Le globe, image du pouvoir























Posé dans la main d’un empereur, surmonté d’une croix ou décorant le château de Marly, le globe symbolise un pouvoir universel, qui s’exerce sur un monde unique, stable et ordonné.
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Sphères célestes
Le Moyen Âge adopte la tradition des sphères emboîtées et concentriques de l’univers, élaborée autour d’Eudoxe de Cnide, et relayée par Platon, puis Ptolémée : à tous, le cercle apparaît comme l’expression d’une perfection géométrique et esthétique, agrémentée de méditations sur les harmonies célestes. Cette circularité de l’espace correspond aussi à celle du temps.
Le Christianisme reprend cette double structure géométrique et métaphysique.
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Globe terrestre
La Terre, point central de la géométrie parfaite de l’univers, est décrite comme une balle ou comme un globe de forme ronde, puis, dès le début du 12e siècle, comme une sphère par Lambert de Saint-Omer.
Ses reliefs ne sont que des accidents sans conséquence que seule notre petitesse nous fait percevoir comme immenses. La perfection semble donc réservée à la partie la plus noble du monde, c’est-à-dire le ciel.
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La terre habitée
La Terre sphérique est partagée en quatre par un double anneau océanique. L’un passe par l’équateur et l’autre par les pôles, ce qui divise la Terre en quatre îles séparées par l’océan infranchissable et la zone torride. Une seule est habitée, que les grecs nommeront l’œkoumène, et les latins orbis terrae. Les trois autres parties sont le monde des Antèques au-delà de l’équateur, celui de Périéquès de l’autre côté de la zone tempérée boréale, et celui des Antipodes symétriquement opposé au notre.
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La terre habitée
La Terre habitée peut être dilatée aux dimensions de la sphère dans son entier, divisée en trois parties représentant l’Asie, l’Europe et l’Afrique, et prendre l’aspect d’un T dans un O (initiales de Orbis Terrae). Le O représente le cercle de l’océan, la hampe verticale du T la Méditerranée, l’une des barres horizontales le Don ou Tanais, limite entre l’Europe et l’Asie, et l’autre le Nil, limite entre l’Asie et l’Afrique.
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Emblème du pouvoir
Le globe est, depuis l’Antiquité, l’un des signes dont aiment se parer ceux qui revendiquent le pouvoir. Insigne de Jupiter ou d’Hercule, il accompagne aussi les personnifications de la Terre. Le globe, attribut des dieux dont le pouvoir s’étend sur le monde, devient l’emblème des empereurs païens et de leurs successeurs chrétiens.
Le Titan Atlas, gardien des colonnes des cieux et père des Hespérides, fut condamné par les dieux à porter la sphère céleste sur son dos pour avoir pris part à la révolte des Titans contre les Olympiens. Hercule eut à faire à lui pour aller chercher les pommes du jardin des Hespérides. Il persuada Atlas d’aller les cueillir pendant que lui-même, aidé d’Athéna, soutiendrait le ciel. Mais à son retour, le Titan refusa de reprendre son fardeau. Hercule demanda alors à Atlas de le soulager le temps de mettre un coussin sur sa nuque, et grâce à cette ruse, il repartit lui-même avec les pommes.
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À Rome : le globe et la victoire
Symbole du pouvoir de Rome sur le monde, les images du globe se multiplient sur les monnaies romaines au cours du 1er siècle avant J.-C., souvent accompagnées d’une couronne ou d’un sceptre. Avec César qui aspire à la divinité, ce symbole atteint une dimension universelle.
Auguste aime associer son image à celle de Jupiter, dont l’un des attributs est le globe, ainsi qu’à l’image personnifiée de la Victoire, marquant ainsi sa domination.
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À Byzance : le globe et la croix
Les successeurs chrétiens des empereurs païens remplacent l’ancienne Victoire par l’instrument de légitimation de leur nouveau pouvoir : la croix victorieuse qui sera associée aux signes traditionnels du pouvoir impérial et particulièrement au globe.
L’art orthodoxe, en faisant des empereurs les lieutenants du Seigneur sur la Terre, revisite les traditions païennes en fusionnant l’art impérial et l’art chrétien.
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Le globe crucifère des Carolingiens
Tandis que la sphère des empereurs romains indiquait la légitimité de leur pouvoir, celle des empereurs chrétiens désigne davantage le champ sur lequel il s’exerce.
Au moment où les princes d’Orient affirment l’universalité et la sacralité de leur pouvoir, Charlemagne semble se fonder sur une autre conception de l’empire : est empereur celui qui règne sur plusieurs peuples. Il se veut un nouveau Salomon, un roi philosophe, un modèle de justice.
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Les successeurs de Charlemagne
L’image du souverain le globe à la main recevant l’hommage des nations devient un élément fondamental de l’iconographie officielle des souverains du Saint-Empire romain germanique. Sur les sceaux, signes de leur puissance, ils sont représentés en majesté, un globe le plus souvent dans la main gauche.
En France, Charles V de Valois commande à Hennequin un sceptre sur lequel on peut voir Charlemagne trôner avec un globe dans la main gauche.
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Le règne de Dieu sur les sphères du monde
Le pouvoir que les empereurs exercent sur le monde leur vient directement de Dieu, empereur céleste, souvent représenté en Pantocrator, créateur régnant sur toutes les sphères du monde. Roi de la cour céleste, il siège parfois au centre d’une mandorle d’or, un globe surmonté d’une croix à la main, entouré de cercles d’anges et de saints.
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Le père et le fils
Le globe dans la main du Père représente l’univers sur lequel il exerce sa toute-puissance.
En revanche, dans la main du Christ, il évoque davantage la Terre où celui-ci s’est incarné, où il est mort et ressuscité. L’accent est mis sur son rôle de sauveur du monde. Le premier sera donc le créateur, l’artisan de toutes choses, le deuxième le sauveur.
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Le Grand Architecte
Afin de souligner la perfection de ce monde créé « en ordre, poids et mesure », le créateur, architecte du monde, est souvent représenté un compas à la main, car le globe demeure l’image d’une certaine aspiration à l’unité, l’ordre et la beauté.
La toute-puissance divine est elle-même appréhendée comme « une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part ».
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La symbolique royale française
Le roi de France se distingue au Moyen Âge en excluant de ses attributs le globe, l’épée et la croix pour leur préférer le sceptre, parfois réduit à une fleur de lis ou remplacé par une main de justice. Mais le globe réapparaît à la veille de la Renaissance sur un sceau de Louis XII.
Avec la découverte du Nouveau Monde, la volonté de convertir toutes les nations au Christianisme s’exacerbe.La responsabilité n’en incombe plus aux seuls empereurs mais à tous les souverains européens.
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Le pouvoir des sciences
Parallèlement, le développement des connaissances géographiques nourrit un courant de domination du monde par les sciences. À partir de la Renaissance, l’influence croissante des textes anciens au premier rang desquels la Cosmographie de Ptolémée, est renforcée par un afflux de connaissances nouvelles.
La géographie s’installe à l’ombre du pouvoir royal. La puissance du monarque devient aspiration sans limites à explorer le monde.
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L’apparition du cosmographe
À partir du règne de François Ier, une nouvelle figure apparaît entre le Prince et le Poète : celle du cosmographe. Nicolas de Nicolay devient dès 1555 « géographe et valet de chambre du roy » et André Thévet devient « cosmographe du roy » en 1560. Leur rivalité oblige à distinguer la géographie et la cosmographie, deux domaines jusque-là confondus.
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L’Hercule gaulois
La figure d’Hercule, héros grec ayant parcouru la terre jusqu’aux limites du monde connu et tenu un instant le globe céleste confié par Atlas, connaît un grand succès à la fin du règne de François Ier. Symbole du héros civilisateur, illustrant la victoire de l’éloquence et du savoir sur la force, l’Hercule gaulois finit, sous le règne d’Henri IV, par représenter le prince idéal. Ainsi Henri IV représenté en Hercule français tient un globe sur le frontispice d’un atlas de 1620.
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Le pouvoir des idées
Richelieu va encore plus loin dans la volonté d’associer pouvoir et intelligence du monde en s’appropriant la sphère céleste sur une médaille de 1631. Le revers est orné d’un globe entouré du cercle des planètes dont le mouvement est réglé par un génie. L’une des devises du Cardinal accompagne cette image : « mens sidera volvit » (l’esprit fait tourner les astres).
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La symbolique des lis
Avec Louis XIV, le globe réapparaît en force dans les attributs du roi de France. L'image du globe ayant longtemps été remplacée chez les rois de France par une fleur de lis, fleur royale, symbole du Christ-roi, déjà adoptée par les Capétiens, puis par trois fleurs de lis, symboles de la Trinité, c'est un globe fleurdelisé qui a remplacé le globe crucifère, exprimant de façon originale la vocation des rois de France à être les guides de la chrétienté.
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Faire de la France un univers
L’usage du globe fleurdelisé est associé sous Louis XIV au symbole du soleil éclairant le monde. Quelles sont en effet les limites de son royaume ?
Au moment de son sacre, l’évêque de Soissons n’a pas hésité à proposer au roi un ambitieux dessein : « Vous qui êtes choisi et donné du ciel pour porter le sceptre des Français, faisant de la France un univers et de l’univers une France ».
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Le Roi-Soleil et le monde
Placé sous les rayons du soleil royal, le globe terrestre tient une place très importante dans la symbolique du pouvoir que Louis XIV exerce sur la France et au-delà.
Le souverain est souvent représenté en Apollon et, pour marquer son ascendant, il ne tient plus le globe dans sa main mais le met sous son pied ou encore s’assoit dessus.
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Les globes à la cour de Louis XIV
Le 17e siècle est l’époque de la cartographie hollandaise, qui sous forme d’atlas et de globes, envahit les cabinets d’étude et les bibliothèques françaises.
Nicolas Sanson publie en 1658 le premier atlas du monde élaboré en France. La production de globes se développe malgré leur coût et, pour se distinguer, certains princes font l’acquisition de globes de grande taille. Les globes conçus par le vénitien Vincenzo Maria Coronelli pour Louis XIV atteignent près de 4 m de diamètre.
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L'Académie des sciences
La création en 1666 de l’Académie des sciences va donner aux rois de France un réel pouvoir sur le monde, un pouvoir scientifique.
Si, depuis 1648, l’Académie royale de peinture et de sculpture assure déjà largement le prestige du roi, les œuvres des différentes académies font plus que de servir le monarque : tout comme les batailles remportées par les armées royales, elles sont l’expression même de son pouvoir.
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Les rois et la science
Durant tout le 18e siècle, les rois restent les patrons de l’Académie des sciences et nouent des relations personnelles avec les savants. Le soutien royal permet un développement scientifique sans précédent et l’organisation de missions d’exploration comme les voyages de Maupertuis ou de Lapérouse.
« Si notre politique est la très humble servante de la politique de l’Espagne, notre Académie des sciences nous venge » dira Voltaire.
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Bibliothèque nationale de France, 2006