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L’album en révolution : 70 ans d’innovation (1940-2010)

Les Trois Brigands
Les Trois Brigands

© L’ecole des loisirs

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Entre geste artistique et littérature enfantine, le genre de l’album connaît de profondes mutations dans la seconde moitié du 20e siècle.
Max et les maximonstres
Max et les maximonstres |

© Bibliothèque nationale de France

Depuis les années 1940, les innovations dans le domaine de l’album peuvent être classées en deux types : formelles, dans l’évolution de l’objet et sa qualité matérielle, d’une part, et esthétiques, dans l’évolution des styles graphiques, d’autre part. Le clivage entre des albums de luxe de haute qualité et de fabrication semi-artisanale, et des albums bon marché, au modeste contenu, produits industriellement, disparaît devant les progrès techniques.

L’apparition de la couleur

La première révolution de 1949, amorcée à la Libération, est celle de la couleur. La quadrichromie se généralise et le procédé offset permet la reproduction de couleurs d’une richesse, d’une intensité et avec des dégradés inconnus jusque-là, en même temps que de nouvelles techniques de façonnage des cartonnages et de piquage des cahiers, comme la possibilité de gros tirages, permettent des économies considérables. Ainsi les grands albums G. P. à 135 francs de 1946, les albums Cocorico de 1949 à 95 francs et la collection « Farandole » de Casterman à 195 francs allient également bas prix et qualité formelle, couleurs profondes et cartonnage, et sont deux à trois fois moins chers que leurs concurrents, y compris les albums du Père Castor. « Les Petits Livres d’or », importation du modèle des Little Golden Books américains, sont ainsi vendus à cinquante millions d’exemplaires en trente ans. L’album américain, à travers « Les Petits Livres d’or » des Deux Coqs d’or, est le modèle dominant, avec cependant la découverte des graphismes tchèques aux éditions communistes La Farandole.
La démocratisation du bel album est alors un fait.

Les innovations graphiques

Ce potentiel technique est exploité par les gros éditeurs et les nouveaux, et c’est à l’intérieur que se dessine l’autre mouvement, d’innovation graphique. Au Père Castor, une nouvelle génération d’illustrateurs s’est installée, de Romain Simon à Gerda Muller, mais le réalisme pédagogique, non exclusif de poésie, reste la norme. Dès 1955 Robert Delpire ose, lui, Les Larmes de crocodile, puis les formats géants des collections Actibom et Multibom, et publie Max et les maximonstres en 1967, mais sans rencontrer le succès. L’École des loisirs se crée en 1965 et publie ses premiers albums innovants, importés, en 1968 avec Les Trois Brigands de Tomi Ungerer.

Les Trois Brigands
Les Trois Brigands |

© Bibliothèque nationale de France

Enfin l’éditeur Les Livres d’Harlin Quist fait une offre radicale, important les thèmes du graphisme d’avant-garde américain et Ruy-Vidal lance des collections d’albums modernes chez Grasset, Delarge, Rageot. Toute une génération d’auteurs nouveaux apparaît, Claveloux, Lapointe, Galeron, Rosensthiel, Bour… qui gagnent leur vie dans la presse ou en illustrant des couvertures de « Folio junior » entre deux albums. Les éditions Des femmes, en 1975, injectent la question d’un féminisme assez radical, tandis que Le Sourire qui mord, issu d’un courant libertaire, animé par Christian Bruel, publie en 1975 Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon. Bien que l’essentiel de ces albums connaisse alors une diffusion confidentielle, le succès progressif de L’École des loisirs, appuyé sur le réseau enseignant et le soutien des bibliothèques pour la jeunesse en plein développement, aboutit à la multiplication du nombre d’albums édités.

Rétrospectivement, si la plupart de ces acteurs ont échoué économiquement, ils ont contribué à installer une génération de créateurs qui pensent l’album comme un geste artistique, et sont devenus les auteurs installés des années 1980-1990. Le cas exceptionnel de L’École des loisirs, sa réussite et le quadrillage installé autour des enfants par les abonnements vendus par les puéricultrices et les enseignants, aboutissent à constituer un nouveau pôle dominant.

Quand je serai grand je serai le Père Noël
Quand je serai grand je serai le Père Noël |

© L’école des loisirs

Une nouvelle vague créative renouvelle l’approche de l’album, par ses recherches graphiques, depuis quinze ans. Le créateur Olivier Douzou et l’éditeur Le Rouergue, associés de 1994 à 2002, en sont les acteurs emblématiques mais non uniques, l’album pour enfants étant devenu une préoccupation de tous les éditeurs et la multiplicité des styles permettant la coexistence actuelle de modèles créatifs de quatre générations successives.

Quand je serai grand je serai le Père Noël
Quand je serai grand je serai le Père Noël |

© L’école des loisirs

Provenance

Cet article provient du site Babar, Harry Potter et Compagnie. Livres d’enfants d’hier et d’aujourd’hui (2008).

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