaite contre les Saxons
 

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La défaite des barons rebelles
Les nouvelles des succès militaires et politiques du roi Arthur et de la désertion de leurs propres enfants apparaissent aux barons révoltés comme le signe du bien fondé du jeune roi. Tirant une leçon morale de cette histoire, ils interprètent l'échec de leur rébellion et leur défaite devant les Saxons, non seulement comme une faute politique mais surtout comme le châtiment de leur péché. Ces remords permettent de préparer et d'anticiper la réconciliation qui a lieu lors de la coalition des princes chrétiens contre les Saxons.

Quand les douze princes eurent été vaincus et furent rentrés chacun chez lui, une nouvelle se répandit dans le pays : le roi Arthur avait traversé la mer et adoubé les enfants du roi Lot, les deux fils du roi Urien, Galeschin le fils du roi Nantes de Garlot, Dodinel, le fils du roi Bélinant de Sorgales, Keu d'Estraus le neveu du roi Caradoc et Sagremor le neveu de l'empereur de Constantinople, ainsi que les compagnons qu'il avait amenés avec lui. La femme du roi Lot était à Logres où ses enfants l'avaient emmenée. Les jeunes gens avaient juré que son époux ne l'aurait plus en sa compagnie avant d'avoir prêté hommage au roi Arthur : qu'il sache qu'il n'aurait pas de pires ennemis qu'eux-mêmes. On apprit aussi comment le roi Arthur avait combattu le roi Claudas de la Déserte, Ponce Antoine, un conseiller de Rome, Frolle un duc d'Allemagne, et Randol, le sénéchal de Gaule, devant la cité de Trèbes. Il les avait vaincus et chassés de ses terres.

Arthur avait rendu leur royaume aux deux frères puis avait reçu la main de la fille du roi Léodegan de Carmélide et l'avait prise pour femme. Il avait vaincu le roi Rion devant la cité de Danablaise et était reparti en Carmélide pour se marier.

Les rois parlèrent entre eux de ces affaires et avouèrent en privé qu'ils avaient commis un grand péché en se fâchant avec le roi Arthur. Ils n'auraient pas subi une telle défaite s'ils n'avaient pas péché. Ils prièrent alors très humblement Dieu de les réconcilier en toute joie et tout honneur.

 

Fol. 272v : Les barons rebelles se séparent après leur défaite contre les Saxons
 


Mariage d'Arthur et Guenièvre ; Chevaliers s'exerçant à la quintaine

Fol. 273 : L'archevêque Debrice célèbre le mariage d'Arthur et de Guenièvre

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Mariage d'Arthur et Guenièvre
Les noces sont perturbées par l'épisode de la Fausse Guenièvre : par jalousie, on tente de substituer à la véritable princesse une autre Guenièvre, la fille bâtarde de Léodegan et de la femme de son sénéchal Cléodalis. Le complot échoue grâce à l'intervention de Merlin qui envoie Ulfin et Bretel secourir Guenièvre. Dans le roman de Lancelot cependant, la Fausse Guenièvre réapparaît pour porte plainte contre la reine devant la cour d'Arthur qui va jusqu'à répudier sa femme au profit de cette usurpatrice.
À l'issue des noces a lieu un tournoi qui n'est pas non plus dépourvu de tensions : les joutes exacerbent la rivalité entre les neveux d'Arthur, jeunes chevaliers nouvellement adoubés, et les compagnons de la Table ronde, qui ne voient pas sans jalousie la montée de cette nouvelle garde. Celle-ci, sous l'impulsion de Gauvain, va bientôt former la compagnie des "chevaliers de la Reine".

 

Le roi Léodegan fit habiller sa fille si richement que jamais on ne vit de princesse si bien parée. Elle était d'une telle beauté que tout le monde la regardait avec admiration, tous ceux qui la connaissaient la trouvaient plus grande et plus accomplie. Le roi Ban et le roi Bohort la prirent chacun par la main et l'emmenèrent à l'église Saint Etienne où se trouvait une très grande assemblée de nobles seigneurs pour l'escorter. Ils se tenaient tous par la main deux par deux et la foule les regardait avec émerveillement. Les deux personnes qui menaient le cortège étaient le roi Arthur et le roi [Léodagan]. Ensuite venait messire Gauvain et messire Yvain puis Galeschin et Agravain, Dodinel et Guerehet, Sagremor et Gaheriet, Yvain le Bâtard et Keu d'Estraus puis Keu le sénéchal et son père Antor. Après eux vint le roi Ban et le roi Bohort qui menaient la demoiselle. Celle-ci ne portait pas de manteau et qui avait la plus belle coiffe qu'aucune femme n'ait jamais portée. Elle avait sur la tête une coiffe de l'or le plus fin et portait une longue robe tissée d'or pourvue d'une traîne qui mesurait plus d'une demi-toise. Elle lui allait si bien que tout le monde s'émerveillait de sa grande beauté. [...]

Quand ils arrivèrent à l'église, ils trouvèrent l'archevêque Debrice de la terre de Logres et monseigneur Amistant, le bon chapelain du roi Léodegan. Il bénit et maria le roi Arthur et Guenièvre. Le bon archevêque dit la messe et les rois et les princes firent de somptueuses offrandes. Quand le service fut terminé, ils rentrèrent au palais. Il y eut alors un grand cortège de ménestrels divers. Que pourrais-je vous dire de plus ? On y fit toutes les réjouissances possibles. Et après cela, on fit dresser les tables pour le repas. Les barons s'assirent les uns à côté des autres, selon les règles, et ils furent servis comme il se doit aux noces d'un roi. Et personne sur terre ne pourrait énumérer tous les présents qui furent offerts. Après manger, quand les nappes furent ôtées, les barons firent dresser la quintaine dans les prés devant le palais.

Les nouveaux chevaliers allèrent jouter avec les quarante guerriers qui étaient allés à Carohaise avec le roi Arthur puis les compagnons de la Table ronde les rejoignirent et commencèrent à bien les malmener, par jeu, en bons chevaliers qu'ils étaient.

 

Fol. 273 : L'archevêque Debrice célèbre le mariage d'Arthur et de Guenièvre


Paix entre Arthur et les barons rebelles à Salesbières ; Bataille de Garlot dans la plaine de Salesbières

Fol. 314v : Merlin convainc les rois rebelles de faire la paix avec Arthur dans la plaine de Salesbières où ils ont montés leur camp

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Coalition des rois chrétiens contre les Saxons
La coalition de Salesbières refait l'unité du camp chrétien, rassemblant Arthur et ses alliés ainsi que les barons qui se sont révoltés contre lui. Cette alliance répond à la menace que représentent les Saxons du point de vue politique, militaire, territorial ainsi que religieux. Il s'agit de défendre la Sainte Eglise contre la montée en puissance des Saxons mécréants. La destruction de la menace païenne et la conversion des chefs saxons est ainsi un enjeu de cette guerre sainte aux accents épiques. L'enseigne blanche à la croix vermeille que Merlin recommande aux rois chrétiens d'arborer rappelle d'ailleurs l'emblème adopté par les croisés.

 

Quand les douze princes se furent tous rassemblés dans la plaine de Salesbières, ils allèrent tous ensemble remercier les princes étrangers d'être venus défendre cette terre contre les mécréants par amour pour Jésus-Christ. Après cela, ils se rassemblèrent tous dans la tente du roi Lot et parlèrent de choses et d'autres. Pendant qu'ils discutaient ainsi, Merlin entra dans la tente. Dès qu'on le vit s'approcher, ils s'adressèrent à lui et lui souhaitèrent la bienvenue. Merlin les confia à la bienveillance divine : "La Sainte Église sera bien défendue si vous ne ménagez pas vos efforts". "Nous n'épargnerons pas nos forces, répondirent les barons, parce que nous somme venus ici pour la défendre". "Sur mon âme, répondit Merlin, nous sommes en grande difficulté, mais voici que vous vous êtes rassemblés, de près et de loin, pour cette cause. Il est juste que vous mettiez fin à cette guerre funeste. Mais il faut que vous vous mettiez tous d'accord sur ce que vous voulez faire, car autrement vous ne pourrez réussir. Il serait bon que vous fassiez la paix avec messire le roi qui devrait être votre chef, vous en seriez d'autant plus craints et redoutés."

 

Fol. 314v : Merlin convainc les rois rebelles de faire la paix avec Arthur dans la plaine de Salesbières où ils ont montés leur camp
Fol. 315

Fol. 315

Fol. 315


Paix entre Arthur et les barons rebelles à Salesbières ; Bataille de Garlot dans la plaine de Salesbières

Fol. 314v : Merlin convainc les rois rebelles de faire la paix avec Arthur dans la plaine de Salesbières où ils ont montés leur camp

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Coalition des rois chrétiens contre les Saxons
La coalition de Salesbières refait l'unité du camp chrétien, rassemblant Arthur et ses alliés ainsi que les barons qui se sont révoltés contre lui. Cette alliance répond à la menace que représentent les Saxons du point de vue politique, militaire, territorial ainsi que religieux. Il s'agit de défendre la Sainte Eglise contre la montée en puissance des Saxons mécréants. La destruction de la menace païenne et la conversion des chefs saxons est ainsi un enjeu de cette guerre sainte aux accents épiques. L'enseigne blanche à la croix vermeille que Merlin recommande aux rois chrétiens d'arborer rappelle d'ailleurs l'emblème adopté par les croisés.

 

Quand les douze princes se furent tous rassemblés dans la plaine de Salesbières, ils allèrent tous ensemble remercier les princes étrangers d'être venus défendre cette terre contre les mécréants par amour pour Jésus-Christ. Après cela, ils se rassemblèrent tous dans la tente du roi Lot et parlèrent de choses et d'autres. Pendant qu'ils discutaient ainsi, Merlin entra dans la tente. Dès qu'on le vit s'approcher, ils s'adressèrent à lui et lui souhaitèrent la bienvenue. Merlin les confia à la bienveillance divine : "La Sainte Église sera bien défendue si vous ne ménagez pas vos efforts". "Nous n'épargnerons pas nos forces, répondirent les barons, parce que nous somme venus ici pour la défendre". "Sur mon âme, répondit Merlin, nous sommes en grande difficulté, mais voici que vous vous êtes rassemblés, de près et de loin, pour cette cause. Il est juste que vous mettiez fin à cette guerre funeste. Mais il faut que vous vous mettiez tous d'accord sur ce que vous voulez faire, car autrement vous ne pourrez réussir. Il serait bon que vous fassiez la paix avec messire le roi qui devrait être votre chef, vous en seriez d'autant plus craints et redoutés."

 

Fol. 314v : Merlin convainc les rois rebelles de faire la paix avec Arthur dans la plaine de Salesbières où ils ont montés leur camp
Fol. 315

Fol. 315

Fol. 315
Fol. 325v
Fol. 325v
 


Arthur à table reçoit le messager de Rion ; Messager de Rion quittant Camelot

Fol. 326 : Arthur à sa table reçoit une lettre du roi Rion qui le somme de se soumettre

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Le tribut des barbes
Le roi Rion, géant saxon descendant d'Hercule, a déjà été vaincu par Arthur qui lui a fait prendre la fuite après s'être emparé de son épée fabuleuse Marmidoise. Ce personnage mythique et particulièrement puissant, roi de la lointaine Irlande, exige un tribut barbare de ses adversaires : prendre leur barbe avec la peau pour en fourrer un manteau. Emblème de la cruauté de ce roi redoutable, le manteau de barbe qu'il arbore avec orgueil est un trophée témoignant de sa puissance politique et militaire. Il s'agit d'un motif traditionnel déjà présent dans le Tristan de Thomas.

Quand le messager [du roi Rion] eut quitté son seigneur, il chevaucha tant avec son écuyer, qu'il arriva à Camelot le jour de la mi-aôut. Il descendit de cheval sous un olivier et pénétra dans le palais. Quand Keu eut servi le premier mets devant le roi Arthur, il vit les rois et les reines qui siégeaient sous le dais principal : tous portaient couronne pour cette grande occasion. Il vit aussi le harpeur portant une couronne d'or et il fut aussi tout ébahi devant le chien qui le conduisait parmi le palais. Il demanda alors à Keu le sénéchal, responsable du service de table, lequel était le roi Arthur. Keu le lui montra aussitôt. Le chevalier, qui était très sage et savait bien parler s'avança alors devant le roi Arthur et lui dit assez haut pour que tous puissent l'entendre clairement : "Roi Arthur, je ne te salue pas car je n'en ai pas reçu l'ordre de celui qui m'envoie auprès de toi. Je te dirai cependant ce qu'il te somme de faire". [...] Il lui tendit alors sa lettre ; le roi Arthur la prit et la donna à l'archevêque Debrice qui était venu là pour écouter la discussion et qui déplia rapidement la missive puis commença à la lire à tous ceux qui étaient rassemblés là, comme vous pourrez l'entendre.

"Moi, le roi Rion, qui suis le seigneur et le chef de toutes les terres d'Occident, je fais savoir à tous ceux qui verront et liront cette lettre que j'assiège actuellement le château de Carohaise en Carmélide. J'ai avec moi en ma compagnie neuf rois et tous les hommes de leurs troupes. Je détiens les épées de tous les rois que j'ai conquis par ma bravoure : je leur ai pris leurs barbes avec la peau. Et en souvenir de mes victoires j'ai fait confectionner un manteau vermeil fourré des barbes de ces rois. Il est orné de nombreuses agrafes. Je te demande donc de m'envoyer ta barbe pour que je la mette avec celles des autres rois. Je la fixerai à mon manteau par amour pour toi car jamais ne revêtirai ce manteau tant qu'il ne sera pas garni de ta barbe. Et comme tu es plus noble et plus puissant que tous les autres, comme en témoigne ta renommée, je t'ordonne de m'envoyer ta barbe, si tu tiens à préserver la paix de ton royaume. Si tu refuses, sache en vérité que je viendrai te faire subir d'énormes ravages et que je te ferai arracher la barbe du menton".

Fol. 326 : Arthur à sa table reçoit une lettre du roi Rion qui le somme de se soumettre
Fol. 325v
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Arthur à table reçoit le messager de Rion ; Messager de Rion quittant Camelot

Fol. 326 : Arthur à sa table reçoit une lettre du roi Rion qui le somme de se soumettre

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Le tribut des barbes
Le roi Rion, géant saxon descendant d'Hercule, a déjà été vaincu par Arthur qui lui a fait prendre la fuite après s'être emparé de son épée fabuleuse Marmidoise. Ce personnage mythique et particulièrement puissant, roi de la lointaine Irlande, exige un tribut barbare de ses adversaires : prendre leur barbe avec la peau pour en fourrer un manteau. Emblème de la cruauté de ce roi redoutable, le manteau de barbe qu'il arbore avec orgueil est un trophée témoignant de sa puissance politique et militaire. Il s'agit d'un motif traditionnel déjà présent dans le Tristan de Thomas.

Quand le messager [du roi Rion] eut quitté son seigneur, il chevaucha tant avec son écuyer, qu'il arriva à Camelot le jour de la mi-aôut. Il descendit de cheval sous un olivier et pénétra dans le palais. Quand Keu eut servi le premier mets devant le roi Arthur, il vit les rois et les reines qui siégeaient sous le dais principal : tous portaient couronne pour cette grande occasion. Il vit aussi le harpeur portant une couronne d'or et il fut aussi tout ébahi devant le chien qui le conduisait parmi le palais. Il demanda alors à Keu le sénéchal, responsable du service de table, lequel était le roi Arthur. Keu le lui montra aussitôt. Le chevalier, qui était très sage et savait bien parler s'avança alors devant le roi Arthur et lui dit assez haut pour que tous puissent l'entendre clairement : "Roi Arthur, je ne te salue pas car je n'en ai pas reçu l'ordre de celui qui m'envoie auprès de toi. Je te dirai cependant ce qu'il te somme de faire". [...] Il lui tendit alors sa lettre ; le roi Arthur la prit et la donna à l'archevêque Debrice qui était venu là pour écouter la discussion et qui déplia rapidement la missive puis commença à la lire à tous ceux qui étaient rassemblés là, comme vous pourrez l'entendre.

"Moi, le roi Rion, qui suis le seigneur et le chef de toutes les terres d'Occident, je fais savoir à tous ceux qui verront et liront cette lettre que j'assiège actuellement le château de Carohaise en Carmélide. J'ai avec moi en ma compagnie neuf rois et tous les hommes de leurs troupes. Je détiens les épées de tous les rois que j'ai conquis par ma bravoure : je leur ai pris leurs barbes avec la peau. Et en souvenir de mes victoires j'ai fait confectionner un manteau vermeil fourré des barbes de ces rois. Il est orné de nombreuses agrafes. Je te demande donc de m'envoyer ta barbe pour que je la mette avec celles des autres rois. Je la fixerai à mon manteau par amour pour toi car jamais ne revêtirai ce manteau tant qu'il ne sera pas garni de ta barbe. Et comme tu es plus noble et plus puissant que tous les autres, comme en témoigne ta renommée, je t'ordonne de m'envoyer ta barbe, si tu tiens à préserver la paix de ton royaume. Si tu refuses, sache en vérité que je viendrai te faire subir d'énormes ravages et que je te ferai arracher la barbe du menton".

Fol. 326 : Arthur à sa table reçoit une lettre du roi Rion qui le somme de se soumettre


Armée de Luce, l'empereur romain ; Bataille entre Romains et Bretons

Fol. 339v : L'armée de Luce, l'empereur romain, se prépare au combat

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Arthur victorieux de l'empereur de Rome
Le succès militaire d'Arthur ne s'arrête pas avec la guerre de Gaule, mais avec sa victoire contre l'empereur romain. Dans ce conflit exacerbe les enjeux territoriaux : il ne s'agit plus seulement pour Arthur de défendre les territoires de ses vassaux, mais de manifester l'indépendance légitime de la Grande Bretagne vis-à-vis de Rome, quitte à défendre sa cause par les armes. Gauvain abat l'empereur Luce avec Escalibur, l'épée que son oncle lui a donnée. La Mort du roi Arthur offre une version différente de ce conflit : c'est le roi lui-même qui vient à bout de l'empereur, mais au cours de l'affrontement se rouvre la blessure funeste infligée par Lancelot à Gauvain.

 

L'empereur fut très attristé d'apprendre les revers que ses hommes avaient subis. Il partit fort affligé et courroucé puis il convoqua le roi de Syrie, qui s'appelait Evander, et Calidus de Rome, et leur ordonna de prendre quinze mille hommes bien armés. Ceux-ci partirent aussitôt et s'arrêtèrent en chemin, sans faire de bruit, dans un lieu superbe et très agréable auprès duquel ils étaient passés. Au matin, les gens du roi Arthur se levèrent comme on le leur avait ordonné et ils tombèrent sur la garde des romains. Les Romains se jetèrent sur eux et les attaquèrent de tous côtés. Quand les chefs bretons les virent se démener ainsi, ils se divisèrent en quatre troupes. Il y eut Cador et sa compagnie, les hommes de Cornouailles, Bedoyer et Richier qui firent un corps de troupes avec leurs hommes, Berthelot et ceux de Galnoie. Quand le roi Evader vit qu'il perdait des hommes et que leurs forces diminuaient, ils s'engagèrent dans une grande et merveilleuse bataille. Les Bretons étaient en bien mauvaise passe, mais ils se mirent à accomplir des prouesses. Les Romains en furent si ébahis et si épouvantés qu'ils prirent la fuite vers leur campement. Les Bretons les pourchassèrent sans pitié. Au cours de cette poursuite, le roi Evander, Cadelos et plus de deux mille de leurs hommes furent tués. Cléodalis revint alors avec sa compagnie auprès du roi Arthur, ils lui racontèrent ce qui leur était arrivé et lui dirent que s'il combattait les Romains, il les vaincrait.

 

Fol. 339v : L'armée de Luce, l'empereur romain, se prépare au combat


Armée de l'empereur Luce en déroute

Fol. 340 : Entouré de ses hommes à cheval, l'empereur Luce apprend les déboires de son armée
 

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Des victoires politiques et militaires
La guerre joue un rôle déterminant dans l'Histoire de Merlin qui montre les débuts du règne d'Arthur comme une succession de victoires politiques et militaires. Arthur y apparaît comme un véritable chef de guerre, ce qui explique la dimension épique du texte. L'énumération des corps de bataille fait ainsi partie des motifs des chansons de geste. Dans le Roman de Lancelot et la Quête du Saint Graal, les aventures chevaleresques prendront le pas sur ces entreprises guerrières. Si la Mort du roi Arthur renoue avec ces affrontements de grande ampleur, l'investissement militaire du roi ne pourra conjurer l'effondrement du royaume arthurien.

L'empereur fut très affecté d'apprendre cette défaite. Le roi Arthur fit armer ses compagnons pour qu'ils puissent riposter rapidement en cas d'attaque des Romains.

Le roi Arthur posta dans un bois plus de six mille chevaliers et confia leur direction au comte de Gloucester. Le roi leur ordonna de ne pas se montrer avant que le besoin ne s'en fasse sentir. D'un autre côté, il rassembla tous ses hommes qu'il regroupa en bataillons de cinq mille cinq cent soldats. Le roi Aguisant fut à la tête du premier. Le duc Escan de Cambénic et Belehis le roi des Danois conduisirent le second. Le roi Lot d'Orcanie en dirigea un autre, et [Tradelinant] qui était un roi très puissant mena le quatrième de ces bataillons. Après ces quatre troupes, il y en eut quatre autres très bien équipées. Le roi Urien conduit la première, accompagné de son fils messire Yvain, le roi des Cent Chevaliers et le roi Nantes la seconde, le roi Bohort la troisième et le roi Ban la quatrième. Quand le roi Arthur eut ainsi réparti ses hommes dans ces bataillons, il dit à ses barons : "Nous verrons bien, seigneurs, ce que vous êtes capables d'accomplir". Les princes lui répondirent aussitôt qu'ils préfèreraient mourir plutôt que de ne pas remporter l'honneur de la victoire.

 

Fol. 340 : Entouré de ses hommes à cheval, l'empereur Luce apprend les déboires de son armée
 


Armée de Luce, l'empereur romain ; Bataille entre Romains et Bretons

Fol. 339v : L'armée de Luce, l'empereur romain, se prépare au combat

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Arthur victorieux de l'empereur de Rome
Le succès militaire d'Arthur ne s'arrête pas avec la guerre de Gaule, mais avec sa victoire contre l'empereur romain. Dans ce conflit exacerbe les enjeux territoriaux : il ne s'agit plus seulement pour Arthur de défendre les territoires de ses vassaux, mais de manifester l'indépendance légitime de la Grande Bretagne vis-à-vis de Rome, quitte à défendre sa cause par les armes. Gauvain abat l'empereur Luce avec Escalibur, l'épée que son oncle lui a donnée. La Mort du roi Arthur offre une version différente de ce conflit : c'est le roi lui-même qui vient à bout de l'empereur, mais au cours de l'affrontement se rouvre la blessure funeste infligée par Lancelot à Gauvain.

 

L'empereur fut très attristé d'apprendre les revers que ses hommes avaient subis. Il partit fort affligé et courroucé puis il convoqua le roi de Syrie, qui s'appelait Evander, et Calidus de Rome, et leur ordonna de prendre quinze mille hommes bien armés. Ceux-ci partirent aussitôt et s'arrêtèrent en chemin, sans faire de bruit, dans un lieu superbe et très agréable auprès duquel ils étaient passés. Au matin, les gens du roi Arthur se levèrent comme on le leur avait ordonné et ils tombèrent sur la garde des romains. Les Romains se jetèrent sur eux et les attaquèrent de tous côtés. Quand les chefs bretons les virent se démener ainsi, ils se divisèrent en quatre troupes. Il y eut Cador et sa compagnie, les hommes de Cornouailles, Bedoyer et Richier qui firent un corps de troupes avec leurs hommes, Berthelot et ceux de Galnoie. Quand le roi Evader vit qu'il perdait des hommes et que leurs forces diminuaient, ils s'engagèrent dans une grande et merveilleuse bataille. Les Bretons étaient en bien mauvaise passe, mais ils se mirent à accomplir des prouesses. Les Romains en furent si ébahis et si épouvantés qu'ils prirent la fuite vers leur campement. Les Bretons les pourchassèrent sans pitié. Au cours de cette poursuite, le roi Evander, Cadelos et plus de deux mille de leurs hommes furent tués. Cléodalis revint alors avec sa compagnie auprès du roi Arthur, ils lui racontèrent ce qui leur était arrivé et lui dirent que s'il combattait les Romains, il les vaincrait.

 

Fol. 339v : L'armée de Luce, l'empereur romain, se prépare au combat


Armée de l'empereur Luce en déroute

Fol. 340 : Entouré de ses hommes à cheval, l'empereur Luce apprend les déboires de son armée
 

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Des victoires politiques et militaires
La guerre joue un rôle déterminant dans l'Histoire de Merlin qui montre les débuts du règne d'Arthur comme une succession de victoires politiques et militaires. Arthur y apparaît comme un véritable chef de guerre, ce qui explique la dimension épique du texte. L'énumération des corps de bataille fait ainsi partie des motifs des chansons de geste. Dans le Roman de Lancelot et la Quête du Saint Graal, les aventures chevaleresques prendront le pas sur ces entreprises guerrières. Si la Mort du roi Arthur renoue avec ces affrontements de grande ampleur, l'investissement militaire du roi ne pourra conjurer l'effondrement du royaume arthurien.

L'empereur fut très affecté d'apprendre cette défaite. Le roi Arthur fit armer ses compagnons pour qu'ils puissent riposter rapidement en cas d'attaque des Romains.

Le roi Arthur posta dans un bois plus de six mille chevaliers et confia leur direction au comte de Gloucester. Le roi leur ordonna de ne pas se montrer avant que le besoin ne s'en fasse sentir. D'un autre côté, il rassembla tous ses hommes qu'il regroupa en bataillons de cinq mille cinq cent soldats. Le roi Aguisant fut à la tête du premier. Le duc Escan de Cambénic et Belehis le roi des Danois conduisirent le second. Le roi Lot d'Orcanie en dirigea un autre, et [Tradelinant] qui était un roi très puissant mena le quatrième de ces bataillons. Après ces quatre troupes, il y en eut quatre autres très bien équipées. Le roi Urien conduit la première, accompagné de son fils messire Yvain, le roi des Cent Chevaliers et le roi Nantes la seconde, le roi Bohort la troisième et le roi Ban la quatrième. Quand le roi Arthur eut ainsi réparti ses hommes dans ces bataillons, il dit à ses barons : "Nous verrons bien, seigneurs, ce que vous êtes capables d'accomplir". Les princes lui répondirent aussitôt qu'ils préfèreraient mourir plutôt que de ne pas remporter l'honneur de la victoire.

 

Fol. 340 : Entouré de ses hommes à cheval, l'empereur Luce apprend les déboires de son armée
 


Arthur et Gauvain ; Chevaliers cherchant Merlin

Fol. 347v : Arthur discute avec Gauvain et ses compagnons de la disparition de Merli

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En quête de Merlin
Le dispositif des quêtes et des aventures chevaleresques se met en place à la fin du roman, après que les guerres du jeune roi ont permis d'assurer ses possessions territoriales et d'instaurer la paix. Les chevaliers d'Arthur se mettent en quête de Merlin, mais Gauvain sera le seul à pouvoir rencontrer le magicien qui, déjà invisible, lui parle pour la dernière fois : il lui expose sa situation – Viviane le retient prisonnier à jamais dans un château d'air – et le charge de porter ses adieux à Arthur. Il existe plusieurs versions de la disparition de Merlin et de sa relation avec Viviane. Alors qu'ici l'enchanteur semble consentir à cette retraite paisible en compagnie de son amante, dans le Roman de Lancelot, le personnage, présenté comme luxurieux, est enfermé dans une tombe par la demoiselle du Lac, qui repousse ses avances et profite de son savoir magique pour se débarrasser de lui.

 

Quand Merlin eut quitté le roi Arthur après lui avoir révélé que c'était la dernière fois qu'il le voyait, le roi Arthur demeura tout triste et étonné. Il réfléchit à ces paroles et continua d'attendre Merlin pendant plus de sept semaines. Quand il vit que Merlin en reviendrait plus, il en fut extrêmement troublé et affligé. Messire Gauvain lui demanda un jour ce qu'il avait. "Beau neveu, répondit le roi, je suis pensif car je pense avoir perdu Merlin. J'ai peur qu'il ne revienne jamais car il s'est absenté plus longtemps qu'il ne l'a jamais fait, et je redoute les paroles qu'il m'a dites à son départ : il m'a prévenu que je le voyais pour la dernière fois. J'ai peur qu'il n'ait dit la vérité, car à vrai dire, il ne m'a jamais menti. Que Dieu ait pitié de moi, car je préfèrerais avoir perdu la cité de Logres. J'aimerais vraiment savoir si personne ne peut le trouver nulle part. Je vous demande donc de le chercher jusqu'à ce que vous appreniez la vérité, aussi bien par amour pour lui que pour moi". "Sire, répondit messire Gauvain, je suis prêt à faire votre volonté. Je vais immédiatement me mettre en route sous vos yeux et je vous jure par le serment que je vous fis le jour où vous m'avez adoubé chevalier que je le chercherai pendant un an et un jour afin d'avoir des nouvelles sûres de lui". Messire Yvain, Sagremor, Agravain, Guerehet et Gaheriet ainsi que vingt cinq chevaliers de leur compagnie firent la même promesse.

 

Fol. 347v : Arthur discute avec Gauvain et ses compagnons de la disparition de Merli


Enadain défendant Bianne contre Tradelinant ; Tradelinant vaincu remettant son épée au roi Arthur

Fol. 348 : Le chevalier nain Enadain défend son amie Bianne contre Tradelinant qu'il jette à terre
 

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Premières aventures à la cour d'Arthur
En dépit de son apparence grotesque, Enadain le chevalier nain se montre particulièrement brave et apte à défendre son amie Bianne. Ce personnage au potentiel comique et grotesque, qui suscite la risée de la cour se révèle pourtant d'un comportement héroïque et d'une fidélité exemplaire envers son amie. Il abat ainsi Tradelinant, un chevalier présomptueux qui croit pouvoir enlever sans encombre la demoiselle dont il est amoureux. Mais après avoir été vaincu par son adversaire, Tradelinant doit se rendre à la cour d'Arthur pour s'y constituer son prisonnier et il explique au roi l'identité du chevalier nain. Celui-ci sera bientôt délivré de l'enchantement qui pèse sur lui.

Tradelinant dit au roi Arthur : "Sire, c'est par loyauté et pour acquitter ma promesse que je suis venu me mettre à ta merci, accablé de honte et de vergogne par la plus méprisable créature du monde qui m'a pourtant vaincu par les armes [...]. J'aime une demoiselle qui est aussi belle que noble et n'a pas de pareille au monde. Elle est de haut lignage, c'est une fille de roi. Si vous voulez connaître son nom, c'est la belle Bianne, la fille du roi Clamadon qui est très riche et très puissant. Mais je n'ai jamais pu la convaincre de m'accorder son amour. Je l'aurais pourtant prise pour femme avec le consentement de son père qui se serait réjoui de cette union car je suis de haut lignage et fils de roi et de reine. Mais la demoiselle s'y refusa toujours à cause de la plus misérable créature qu'une femme ait jamais engendrée. L'autre soir, alors que je chevauchais au milieu d'une lande, tout seul et en armes, il m'advint de rencontrer ma demoiselle qui quittait votre court, conduite par le nain chevalier difforme dont elle est l'amie. Quand je la vis venir avec une si petite escorte, j'en conçus une très grande joie : je bénis Dieu de m'avoir emmené en cet endroit car je pensais pouvoir la prendre sans aucune opposition.

Mais le nain qui la conduisait me dit que j'allais trop vite : on n'avait pas besoin de moi et il en irait autrement que je ne pensais. C'était une folie de me détourner de mon chemin. Or je croyais pouvoir satisfaire mon désir sans résistance. Je lui dis que j'accomplirais sans faute ma volonté. Je m'élançai alors au galop vers la demoiselle car je voulais la prendre avec moi et l'emmener sur le cou de mon destrier jusqu'à une des mes forteresse qui n'était guère éloignée. Mais quand le nain vit que je m'étais ainsi approché, il chargea contre moi en me visant avec sa lance. Je ne voulais pas jouter à la lance contre lui, car cela me sembla honteux et dégradant je ne voulus pas le frapper, mais lui me porta un rude coup qui me jeta à terre. Au cours de cette chute, je me démontais l'épaule gauche, et je m'évanouis de douleur. Il délaça mon heaume et m'aurait coupé la tête si je ne lui avais pas promis de me rendre à votre cour comme son prisonnier".

"Certes, mon bel ami, dit le roi, il vous a mis en une bonne prison, celui qui vous a envoyé auprès de moi. Mais dites moi, de qui ce chevalier nain est-il le fils ?". "Sire, répondit le chevalier, c'est le fils du roi Brangoire de la terre d'Estrangoire qui est un très haut personnage, riche en amis en loyal envers Dieu".

 

Fol. 348 : Le chevalier nain Enadain défend son amie Bianne contre Tradelinant qu'il jette à terre
 


Arthur et Gauvain ; Chevaliers cherchant Merlin

Fol. 347v : Arthur discute avec Gauvain et ses compagnons de la disparition de Merli

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En quête de Merlin
Le dispositif des quêtes et des aventures chevaleresques se met en place à la fin du roman, après que les guerres du jeune roi ont permis d'assurer ses possessions territoriales et d'instaurer la paix. Les chevaliers d'Arthur se mettent en quête de Merlin, mais Gauvain sera le seul à pouvoir rencontrer le magicien qui, déjà invisible, lui parle pour la dernière fois : il lui expose sa situation – Viviane le retient prisonnier à jamais dans un château d'air – et le charge de porter ses adieux à Arthur. Il existe plusieurs versions de la disparition de Merlin et de sa relation avec Viviane. Alors qu'ici l'enchanteur semble consentir à cette retraite paisible en compagnie de son amante, dans le Roman de Lancelot, le personnage, présenté comme luxurieux, est enfermé dans une tombe par la demoiselle du Lac, qui repousse ses avances et profite de son savoir magique pour se débarrasser de lui.

 

Quand Merlin eut quitté le roi Arthur après lui avoir révélé que c'était la dernière fois qu'il le voyait, le roi Arthur demeura tout triste et étonné. Il réfléchit à ces paroles et continua d'attendre Merlin pendant plus de sept semaines. Quand il vit que Merlin en reviendrait plus, il en fut extrêmement troublé et affligé. Messire Gauvain lui demanda un jour ce qu'il avait. "Beau neveu, répondit le roi, je suis pensif car je pense avoir perdu Merlin. J'ai peur qu'il ne revienne jamais car il s'est absenté plus longtemps qu'il ne l'a jamais fait, et je redoute les paroles qu'il m'a dites à son départ : il m'a prévenu que je le voyais pour la dernière fois. J'ai peur qu'il n'ait dit la vérité, car à vrai dire, il ne m'a jamais menti. Que Dieu ait pitié de moi, car je préfèrerais avoir perdu la cité de Logres. J'aimerais vraiment savoir si personne ne peut le trouver nulle part. Je vous demande donc de le chercher jusqu'à ce que vous appreniez la vérité, aussi bien par amour pour lui que pour moi". "Sire, répondit messire Gauvain, je suis prêt à faire votre volonté. Je vais immédiatement me mettre en route sous vos yeux et je vous jure par le serment que je vous fis le jour où vous m'avez adoubé chevalier que je le chercherai pendant un an et un jour afin d'avoir des nouvelles sûres de lui". Messire Yvain, Sagremor, Agravain, Guerehet et Gaheriet ainsi que vingt cinq chevaliers de leur compagnie firent la même promesse.

 

Fol. 347v : Arthur discute avec Gauvain et ses compagnons de la disparition de Merli


Enadain défendant Bianne contre Tradelinant ; Tradelinant vaincu remettant son épée au roi Arthur

Fol. 348 : Le chevalier nain Enadain défend son amie Bianne contre Tradelinant qu'il jette à terre
 

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Premières aventures à la cour d'Arthur
En dépit de son apparence grotesque, Enadain le chevalier nain se montre particulièrement brave et apte à défendre son amie Bianne. Ce personnage au potentiel comique et grotesque, qui suscite la risée de la cour se révèle pourtant d'un comportement héroïque et d'une fidélité exemplaire envers son amie. Il abat ainsi Tradelinant, un chevalier présomptueux qui croit pouvoir enlever sans encombre la demoiselle dont il est amoureux. Mais après avoir été vaincu par son adversaire, Tradelinant doit se rendre à la cour d'Arthur pour s'y constituer son prisonnier et il explique au roi l'identité du chevalier nain. Celui-ci sera bientôt délivré de l'enchantement qui pèse sur lui.

Tradelinant dit au roi Arthur : "Sire, c'est par loyauté et pour acquitter ma promesse que je suis venu me mettre à ta merci, accablé de honte et de vergogne par la plus méprisable créature du monde qui m'a pourtant vaincu par les armes [...]. J'aime une demoiselle qui est aussi belle que noble et n'a pas de pareille au monde. Elle est de haut lignage, c'est une fille de roi. Si vous voulez connaître son nom, c'est la belle Bianne, la fille du roi Clamadon qui est très riche et très puissant. Mais je n'ai jamais pu la convaincre de m'accorder son amour. Je l'aurais pourtant prise pour femme avec le consentement de son père qui se serait réjoui de cette union car je suis de haut lignage et fils de roi et de reine. Mais la demoiselle s'y refusa toujours à cause de la plus misérable créature qu'une femme ait jamais engendrée. L'autre soir, alors que je chevauchais au milieu d'une lande, tout seul et en armes, il m'advint de rencontrer ma demoiselle qui quittait votre court, conduite par le nain chevalier difforme dont elle est l'amie. Quand je la vis venir avec une si petite escorte, j'en conçus une très grande joie : je bénis Dieu de m'avoir emmené en cet endroit car je pensais pouvoir la prendre sans aucune opposition.

Mais le nain qui la conduisait me dit que j'allais trop vite : on n'avait pas besoin de moi et il en irait autrement que je ne pensais. C'était une folie de me détourner de mon chemin. Or je croyais pouvoir satisfaire mon désir sans résistance. Je lui dis que j'accomplirais sans faute ma volonté. Je m'élançai alors au galop vers la demoiselle car je voulais la prendre avec moi et l'emmener sur le cou de mon destrier jusqu'à une des mes forteresse qui n'était guère éloignée. Mais quand le nain vit que je m'étais ainsi approché, il chargea contre moi en me visant avec sa lance. Je ne voulais pas jouter à la lance contre lui, car cela me sembla honteux et dégradant je ne voulus pas le frapper, mais lui me porta un rude coup qui me jeta à terre. Au cours de cette chute, je me démontais l'épaule gauche, et je m'évanouis de douleur. Il délaça mon heaume et m'aurait coupé la tête si je ne lui avais pas promis de me rendre à votre cour comme son prisonnier".

"Certes, mon bel ami, dit le roi, il vous a mis en une bonne prison, celui qui vous a envoyé auprès de moi. Mais dites moi, de qui ce chevalier nain est-il le fils ?". "Sire, répondit le chevalier, c'est le fils du roi Brangoire de la terre d'Estrangoire qui est un très haut personnage, riche en amis en loyal envers Dieu".

 

Fol. 348 : Le chevalier nain Enadain défend son amie Bianne contre Tradelinant qu'il jette à terre
 
Histoire de Merlin, couverture
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L'Histoire de Merlin fait le lien entre l'Histoire du Saint Graal et les aventures de Logres relatées dans le Roman de Lancelot. Prophète des rois de Bretagne, l'enchanteur prédit qu'un chevalier d'Arthur accomplira la quête du Graal.
Le roman retrace la vie de Merlin, sa naissance diabolique, sa fonction de conseiller royal, son rôle dans la conception d'Arthur et dans l'avènement du jeune roi, auprès duquel il oeuvre comme stratège politique et militaire. Peu après le mariage d'Arthur et Guenièvre, Merlin disparaît, prisonnier de celle qu'il aime. Cette histoire puise à de multiples sources, folkloriques et légendaires, mais c’est au12e siècle, avec Geoffroy de Monmouth, que Merlin prend place aux côtés des rois Bretons. Vers 1200, Robert de Boron met en forme le roman de Merlin.
Le manuscrit, dont on peut feuilleter ici un extrait, a été copié dans le nord de la France dans les années 1280-1290. De petites figures hybrides appelées « drôleries » s'animent dans les marges du texte.

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