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Le Cœur d'amour épris

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Fol. 1 : René endormi sur son lit, Désir se tenant derrière lui
 

Fol. 1 : René endormi sur son lit, Désir se tenant derrière lui
 

Plus de détails sur la page

René d'Anjou (1409-1480)

Roi de Jérusalem et de Sicile, René d'Anjou a connu bien des déboires politiques. La postérité garde du « bon roi René » le souvenir d'un prince généreux et cultivé, doué d'un sens aigu de l'esthétisme, qui exerça un mécénat exceptionnel aussi bien dans son domaine angevin qu'en Provence. Non seulement bibliophile mais aussi écrivain, c'est en 1457 qu'il rédige Le Livre du Cœur d'Amour épris, œuvre fortement imprégnée de l'esprit des légendes arthuriennes et du Roman de la Rose par sa forme allégorique. René d'Anjou est aussi l'auteur d'un Traité des tournois, très célèbre au Moyen Âge pour avoir fixé la forme du genre.

Une nuit du mois dernier,
Tracassé, tourmenté, lassé,
Profondément pensif, je me mis au lit,
En homme las qui a soumis
Son coeur à la merci d'Amour,
Car j'use la plus grande partie de ma vie
En plaintes et en pleurs, pourchassant
Un doux accord, à la poursuite duquel
Depuis déjà longtemps n'ont pu suffire
Plus de peine et de martyre
Qu'aucun amant souffrit jamais en sa chair ;
Car mon douloureux coeur s'y consume
Si fort d'ardent désir
Qu'il ne peut connaître pire
Pour aggraver sa maladie.
Que voulez-vous que je vous dise ?
Ce qui m'arrive n'est pas croyable :
Aimable inimitié,
Douce guerre, mal savoureux,
Plaisant ennui, bien malheureux
Et repos qui fatigue tant,
Qui combat sans donner de coups
Et blesse grièvement sans plaie ouverte
Mon coeur d'une secrète évidence ;
Aussi ne sais-je que devenir,
Car Pitié tarde tant à gagner
Le coeur de ma dame à pas lents,
Qu'il n'est, crois-je sincèrement,
Plus au pouvoir
De ma pauvre vie,
Que Danger, sans raison,
Voudrait tant faire finir,
D'endurer dorénavant un tel fardeau.
Aussi ne savais-je que devenir,
La nuit dont j'ai parlé ; j'étais troublé
Au point de me voir à l'article de la mort :
Alors, à moitié en imagination,
À moitié égaré dans le sommeil,
Vision ou songe,
Il me sembla, sans mentir,
Qu'Amour me retirait le coeur du corps
Et qu'il le confiait à Désir,
Lequel parlait ainsi au coeur :
« Si de quelque manière tu désires
Obtenir Douce Merci,
Tu dois faire ton devoir
De l'acquérir par la force des armes,
De façon à vaincre
Danger, qui à grand tort défend
Contre tous les amants le fort
À l'intérieur duquel Douce Merci
Est entravée dans les liens
De Honte et de Crainte.
Viens avec moi, et tu trouveras honneur »,
Dit Désir « ne demeure pas davantage. »
Alors mon coeur part avec lui sur l'heure.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. I. vv. 1-56 pp. 89-91
 

Fol. 1 : René endormi sur son lit, Désir se tenant derrière lui
 
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Fol. 1 : René endormi sur son lit, Désir se tenant derrière lui
 

Fol. 1 : René endormi sur son lit, Désir se tenant derrière lui
 

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René d'Anjou (1409-1480)

Roi de Jérusalem et de Sicile, René d'Anjou a connu bien des déboires politiques. La postérité garde du « bon roi René » le souvenir d'un prince généreux et cultivé, doué d'un sens aigu de l'esthétisme, qui exerça un mécénat exceptionnel aussi bien dans son domaine angevin qu'en Provence. Non seulement bibliophile mais aussi écrivain, c'est en 1457 qu'il rédige Le Livre du Cœur d'Amour épris, œuvre fortement imprégnée de l'esprit des légendes arthuriennes et du Roman de la Rose par sa forme allégorique. René d'Anjou est aussi l'auteur d'un Traité des tournois, très célèbre au Moyen Âge pour avoir fixé la forme du genre.

Une nuit du mois dernier,
Tracassé, tourmenté, lassé,
Profondément pensif, je me mis au lit,
En homme las qui a soumis
Son coeur à la merci d'Amour,
Car j'use la plus grande partie de ma vie
En plaintes et en pleurs, pourchassant
Un doux accord, à la poursuite duquel
Depuis déjà longtemps n'ont pu suffire
Plus de peine et de martyre
Qu'aucun amant souffrit jamais en sa chair ;
Car mon douloureux coeur s'y consume
Si fort d'ardent désir
Qu'il ne peut connaître pire
Pour aggraver sa maladie.
Que voulez-vous que je vous dise ?
Ce qui m'arrive n'est pas croyable :
Aimable inimitié,
Douce guerre, mal savoureux,
Plaisant ennui, bien malheureux
Et repos qui fatigue tant,
Qui combat sans donner de coups
Et blesse grièvement sans plaie ouverte
Mon coeur d'une secrète évidence ;
Aussi ne sais-je que devenir,
Car Pitié tarde tant à gagner
Le coeur de ma dame à pas lents,
Qu'il n'est, crois-je sincèrement,
Plus au pouvoir
De ma pauvre vie,
Que Danger, sans raison,
Voudrait tant faire finir,
D'endurer dorénavant un tel fardeau.
Aussi ne savais-je que devenir,
La nuit dont j'ai parlé ; j'étais troublé
Au point de me voir à l'article de la mort :
Alors, à moitié en imagination,
À moitié égaré dans le sommeil,
Vision ou songe,
Il me sembla, sans mentir,
Qu'Amour me retirait le coeur du corps
Et qu'il le confiait à Désir,
Lequel parlait ainsi au coeur :
« Si de quelque manière tu désires
Obtenir Douce Merci,
Tu dois faire ton devoir
De l'acquérir par la force des armes,
De façon à vaincre
Danger, qui à grand tort défend
Contre tous les amants le fort
À l'intérieur duquel Douce Merci
Est entravée dans les liens
De Honte et de Crainte.
Viens avec moi, et tu trouveras honneur »,
Dit Désir « ne demeure pas davantage. »
Alors mon coeur part avec lui sur l'heure.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. I. vv. 1-56 pp. 89-91
 

Fol. 1 : René endormi sur son lit, Désir se tenant derrière lui
 
Fol. 4v

Fol. 4v

Fol. 4v
Fol. 5 : Cœur et Désir chevauchant, arrivent chez dame Espérance
 

Fol. 5 : Cœur et Désir chevauchant, arrivent chez dame Espérance
 

Plus de détails sur la page

Et le conte dit qu'il voyagea ainsi des journées durant sans trouver d'aventure digne d'être relatée, jusqu'à un certain jour où, à l'orée d'une grande forêt, en pays étranger, dans une contrée inconnue, en un pré fertile, sous un très beau pin, haut, vert et droit, il trouva un pavillon tendu, d'un luxe merveilleux et plaisant à voir ; notamment, il semblait avoir été réalisé dans une précieuse étoffe, car la bordure qui courait le long des gouttières était entièrement composée de perles dessinant un feuillage et rehaussée de broderie. À l'entrée de ce pavillon, plus à l'intérieur qu'à l'extérieur, sous l'auvent du pavillon, il y avait une colonne de jaspe qui devait atteindre une hauteur d'une demi-lance et être épaisse de trois pieds en chacun de ses pans ; sur laquelle colonne, de vieilles lettres gravées avec art disaient :


Ô vous tous, nobles coeurs gracieux
Qui voulez conquérir, pour valoir davantage,
La douce grâce et l'heureuse merci
Du dieu d'Amour ainsi que de votre dame,
N'accueillez nulle pensée changeante
Qui vous fasse délaisser vos premières amours.
Restez constamment loyaux sans varier ;
Pitié ne se lassera jamais à votre égard.

Tandis que le Coeur lisait cette inscription sur la colonne, appuyé sur l'arçon de sa selle, tout aussi vivement impressionné que pensif, désireux de savoir qui avait jadis fait écrire et graver ces lettres, vous auriez pu voir sortir du pavillon une dame, à l'air déjà un peu âgé, de noble allure, très luxueusement parée d'habits royaux. Elle portait un surcot et une cotte de couleur pourpre, avait les épaules couvertes d'un manteau de menu vair et la tête coiffée d'une couronne d'or. La dame saisit le Coeur par la bride si subitement qu'il ne se protégea pas. Il se mit alors à tressaillir et à changer de couleur, honteux qu'à ce moment-là une femme eût suffi à le capturer par la bride (lui qui se croyait si vaillant et si preux que pas même deux chevaliers n'eussent pu l'arrêter ainsi), pensa brocher son cheval des éperons, mais en vain : il lui fallut demeurer là, qu'il le voulût ou non, tant la dame avait fermement saisi sa bride. Voyant cela, il mit pied à terre, lui demandant et la priant de bien vouloir lui dire qui elle était et pourquoi elle l'avait ainsi arrêté.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. III. vv. 10-25 et 75-82 – Chap. IV. vv. 1-20 pp. 101-103

Fol. 5 : Cœur et Désir chevauchant, arrivent chez dame Espérance
 
Fol. 4v

Fol. 4v

Fol. 4v
Fol. 5 : Cœur et Désir chevauchant, arrivent chez dame Espérance
 

Fol. 5 : Cœur et Désir chevauchant, arrivent chez dame Espérance
 

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Et le conte dit qu'il voyagea ainsi des journées durant sans trouver d'aventure digne d'être relatée, jusqu'à un certain jour où, à l'orée d'une grande forêt, en pays étranger, dans une contrée inconnue, en un pré fertile, sous un très beau pin, haut, vert et droit, il trouva un pavillon tendu, d'un luxe merveilleux et plaisant à voir ; notamment, il semblait avoir été réalisé dans une précieuse étoffe, car la bordure qui courait le long des gouttières était entièrement composée de perles dessinant un feuillage et rehaussée de broderie. À l'entrée de ce pavillon, plus à l'intérieur qu'à l'extérieur, sous l'auvent du pavillon, il y avait une colonne de jaspe qui devait atteindre une hauteur d'une demi-lance et être épaisse de trois pieds en chacun de ses pans ; sur laquelle colonne, de vieilles lettres gravées avec art disaient :


Ô vous tous, nobles coeurs gracieux
Qui voulez conquérir, pour valoir davantage,
La douce grâce et l'heureuse merci
Du dieu d'Amour ainsi que de votre dame,
N'accueillez nulle pensée changeante
Qui vous fasse délaisser vos premières amours.
Restez constamment loyaux sans varier ;
Pitié ne se lassera jamais à votre égard.

Tandis que le Coeur lisait cette inscription sur la colonne, appuyé sur l'arçon de sa selle, tout aussi vivement impressionné que pensif, désireux de savoir qui avait jadis fait écrire et graver ces lettres, vous auriez pu voir sortir du pavillon une dame, à l'air déjà un peu âgé, de noble allure, très luxueusement parée d'habits royaux. Elle portait un surcot et une cotte de couleur pourpre, avait les épaules couvertes d'un manteau de menu vair et la tête coiffée d'une couronne d'or. La dame saisit le Coeur par la bride si subitement qu'il ne se protégea pas. Il se mit alors à tressaillir et à changer de couleur, honteux qu'à ce moment-là une femme eût suffi à le capturer par la bride (lui qui se croyait si vaillant et si preux que pas même deux chevaliers n'eussent pu l'arrêter ainsi), pensa brocher son cheval des éperons, mais en vain : il lui fallut demeurer là, qu'il le voulût ou non, tant la dame avait fermement saisi sa bride. Voyant cela, il mit pied à terre, lui demandant et la priant de bien vouloir lui dire qui elle était et pourquoi elle l'avait ainsi arrêté.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. III. vv. 10-25 et 75-82 – Chap. IV. vv. 1-20 pp. 101-103

Fol. 5 : Cœur et Désir chevauchant, arrivent chez dame Espérance
 
Fol. 12v : Cœur et Désir se désaltérant à la fontaine de Fortune
 

Fol. 12v : Cœur et Désir se désaltérant à la fontaine de Fortune
 

Plus de détails sur la page

Ils entrèrent dans la forêt (de longue attente) et engagèrent leurs chevaux dans le chemin que la vieille naine Jalousie leur avait indiqué. Ils cheminèrent tant que celui-ci les mena dans une épaisse broussaille, où des paysans avaient récemment taillé du bois et assemblé des fagots. Et s'ils eurent beaucoup de peine à progresser, eux et leurs chevaux, inutile de le demander, car la broussaille était si épaisse que les branches et les épines leur égratignèrent tout le visage et lacérèrent entièrement leurs chevaux ; ils restèrent plus de deux heures sans réussir à sortir du taillis. Toutefois ils s'affairèrent si énergiquement qu'ils trouvèrent une petite sente, toujours orientée vers la gauche comme le leur avait indiqué la vieille Jalousie, qui les mena au coeur de la forêt. Ils cheminèrent tant cette nuit, une heure ici et l'autre là, au gré de l'aventure, qu'ils arrivèrent dans une petite lande, longue et large d'environ une portée d'arc, cernée par l'épaisse forêt de toutes parts. Désir, qui allait le premier, dirigea son regard et vit, au milieu de cette lande, un tremble merveilleusement haut ; il s'achemina de ce côté-là car ce lui semblait un très bel endroit pour se reposer, et ils étaient fatigués et fourbus à l'extrême, n'ayant cessé de cheminer durant toute la journée et jusqu'au milieu de la nuit sans rien manger ni boire. Le Coeur, pensif et mélancolique, le suivait de près. Tous deux arrivèrent sous le tremble et tombèrent d'accord pour mettre pied à terre et se reposer là un moment, ainsi que pour laisser se nourrir leurs chevaux, qui en avaient grand besoin. Ils descendirent donc de leur monture à l'abri du tremble, ôtèrent la bride à leurs chevaux et les laissèrent paître l'herbe, qui était belle et drue tout autour d'eux. Le Coeur, lourdement armé, se mit un peu à son aise en découvrant sa tête et ses mains, et appuya son glaive contre le tremble ; puis ils en firent le tour pour trouver le meilleur endroit où se reposer. Ils aperçurent alors un grand perron de marbre gris-brun qu'ils pouvaient à peine distinguer en raison de l'obscurité de la nuit, qui était noire et ténébreuse. Ils s'approchèrent alors dudit perron et, en tâtonnant dessus, ils trouvèrent une coupelle de laiton attachée à une chaîne de fer. Ils s'aperçurent alors que du perron coulait une fontaine', mais ils ne pouvaient discerner si l'eau en était trouble ou claire. Nonobstant, la très ardente soif qu'ils avaient endurée ce jour-là les contraignit à boire. Et Désir, qui était le plus chaud et de plus ardente nature et complexion que le Coeur – il était enflammé comme feu –, porta le premier la main à la coupelle et puisa l'eau dans la fontaine, dont il but fort ardemment. Puis il tendit la coupelle au Coeur, qui but avidement tout son saoul et renversa ensuite la coupelle sur le perron avec rudesse, dans l'intention de répandre sur le perron ce qui restait d'eau dans la coupelle. Et le ciel, constellé d'étoiles bien que la nuit fût obscure, se couvrit immédiatement de nuées ; le tonnerre et les éclairs se déclenchèrent si horriblement qu'aucun coeur humain n'eût pu éviter d'en être grandement effrayé, et subitement il se mit à pleuvoir et à grêler si violemment qu'il semblait que tout, ciel et nuées, dût s’écrouler.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. XII. vv. 10-68 pp. 121-125

Fol. 12v : Cœur et Désir se désaltérant à la fontaine de Fortune
 
Fol. 13

Fol. 13

Fol. 13
Fol. 12v : Cœur et Désir se désaltérant à la fontaine de Fortune
 

Fol. 12v : Cœur et Désir se désaltérant à la fontaine de Fortune
 

Plus de détails sur la page

Ils entrèrent dans la forêt (de longue attente) et engagèrent leurs chevaux dans le chemin que la vieille naine Jalousie leur avait indiqué. Ils cheminèrent tant que celui-ci les mena dans une épaisse broussaille, où des paysans avaient récemment taillé du bois et assemblé des fagots. Et s'ils eurent beaucoup de peine à progresser, eux et leurs chevaux, inutile de le demander, car la broussaille était si épaisse que les branches et les épines leur égratignèrent tout le visage et lacérèrent entièrement leurs chevaux ; ils restèrent plus de deux heures sans réussir à sortir du taillis. Toutefois ils s'affairèrent si énergiquement qu'ils trouvèrent une petite sente, toujours orientée vers la gauche comme le leur avait indiqué la vieille Jalousie, qui les mena au coeur de la forêt. Ils cheminèrent tant cette nuit, une heure ici et l'autre là, au gré de l'aventure, qu'ils arrivèrent dans une petite lande, longue et large d'environ une portée d'arc, cernée par l'épaisse forêt de toutes parts. Désir, qui allait le premier, dirigea son regard et vit, au milieu de cette lande, un tremble merveilleusement haut ; il s'achemina de ce côté-là car ce lui semblait un très bel endroit pour se reposer, et ils étaient fatigués et fourbus à l'extrême, n'ayant cessé de cheminer durant toute la journée et jusqu'au milieu de la nuit sans rien manger ni boire. Le Coeur, pensif et mélancolique, le suivait de près. Tous deux arrivèrent sous le tremble et tombèrent d'accord pour mettre pied à terre et se reposer là un moment, ainsi que pour laisser se nourrir leurs chevaux, qui en avaient grand besoin. Ils descendirent donc de leur monture à l'abri du tremble, ôtèrent la bride à leurs chevaux et les laissèrent paître l'herbe, qui était belle et drue tout autour d'eux. Le Coeur, lourdement armé, se mit un peu à son aise en découvrant sa tête et ses mains, et appuya son glaive contre le tremble ; puis ils en firent le tour pour trouver le meilleur endroit où se reposer. Ils aperçurent alors un grand perron de marbre gris-brun qu'ils pouvaient à peine distinguer en raison de l'obscurité de la nuit, qui était noire et ténébreuse. Ils s'approchèrent alors dudit perron et, en tâtonnant dessus, ils trouvèrent une coupelle de laiton attachée à une chaîne de fer. Ils s'aperçurent alors que du perron coulait une fontaine', mais ils ne pouvaient discerner si l'eau en était trouble ou claire. Nonobstant, la très ardente soif qu'ils avaient endurée ce jour-là les contraignit à boire. Et Désir, qui était le plus chaud et de plus ardente nature et complexion que le Coeur – il était enflammé comme feu –, porta le premier la main à la coupelle et puisa l'eau dans la fontaine, dont il but fort ardemment. Puis il tendit la coupelle au Coeur, qui but avidement tout son saoul et renversa ensuite la coupelle sur le perron avec rudesse, dans l'intention de répandre sur le perron ce qui restait d'eau dans la coupelle. Et le ciel, constellé d'étoiles bien que la nuit fût obscure, se couvrit immédiatement de nuées ; le tonnerre et les éclairs se déclenchèrent si horriblement qu'aucun coeur humain n'eût pu éviter d'en être grandement effrayé, et subitement il se mit à pleuvoir et à grêler si violemment qu'il semblait que tout, ciel et nuées, dût s’écrouler.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. XII. vv. 10-68 pp. 121-125

Fol. 12v : Cœur et Désir se désaltérant à la fontaine de Fortune
 
Fol. 13

Fol. 13

Fol. 13
Fol. 14v

Fol. 14v

Fol. 14v
Fol. 15 : Cœur déchiffre l'inscription sur la Fontaine de Fortune tandis que Désir dort

Fol. 15 : Cœur déchiffre l'inscription sur la Fontaine de Fortune tandis que Désir dort

Plus de détails sur la page

Le Coeur s'éveilla sous l'effet de la peine et du tourment qu'il subissait en songe. Il se mit sur son séant et regarda son compagnon Désir, qui près de lui dormait aussi profondément que s'il n'eût pas dormi depuis trois jours ; aussi n'osa-t-il pas le réveiller, par pitié pour son sommeil si profond. Il baissa la tête vers le sol, réfléchissant intensément au rêve qu'il avait fait. Au bout d'un moment, il se tira de sa réflexion et vit le jour beau et clair et le soleil qui commençait à rayonner. Il se leva d'un coup et se mit à faire le tour de la fontaine et du marbre, et il vit l'eau de la fontaine, noire, hideuse, peu nette : pour rien au monde il n'en eût bu le soir précédent s'il l'avait vue comme à présent ! Et sur le perron étaient gravées et inscrites des lettres qu'il lut, lesquelles disaient ceci :


Juste sous ce perron
De marbre noir comme charbon
Coule la fontaine de Fortune,
Unique en son genre ;
Celui qui la fit concevoir et construire,
Un grand géant fourbe de caractère,
Fut seigneur de ce pays.
Jamais on ne vit homme pire
De tempérament ni de physique :
C'était une horrible créature.
Ce géant se nommait
Désespoir, partout renommé.
Il dévorait femmes et hommes,
Bétail et tout ce dont il s'emparait.
Et qui boira à la fontaine
En éprouvera ensuite une grande peine
Car elle fut fabriquée grâce à l'art ingénieux
De Virgile ou d'un sien complice ;
C'est pourquoi, lorsque quelqu'un goûtera
A cette eau et en jettera
Le restant sur ce perron,
Aussitôt l'air s'obscurcira entièrement
Car, quelque beau temps qu'il fasse,
Il devra immédiatement se dissiper.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. XV, vv. 37-50 et 303-326, pp. 131-133

Fol. 15 : Cœur déchiffre l'inscription sur la Fontaine de Fortune tandis que Désir dort
Fol. 14v

Fol. 14v

Fol. 14v
Fol. 15 : Cœur déchiffre l'inscription sur la Fontaine de Fortune tandis que Désir dort

Fol. 15 : Cœur déchiffre l'inscription sur la Fontaine de Fortune tandis que Désir dort

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Le Coeur s'éveilla sous l'effet de la peine et du tourment qu'il subissait en songe. Il se mit sur son séant et regarda son compagnon Désir, qui près de lui dormait aussi profondément que s'il n'eût pas dormi depuis trois jours ; aussi n'osa-t-il pas le réveiller, par pitié pour son sommeil si profond. Il baissa la tête vers le sol, réfléchissant intensément au rêve qu'il avait fait. Au bout d'un moment, il se tira de sa réflexion et vit le jour beau et clair et le soleil qui commençait à rayonner. Il se leva d'un coup et se mit à faire le tour de la fontaine et du marbre, et il vit l'eau de la fontaine, noire, hideuse, peu nette : pour rien au monde il n'en eût bu le soir précédent s'il l'avait vue comme à présent ! Et sur le perron étaient gravées et inscrites des lettres qu'il lut, lesquelles disaient ceci :


Juste sous ce perron
De marbre noir comme charbon
Coule la fontaine de Fortune,
Unique en son genre ;
Celui qui la fit concevoir et construire,
Un grand géant fourbe de caractère,
Fut seigneur de ce pays.
Jamais on ne vit homme pire
De tempérament ni de physique :
C'était une horrible créature.
Ce géant se nommait
Désespoir, partout renommé.
Il dévorait femmes et hommes,
Bétail et tout ce dont il s'emparait.
Et qui boira à la fontaine
En éprouvera ensuite une grande peine
Car elle fut fabriquée grâce à l'art ingénieux
De Virgile ou d'un sien complice ;
C'est pourquoi, lorsque quelqu'un goûtera
A cette eau et en jettera
Le restant sur ce perron,
Aussitôt l'air s'obscurcira entièrement
Car, quelque beau temps qu'il fasse,
Il devra immédiatement se dissiper.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. XV, vv. 37-50 et 303-326, pp. 131-133

Fol. 15 : Cœur déchiffre l'inscription sur la Fontaine de Fortune tandis que Désir dort
Fol. 18v

Fol. 18v

Fol. 18v
Fol. 19 : Cœur affronte le chevalier Souci au pont du Pas Périlleux
 

Fol. 19 : Cœur affronte le chevalier Souci au pont du Pas Périlleux
 

Plus de détails sur la page

(Le Coeur) demande tout d'abord à la vieille Mélancolie de leur indiquer et leur montrer le passage et le chemin pour traverser le fleuve, qui était extrêmement impétueux et effrayant. Mais quand elle l'entendit, elle fut très contente et s'offrit à les mener au passage, quoiqu'elle ne le fît point parce qu'elle leur voulait du bien : elle pensait bien plutôt les mener à un lieu tel qu'ils s'en repentiraient sous peu. La vieille passa donc devant et le Coeur monta à cheval ; lui et son compagnon Désir la suivaient de près et en tel arroi ils allèrent en contrebas de la rivière, la vieille Mélancolie devant et les compagnons après. Ils ne furent pas longtemps à cheminer qu'ils se regardèrent et virent devant eux en travers de la rivière un très haut pont de bois, faible, fragile, édifié de vieille date et terriblement étroit, de telle sorte qu'à peine un cheval pouvait y passer de front. La rivière était profonde et fort impétueuse, si bien que l'impétuosité de l'eau ébranlait et faisait trembler tout le pont.

Comment le Coeur et Désir trouvèrent le pont où il veut combat
De l’autre côté du pont il y avait un chevalier entièrement équipé d’armes noires, sauf que sur son écu , qui était noir, il portait trois fleurs de souci, et il montait un grand destrier tout noir, avait la tête coiffée d’un heaume surmonté d’une houppe de fleurs d’ancolie et le glaive à la main, tout prêt à jouter. Et si l'on me demandait qui était le chevalier, je dirais que c'était Souci, qui gardait ce pont contre les nobles amoureux, et ce pont était appelé le Passage Périlleux. La vieille Mélancolie montra ainsi le passage aux deux compagnons et le Coeur s'y élança tout le premier, honteux d'avoir tant tardé et craignant que son compagnon ne pensât qu'il se tenait en arrière par peur d'un seul chevalier. Aussi brocha-t-il des éperons son cheval, qui le transporta très agilement sur le pont, lequel tremblait tellement fort qu'il en fut tout ébahi, et Souci vint à lui, glaive baissé, au grand galop de son cheval, qui était bien habitué au pont. Et lorsque le Coeur le vit, il se dirigea vers lui et lui donna un si grand coup sur l'écu qu'il brisa son glaive : il voyait bien qu'il lui fallait en passer par là. Mais Souci le bouscula si rudement qu'il le fit tomber avec son cheval au milieu de la rivière car son cheval n'était pas habitué au pont comme l'était celui de Souci. Mais il eut assez de chance pour remonter à la surface de l'eau et n'être pas noyé car il fut secouru comme vous l'entendrez plus loin.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. XX, vv.23-40 – Chap. XXI, vv.1-25, pp. 143-145

Fol. 19 : Cœur affronte le chevalier Souci au pont du Pas Périlleux
 
Fol. 18v

Fol. 18v

Fol. 18v
Fol. 19 : Cœur affronte le chevalier Souci au pont du Pas Périlleux
 

Fol. 19 : Cœur affronte le chevalier Souci au pont du Pas Périlleux
 

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(Le Coeur) demande tout d'abord à la vieille Mélancolie de leur indiquer et leur montrer le passage et le chemin pour traverser le fleuve, qui était extrêmement impétueux et effrayant. Mais quand elle l'entendit, elle fut très contente et s'offrit à les mener au passage, quoiqu'elle ne le fît point parce qu'elle leur voulait du bien : elle pensait bien plutôt les mener à un lieu tel qu'ils s'en repentiraient sous peu. La vieille passa donc devant et le Coeur monta à cheval ; lui et son compagnon Désir la suivaient de près et en tel arroi ils allèrent en contrebas de la rivière, la vieille Mélancolie devant et les compagnons après. Ils ne furent pas longtemps à cheminer qu'ils se regardèrent et virent devant eux en travers de la rivière un très haut pont de bois, faible, fragile, édifié de vieille date et terriblement étroit, de telle sorte qu'à peine un cheval pouvait y passer de front. La rivière était profonde et fort impétueuse, si bien que l'impétuosité de l'eau ébranlait et faisait trembler tout le pont.

Comment le Coeur et Désir trouvèrent le pont où il veut combat
De l’autre côté du pont il y avait un chevalier entièrement équipé d’armes noires, sauf que sur son écu , qui était noir, il portait trois fleurs de souci, et il montait un grand destrier tout noir, avait la tête coiffée d’un heaume surmonté d’une houppe de fleurs d’ancolie et le glaive à la main, tout prêt à jouter. Et si l'on me demandait qui était le chevalier, je dirais que c'était Souci, qui gardait ce pont contre les nobles amoureux, et ce pont était appelé le Passage Périlleux. La vieille Mélancolie montra ainsi le passage aux deux compagnons et le Coeur s'y élança tout le premier, honteux d'avoir tant tardé et craignant que son compagnon ne pensât qu'il se tenait en arrière par peur d'un seul chevalier. Aussi brocha-t-il des éperons son cheval, qui le transporta très agilement sur le pont, lequel tremblait tellement fort qu'il en fut tout ébahi, et Souci vint à lui, glaive baissé, au grand galop de son cheval, qui était bien habitué au pont. Et lorsque le Coeur le vit, il se dirigea vers lui et lui donna un si grand coup sur l'écu qu'il brisa son glaive : il voyait bien qu'il lui fallait en passer par là. Mais Souci le bouscula si rudement qu'il le fit tomber avec son cheval au milieu de la rivière car son cheval n'était pas habitué au pont comme l'était celui de Souci. Mais il eut assez de chance pour remonter à la surface de l'eau et n'être pas noyé car il fut secouru comme vous l'entendrez plus loin.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. XX, vv.23-40 – Chap. XXI, vv.1-25, pp. 143-145

Fol. 19 : Cœur affronte le chevalier Souci au pont du Pas Périlleux
 
Fol. 21v

Fol. 21v

Fol. 21v
Fol. 22 : Dame Espérance tire le chevalier Cœur de l'eau
 

Fol. 22 : Dame Espérance tire le chevalier Cœur de l'eau
 

Fol. 22 : Dame Espérance tire le chevalier Cœur de l'eau
 
Fol. 21v

Fol. 21v

Fol. 21v
Fol. 22 : Dame Espérance tire le chevalier Cœur de l'eau
 

Fol. 22 : Dame Espérance tire le chevalier Cœur de l'eau
 

Fol. 22 : Dame Espérance tire le chevalier Cœur de l'eau
 
Fol. 34v : Désir arrive au camp d'Honneur et lui rend hommage
 

Fol. 34v : Désir arrive au camp d'Honneur et lui rend hommage
 

Fol. 34v : Désir arrive au camp d'Honneur et lui rend hommage
 
Fol. 35

Fol. 35

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Ici Désir parle à Honneur et dit « Mon très redouté seigneur,
Très haut et puissant prince Honneur,
Je vous salue et vous fais humblement révérence,
Ainsi qu'à vous, Renom et Vaillance !
Auprès de vous je m'en viens chercher du secours
Pour l'un des serviteurs d'Amour
Que dernièrement j'avais lancé,
Plein de soumission, dans la quête
De Très-douce Merci la belle,
Au sujet de qui j'ai appris une pitoyable nouvelle ;
Et il a enduré, j'ose le dire,
Un grand tourment pour acquérir une bonne réputation.
Mais après être passé par de grands périls et peines,
Par la très vile Tristesse
Il a été fourbement trahi
Et rudement emprisonné
Au tertre Dénué-de-liesse,
Où il est fort rudoyé.
Amour y perd un bon serviteur,
De même que vous, monseigneur,
Car il a entrepris la quête en toute
Générosité, à ma requête.
Qu'il vous plaise de le secourir,
Voilà ce que je viens vous demander. »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. , vv. 618-642 – pp. 189

 

Fol. 35
Fol. 34v : Désir arrive au camp d'Honneur et lui rend hommage
 

Fol. 34v : Désir arrive au camp d'Honneur et lui rend hommage
 

Fol. 34v : Désir arrive au camp d'Honneur et lui rend hommage
 
Fol. 35

Fol. 35

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Ici Désir parle à Honneur et dit « Mon très redouté seigneur,
Très haut et puissant prince Honneur,
Je vous salue et vous fais humblement révérence,
Ainsi qu'à vous, Renom et Vaillance !
Auprès de vous je m'en viens chercher du secours
Pour l'un des serviteurs d'Amour
Que dernièrement j'avais lancé,
Plein de soumission, dans la quête
De Très-douce Merci la belle,
Au sujet de qui j'ai appris une pitoyable nouvelle ;
Et il a enduré, j'ose le dire,
Un grand tourment pour acquérir une bonne réputation.
Mais après être passé par de grands périls et peines,
Par la très vile Tristesse
Il a été fourbement trahi
Et rudement emprisonné
Au tertre Dénué-de-liesse,
Où il est fort rudoyé.
Amour y perd un bon serviteur,
De même que vous, monseigneur,
Car il a entrepris la quête en toute
Générosité, à ma requête.
Qu'il vous plaise de le secourir,
Voilà ce que je viens vous demander. »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. , vv. 618-642 – pp. 189

 

Fol. 35
Fol. 57v
 

Fol. 57v
 

Fol. 57v
 
Fol. 58: Cœur, Désir et Largesse débarquent sur l'île de Compagnie et Amitié
 

Fol. 58: Cœur, Désir et Largesse débarquent sur l'île de Compagnie et Amitié
 

Plus de détails sur la page

Ici l'auteur parle et dit :
Alors les braves compagnons descendirent en premier, suivis des marinières, et Compagnie et Amitié les reçurent joyeusement et très volontiers dans leur cabane ; elles leur donnèrent à manger ce dont elles disposaient alors : à savoir, en guise de pain de voyage, du poisson grillé, qu'elles appelaient entre elles Va-lui-dire. Et le Coeur se demanda, plein d'étonnement, quel poisson ce pouvait être, car il lui semblait bien en avoir déjà vu de semblable en France et ailleurs, mais il ne s'appelait pas comme elles le nommaient. S'apercevant de ce que le Coeur s'étonnait du nom de ces poissons, Amitié lui dit doucement :

Ici parle l'une des femmes, nommée Amitié, disant
« Sachez-le donc, noble Coeur, veuillez écouter :
Ce poisson-ci, dont je vous vois goûter,
Est en vérité appelé maquereau en France ;
Il est savoureux et très bénéfique pour l'amant
Pris du mal d'aimer'. Quand il est très malade,
Il le guérit efficacement, ainsi que la salade
De douce réponse', autre agréable remède.
Pour cette raison, mangez-en beaucoup, car dans la cuisine
D'Amour pas d'autre poisson ne cuit le vendredi.
Mangez-en hardiment, car j'en ai ici à foison. »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. LXXV, vv. 1-12 et 1025-1034 – pp. 259-260

Fol. 58: Cœur, Désir et Largesse débarquent sur l'île de Compagnie et Amitié
 
Fol. 57v
 

Fol. 57v
 

Fol. 57v
 
Fol. 58: Cœur, Désir et Largesse débarquent sur l'île de Compagnie et Amitié
 

Fol. 58: Cœur, Désir et Largesse débarquent sur l'île de Compagnie et Amitié
 

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Ici l'auteur parle et dit :
Alors les braves compagnons descendirent en premier, suivis des marinières, et Compagnie et Amitié les reçurent joyeusement et très volontiers dans leur cabane ; elles leur donnèrent à manger ce dont elles disposaient alors : à savoir, en guise de pain de voyage, du poisson grillé, qu'elles appelaient entre elles Va-lui-dire. Et le Coeur se demanda, plein d'étonnement, quel poisson ce pouvait être, car il lui semblait bien en avoir déjà vu de semblable en France et ailleurs, mais il ne s'appelait pas comme elles le nommaient. S'apercevant de ce que le Coeur s'étonnait du nom de ces poissons, Amitié lui dit doucement :

Ici parle l'une des femmes, nommée Amitié, disant
« Sachez-le donc, noble Coeur, veuillez écouter :
Ce poisson-ci, dont je vous vois goûter,
Est en vérité appelé maquereau en France ;
Il est savoureux et très bénéfique pour l'amant
Pris du mal d'aimer'. Quand il est très malade,
Il le guérit efficacement, ainsi que la salade
De douce réponse', autre agréable remède.
Pour cette raison, mangez-en beaucoup, car dans la cuisine
D'Amour pas d'autre poisson ne cuit le vendredi.
Mangez-en hardiment, car j'en ai ici à foison. »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. LXXV, vv. 1-12 et 1025-1034 – pp. 259-260

Fol. 58: Cœur, Désir et Largesse débarquent sur l'île de Compagnie et Amitié
 
Fol. 90v

Fol. 90v

Fol. 90v
Fol. 91 : Cœur, Désir et Largesse visitent le cimetière d'Amour et découvrent les blasons des amants célèbres
 

Fol. 91 : Cœur, Désir et Largesse visitent le cimetière d'Amour et découvrent les blasons des amants célèbres
 

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Les blasons des amants célèbres

Dernier d'une série de vingt-huit tableaux consacrés à la visite du cimetière de l'hôpital d'Amour, celui-ci regroupe dans une même composition les armoiries de tous les personnages cités auparavant. La voussure inférieure est consacrée aux héros antiques, historiques, mythique ou littéraires : le roi David avec sa harpe et les empereurs romains aux aigles bicéphales, encadrent Hercule, Thésée, Achille, Pâris, Enée… Au milieu de ce premier registre l'écu du roi Charles VII inaugure la liste des figures contemporaines de l'auteur ou de la génération précédente. Ainsi sur la seconde voussure apparaissent de gauche à droite les blasons du poète Charles d'Orléans (1394-1465), de Charles II d'Anjou, comte du Maine et frère de René (1414-1472), de Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol (1418-1475), de Gaston IV de Foix († 1472), du Dauphin, Louis de France, futur Louis XI (1423-1483), de Charles Ier de Bourbon (1401-1456) et de Louis de Beauvau (1418-1462), sénéchal d'Anjou et de Provence. Au faîte du portail sont accrochés les écus de Philippe III le Bon, duc de Bourgogne (1396-1467), de Louis Ier d'Orléans (131371-1407), des personnages littéraires Ponthus et Lancelot du Lac, de Jean, duc de Berry (1340-1416), de Louis II de Bourbon (1337-1410) enfin de René d'Anjou, roi de Jérusalem et de Sicile (1409-1480).

 

Ici l'auteur parle et dit :
Il y avait un autre écu, jouxtant celui-ci, plus grand et plus ample. Surmonté d'une couronne d'or, il était supporté par une souche d'or peinte en trompe-l'oeil, laquelle n'avait qu'un seul surgeon vert' ; cet écu était parti en chef de trois royaumes : de Hongrie, de Sicile et de Jérusalem, et en pointe, de deux duchés, à savoir d'Anjou et de Bar. Pour Hongrie, il était fascé à huit pièces d'argent et de gueules ; pour Sicile, d'azur semé de fleurs de lys d'or au rateau de gueules ; pour Jérusalem, d'argent à la croix d'or potencée cantonnée de quatre croix d'or ; pour Anjou, d'azur semé de fleurs de lys d'or à la bordure de gueules, et pour Bar, d'azur à deux bars d'or, semé de croisettes d'or recroisetées et au pal fiché. Sous ce blason, une inscription en langue française disait ceci :

Telles sont les armes de René, roi de Jérusalem et de Sicile, et les vers écrits dessous disaient ceci :
Je suis René d'Anjou, qui veut s'acquitter
Comme mendiant d'Amour, servant en quémandant,
Pensant m'acoquiner mainte belle
Et éprouver ma quémandeuse mendicité
Auprès de maintes qui ont voulu racoquiner mon coeur
Par leurs yeux pleins de sollicitations et l'emporter entièrement
Et qui, par leur doux langage, me poussèrent et m'encouragèrent
À être leur serviteur : sans en nommer aucune,
Dames, demoiselles et bourgeoises, je leur ai
Donné tout mon amour pour l’échanger avec le leur.
C’est pourquoi le dieu d’Amour m’a convoqué ici
Pour y déposer mon blason ; et je l’ai fait apporter.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. CVII, vv. 1484-1494– pp. 341-345

 

Fol. 91 : Cœur, Désir et Largesse visitent le cimetière d'Amour et découvrent les blasons des amants célèbres
 
Fol. 90v

Fol. 90v

Fol. 90v
Fol. 91 : Cœur, Désir et Largesse visitent le cimetière d'Amour et découvrent les blasons des amants célèbres
 

Fol. 91 : Cœur, Désir et Largesse visitent le cimetière d'Amour et découvrent les blasons des amants célèbres
 

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Les blasons des amants célèbres

Dernier d'une série de vingt-huit tableaux consacrés à la visite du cimetière de l'hôpital d'Amour, celui-ci regroupe dans une même composition les armoiries de tous les personnages cités auparavant. La voussure inférieure est consacrée aux héros antiques, historiques, mythique ou littéraires : le roi David avec sa harpe et les empereurs romains aux aigles bicéphales, encadrent Hercule, Thésée, Achille, Pâris, Enée… Au milieu de ce premier registre l'écu du roi Charles VII inaugure la liste des figures contemporaines de l'auteur ou de la génération précédente. Ainsi sur la seconde voussure apparaissent de gauche à droite les blasons du poète Charles d'Orléans (1394-1465), de Charles II d'Anjou, comte du Maine et frère de René (1414-1472), de Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol (1418-1475), de Gaston IV de Foix († 1472), du Dauphin, Louis de France, futur Louis XI (1423-1483), de Charles Ier de Bourbon (1401-1456) et de Louis de Beauvau (1418-1462), sénéchal d'Anjou et de Provence. Au faîte du portail sont accrochés les écus de Philippe III le Bon, duc de Bourgogne (1396-1467), de Louis Ier d'Orléans (131371-1407), des personnages littéraires Ponthus et Lancelot du Lac, de Jean, duc de Berry (1340-1416), de Louis II de Bourbon (1337-1410) enfin de René d'Anjou, roi de Jérusalem et de Sicile (1409-1480).

 

Ici l'auteur parle et dit :
Il y avait un autre écu, jouxtant celui-ci, plus grand et plus ample. Surmonté d'une couronne d'or, il était supporté par une souche d'or peinte en trompe-l'oeil, laquelle n'avait qu'un seul surgeon vert' ; cet écu était parti en chef de trois royaumes : de Hongrie, de Sicile et de Jérusalem, et en pointe, de deux duchés, à savoir d'Anjou et de Bar. Pour Hongrie, il était fascé à huit pièces d'argent et de gueules ; pour Sicile, d'azur semé de fleurs de lys d'or au rateau de gueules ; pour Jérusalem, d'argent à la croix d'or potencée cantonnée de quatre croix d'or ; pour Anjou, d'azur semé de fleurs de lys d'or à la bordure de gueules, et pour Bar, d'azur à deux bars d'or, semé de croisettes d'or recroisetées et au pal fiché. Sous ce blason, une inscription en langue française disait ceci :

Telles sont les armes de René, roi de Jérusalem et de Sicile, et les vers écrits dessous disaient ceci :
Je suis René d'Anjou, qui veut s'acquitter
Comme mendiant d'Amour, servant en quémandant,
Pensant m'acoquiner mainte belle
Et éprouver ma quémandeuse mendicité
Auprès de maintes qui ont voulu racoquiner mon coeur
Par leurs yeux pleins de sollicitations et l'emporter entièrement
Et qui, par leur doux langage, me poussèrent et m'encouragèrent
À être leur serviteur : sans en nommer aucune,
Dames, demoiselles et bourgeoises, je leur ai
Donné tout mon amour pour l’échanger avec le leur.
C’est pourquoi le dieu d’Amour m’a convoqué ici
Pour y déposer mon blason ; et je l’ai fait apporter.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. CVII, vv. 1484-1494– pp. 341-345

 

Fol. 91 : Cœur, Désir et Largesse visitent le cimetière d'Amour et découvrent les blasons des amants célèbres
 
Fol. 102v

Fol. 102v

Fol. 102v
Fol. 103 : Cœur, Désir et Largesse arrivent au château de Plaisance
 

Fol. 103 : Cœur, Désir et Largesse arrivent au château de Plaisance
 

Plus de détails sur la page

Le conte dit maintenant que quand les trois compagnons, le Coeur, Désir et Largesse, eurent pris congé de dame Pitié et qu'ils eurent quitté l'hôpital d'Amour – comme il vous l'a plus haut raconté –, ils se mirent en chemin à pied, n'ayant pas de chevaux puisqu'ils les avaient donnés – rappelez-vous – à leurs valets lorsqu'ils avaient atteint la mer. Ils se démenèrent tant qu'ils parvinrent au pied du rocher où était sis le beau château de Plaisance. Le jour était beau et clair, et le soleil avait atteint une hauteur correspondant à l'heure de tierce. Alors les trois compagnons levèrent leurs yeux vers le beau château mais ils furent si éblouis par la lueur qui irradiait du château, frappé par les rayons du soleil, qu'ils s'évanouirent tous. Ce n'était pas étonnant, vu la grande beauté du beau château, qui semblait davantage chose céleste ou spirituelle que terrestre. Et bien qu'aucune langue ne soit à même de décrire les grandes richesses, merveilles et beautés du beau château, le conte, toutefois, s'efforcera d'en décrire quelques-unes – non pas toutes, car il en serait incapable : une partie seulement.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. CXXVIII, vv. 1-21 – pp. 395

Fol. 103 : Cœur, Désir et Largesse arrivent au château de Plaisance
 
Fol. 102v

Fol. 102v

Fol. 102v
Fol. 103 : Cœur, Désir et Largesse arrivent au château de Plaisance
 

Fol. 103 : Cœur, Désir et Largesse arrivent au château de Plaisance
 

Plus de détails sur la page

Le conte dit maintenant que quand les trois compagnons, le Coeur, Désir et Largesse, eurent pris congé de dame Pitié et qu'ils eurent quitté l'hôpital d'Amour – comme il vous l'a plus haut raconté –, ils se mirent en chemin à pied, n'ayant pas de chevaux puisqu'ils les avaient donnés – rappelez-vous – à leurs valets lorsqu'ils avaient atteint la mer. Ils se démenèrent tant qu'ils parvinrent au pied du rocher où était sis le beau château de Plaisance. Le jour était beau et clair, et le soleil avait atteint une hauteur correspondant à l'heure de tierce. Alors les trois compagnons levèrent leurs yeux vers le beau château mais ils furent si éblouis par la lueur qui irradiait du château, frappé par les rayons du soleil, qu'ils s'évanouirent tous. Ce n'était pas étonnant, vu la grande beauté du beau château, qui semblait davantage chose céleste ou spirituelle que terrestre. Et bien qu'aucune langue ne soit à même de décrire les grandes richesses, merveilles et beautés du beau château, le conte, toutefois, s'efforcera d'en décrire quelques-unes – non pas toutes, car il en serait incapable : une partie seulement.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. CXXVIII, vv. 1-21 – pp. 395

Fol. 103 : Cœur, Désir et Largesse arrivent au château de Plaisance
 
Fol. 104v

Fol. 104v

Fol. 104v
Fol. 105 : Bel Accueil introduit Cœur, Désir et Largesse dans le château de Plaisance
 

Fol. 105 : Bel Accueil introduit Cœur, Désir et Largesse dans le château de Plaisance
 

Fol. 105 : Bel Accueil introduit Cœur, Désir et Largesse dans le château de Plaisance
 
Fol. 104v

Fol. 104v

Fol. 104v
Fol. 105 : Bel Accueil introduit Cœur, Désir et Largesse dans le château de Plaisance
 

Fol. 105 : Bel Accueil introduit Cœur, Désir et Largesse dans le château de Plaisance
 

Fol. 105 : Bel Accueil introduit Cœur, Désir et Largesse dans le château de Plaisance
 
Fol. 109v : Amour reçoit l'hommage de Cœur, Désir et Largesse
 

Fol. 109v : Amour reçoit l'hommage de Cœur, Désir et Largesse
 

Fol. 109v : Amour reçoit l'hommage de Cœur, Désir et Largesse
 
Fol. 110

Fol. 110

Fol. 110
Fol. 109v : Amour reçoit l'hommage de Cœur, Désir et Largesse
 

Fol. 109v : Amour reçoit l'hommage de Cœur, Désir et Largesse
 

Fol. 109v : Amour reçoit l'hommage de Cœur, Désir et Largesse
 
Fol. 110

Fol. 110

Fol. 110
Fol. 122v : Tapisserie représentant Chère Aimable et Courtoise Manière qui tendent un filet pour attraper les cœurs volants
 

Fol. 122v : Tapisserie représentant Chère Aimable et Courtoise Manière qui tendent un filet pour attraper les cœurs volants
 

Fol. 122v : Tapisserie représentant Chère Aimable et Courtoise Manière qui tendent un filet pour attraper les cœurs volants
 
Fol. 123 : Tapisserie représentant Espérance et Folle Présomption qui enduisent l'arbre de glu pour attraper les coeurs volages
 

Fol. 123 : Tapisserie représentant Espérance et Folle Présomption qui enduisent l'arbre de glu pour attraper les coeurs volages
 

Plus de détails sur la page

Le thème du piège d'amour continue sur cette tapisserie. Après le filet tendu, c'est l'arbre enduit de glu qui risque d'arracher quelques plumes aux coeurs volants et volages :

Folle Présomption, ici avec Espérance,
Ont englué d'illusion un arbre élevé.
S'il se présente un coeur pour y venir,
Jamais, assurément, il ne sera en son pouvoir
De ne pas laisser quelque plume à la glu.

Fol. 123 : Tapisserie représentant Espérance et Folle Présomption qui enduisent l'arbre de glu pour attraper les coeurs volages
 
Fol. 122v : Tapisserie représentant Chère Aimable et Courtoise Manière qui tendent un filet pour attraper les cœurs volants
 

Fol. 122v : Tapisserie représentant Chère Aimable et Courtoise Manière qui tendent un filet pour attraper les cœurs volants
 

Fol. 122v : Tapisserie représentant Chère Aimable et Courtoise Manière qui tendent un filet pour attraper les cœurs volants
 
Fol. 123 : Tapisserie représentant Espérance et Folle Présomption qui enduisent l'arbre de glu pour attraper les coeurs volages
 

Fol. 123 : Tapisserie représentant Espérance et Folle Présomption qui enduisent l'arbre de glu pour attraper les coeurs volages
 

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Le thème du piège d'amour continue sur cette tapisserie. Après le filet tendu, c'est l'arbre enduit de glu qui risque d'arracher quelques plumes aux coeurs volants et volages :

Folle Présomption, ici avec Espérance,
Ont englué d'illusion un arbre élevé.
S'il se présente un coeur pour y venir,
Jamais, assurément, il ne sera en son pouvoir
De ne pas laisser quelque plume à la glu.

Fol. 123 : Tapisserie représentant Espérance et Folle Présomption qui enduisent l'arbre de glu pour attraper les coeurs volages
 
Fol. 125v

Fol. 125v

Fol. 125v
Fol. 126 : Pitié et Bel Accueil rencontrent Danger à la porte du manoir de Rebellion
 

Fol. 126 : Pitié et Bel Accueil rencontrent Danger à la porte du manoir de Rebellion
 

Fol. 126 : Pitié et Bel Accueil rencontrent Danger à la porte du manoir de Rebellion
 
Fol. 125v

Fol. 125v

Fol. 125v
Fol. 126 : Pitié et Bel Accueil rencontrent Danger à la porte du manoir de Rebellion
 

Fol. 126 : Pitié et Bel Accueil rencontrent Danger à la porte du manoir de Rebellion
 

Fol. 126 : Pitié et Bel Accueil rencontrent Danger à la porte du manoir de Rebellion
 
Fol. 129v : Pitié exhorte Douce Merci à aimer le Cœur d'Amour épris
 

Fol. 129v : Pitié exhorte Douce Merci à aimer le Cœur d'Amour épris
 

Fol. 129v : Pitié exhorte Douce Merci à aimer le Cœur d'Amour épris
 
Fol. 130

Fol. 130

Fol. 130
Fol. 129v : Pitié exhorte Douce Merci à aimer le Cœur d'Amour épris
 

Fol. 129v : Pitié exhorte Douce Merci à aimer le Cœur d'Amour épris
 

Fol. 129v : Pitié exhorte Douce Merci à aimer le Cœur d'Amour épris
 
Fol. 130

Fol. 130

Fol. 130
Fol. 136v : René d'Anjou écrit le récit de son rêve
 

Fol. 136v : René d'Anjou écrit le récit de son rêve
 

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Alors, en proie à l'angoisse et à la douleur
Qu'éprouvait mon coeur, j'ouvris l'oeil
Et m'éveillai en sursaut.
J'appelai subitement d'une voix bien forte
Un mien chambellan allongé
Sur une couche où il dormait
Près de moi cette nuit-là.
Celui-ci, à mon cri, s'éveilla
En demandant  : « Vous faut-il quelque chose ? »
Je lui répondis : « Oh que oui !0 »
Et en soupirant, je dis :
« Ah, très doux Dieu du paradis,
J'ai peur qu'Amour n'ait dérobé
Mon coeur et ne l'ait emporté avec lui,
Car en tâtant de la main, je sens mon côté,
Mais mon coeur, à ce que je crois, n'y est pas.
Je ne sens nullement
Ses battements, vraiment, absolument pas.
Et j'ai, d'autre part, peur
Qu'Amour n'ait percé de son dard
Mon côté pour prendre mon coeur.
J'en sue très fort d'angoisse. »
Alors il se leva et apporta
Une chandelle, et regarda
Sans plus attendre
Mon côté, pour voir s'il y avait une plaie :
Il vit qu'il n'en était rien.
Il me dit alors avec un grand sourire
De dormir tranquillement,
Et que je n'avais nullement
A craindre de mourir de ce mal.
Je me laissai alors reborder par lui
Et, de honte, ne prononçai plus un mot ;
J'étais néanmoins encore
Tout effrayé et je mis
Un bon bout de temps à me rendormir.
Le matin, donc, quand je me levai,
Je pris du papier et j'ai écrit
Mon songe, le plus précisément que j'ai pu.
Et je prie chacun, s'il est lu
En quelque bonne compagnie,
Qu'on excuse ma folie,
Car tel est le mal d'Amour
Qu'il n'épargne ni jeune ni vieux,
Faisant bien souvent
Songer en dormant et en veillant
Quand on n'obtient pas à son gré
D'allègement dans les rets étroits
Où Amour en empêche plus d'un de rire.
Sur ce, je veux me taire sans ajouter un mot,
Sinon que ce livre fut composé
En mille quatre cent cinquante-sept »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. , vv. 2472-2523 – pp. 497-499

 

Fol. 136v : René d'Anjou écrit le récit de son rêve
 
Fol. 137

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Fol. 136v : René d'Anjou écrit le récit de son rêve
 

Fol. 136v : René d'Anjou écrit le récit de son rêve
 

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Alors, en proie à l'angoisse et à la douleur
Qu'éprouvait mon coeur, j'ouvris l'oeil
Et m'éveillai en sursaut.
J'appelai subitement d'une voix bien forte
Un mien chambellan allongé
Sur une couche où il dormait
Près de moi cette nuit-là.
Celui-ci, à mon cri, s'éveilla
En demandant  : « Vous faut-il quelque chose ? »
Je lui répondis : « Oh que oui !0 »
Et en soupirant, je dis :
« Ah, très doux Dieu du paradis,
J'ai peur qu'Amour n'ait dérobé
Mon coeur et ne l'ait emporté avec lui,
Car en tâtant de la main, je sens mon côté,
Mais mon coeur, à ce que je crois, n'y est pas.
Je ne sens nullement
Ses battements, vraiment, absolument pas.
Et j'ai, d'autre part, peur
Qu'Amour n'ait percé de son dard
Mon côté pour prendre mon coeur.
J'en sue très fort d'angoisse. »
Alors il se leva et apporta
Une chandelle, et regarda
Sans plus attendre
Mon côté, pour voir s'il y avait une plaie :
Il vit qu'il n'en était rien.
Il me dit alors avec un grand sourire
De dormir tranquillement,
Et que je n'avais nullement
A craindre de mourir de ce mal.
Je me laissai alors reborder par lui
Et, de honte, ne prononçai plus un mot ;
J'étais néanmoins encore
Tout effrayé et je mis
Un bon bout de temps à me rendormir.
Le matin, donc, quand je me levai,
Je pris du papier et j'ai écrit
Mon songe, le plus précisément que j'ai pu.
Et je prie chacun, s'il est lu
En quelque bonne compagnie,
Qu'on excuse ma folie,
Car tel est le mal d'Amour
Qu'il n'épargne ni jeune ni vieux,
Faisant bien souvent
Songer en dormant et en veillant
Quand on n'obtient pas à son gré
D'allègement dans les rets étroits
Où Amour en empêche plus d'un de rire.
Sur ce, je veux me taire sans ajouter un mot,
Sinon que ce livre fut composé
En mille quatre cent cinquante-sept »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Chap. , vv. 2472-2523 – pp. 497-499

 

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Une nuit, à la faveur d'un rêve, le bon roi René se lance à cœur perdu en quête de la femme idéale… Ce manuscrit a été copié au 15e siècle en Provence. Les peintures représentent des allégories, sur le modèle du Roman de la Rose.