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Diversité des supports et de leurs usages

Bambou gravé
Bambou gravé

© Bibliothèque nationale de France

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Des premiers dessins sur les murs des cavernes préhistoriques aux graffitis contemporains, l'homme n'a cessé d'imprimer la marque de son existence en écrivant sur tout et partout. Pierre éternelle, tesson d'un vieux pot brisé, délicat rouleau de soie : autant de supports choisis soigneusement ou dans l'urgence, pour des usages spécifiques.

Supports de proximité ou de fortune

Au 2e millénaire, en Égypte, on emploie couramment des cailloux trouvés sur place pour noter quelque fait qui vient de se produire, ou bien une liste d'objets à commander, un reçu, une lettre... Dans le Sud-Est asiatique, où le bambou pousse en abondance, il est facile, dans l'urgence, de couper une partie de tige pour y écrire une missive.

Il est plus difficile aux prisonniers de la Bastille, lorsqu'ils sont privés de plume et de papier, d'envoyer un appel au secours : l'un choisira d'écrire avec son sang sur un morceau de sa chemise, l'autre de broder un message qu'il tentera de faire passer, peut-être en le jetant à travers les barreaux, comme une bouteille à la mer.

Lettre écrite sur du linge avec son sang
Lettre écrite sur du linge avec son sang |

© Bibliothèque nationale de France

Compte rendu d’un acte officiel du règne de Ramses II
Compte rendu d’un acte officiel du règne de Ramses II |

Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Poncet

Moins coûteux que le papyrus, des débris de vases ou de simples éclats de pierre constituaient des supports d'écriture courants en Égypte. Ces innombrables ostraca (du grec ostrakon, « coquille »), étaient utilisés pour noter des actes de la vie de tous les jours, lettres, documents administratifs, listes et comptes. Les écritures sont cursives : hiératique, puis démotique à partir du 7e siècle avant notre ère. Ce sont là des témoignages privilégiés de la vie quotidienne au temps des pharaons.

Il arrive parfois que le caractère aléatoire du support de l'écriture augmente l'intensité d'un message dont il atteste l'urgence et souligne la nécessité.

Lettre de Blaise Cendrars à Robert Delaunay sur un paquet de cigarettes
Lettre de Blaise Cendrars à Robert Delaunay sur un paquet de cigarettes |

Bibliothèque nationale de France

Supports insolites, usages ludiques et artistiques

Parfois, la forme - ou la matière - du livre joue avec son contenu. Elle l'illustre ou en prolonge le sens. Elle se met au service de l'écrit.

Ainsi les rares livres en forme de cœur du 15e siècle, ou le journal sur étoffe imperméable destiné aux établissements de bains parisiens du 19e siècle...

Livre d’heures à l’usage d’Amiens
Livre d’heures à l’usage d’Amiens |

© Bibliothèque nationale de France

Clin d'œil romantique, la lettre d'Apollinaire sur écorce de bouleau fait rimer matière et poème, tout comme ces livres de plomb et de noyer, fabriqués par des plasticiens, tendent vers un accord parfait entre l'écrit et le support. Il s'agit là d'une mise en valeur des deux éléments à travers une interprétation artistique.

Avec les livres nains, la démarche est différente : seule la performance est recherchée, la lisibilité de l'écrit n'importe plus.

Supports à usages juridiques ou commerciaux

Que la monnaie soit frappée dans un métal précieux (or ou argent) ou dans une matière vile (bambou, papier, tissu, caoutchouc), qu'elle prenne la valeur du métal, comme ce fut le cas longtemps en Occident, ou une valeur fiduciaire convenue, c'est l'inscription gravée qui garantit cette valeur à l'utilisateur.

Monnaie de 5 fen de l’ère Kang De de l’empereur Pouyi (Mandchoukouo)
Monnaie de 5 fen de l’ère Kang De de l’empereur Pouyi (Mandchoukouo) |

Bibliothèque nationale de France

Denier d'argent de l'empereur Auguste
Denier d'argent de l'empereur Auguste |

Bibliothèque nationale de France

Dès les origines de la monnaie en Occident, le type monétaire (c'est-à-dire le motif iconographique figuré sur la monnaie), d'abord seul, puis renforcé par une légende, garantit la valeur intrinsèque du métal frappé.

Billet de la république islamique de Khotan
Billet de la république islamique de Khotan |

Bibliothèque nationale de France

À certains moments de l'histoire, des raisons d'ordre politique ou social ont provoqué le rejet ou la pénurie des supports traditionnels de la monnaie. Des monnaies de substitution frappées dans des matières viles ont alors été mises en circulation, leur valeur n'étant plus garantie que par la seule inscription.

Lat de 1, 5 tamlung
Lat de 1, 5 tamlung |

© Bibliothèque nationale de France

Supports magiques

La croyance en la puissance surnaturelle de l'écriture, sur laquelle repose le système des hiéroglyphes, se manifeste dans toutes les religions. Les formules sacrées sont souvent présumées protéger ou guérir par simple contact la personne qui les porte, sans forcément passer par l'incantation. Qu'il soit précieux ou banal, le support n'est alors qu'un médiateur.

Tunique d’invulnérabilité
Tunique d’invulnérabilité

Lorsque ces écrits sont gravés dans la pierre, comme chez les Égyptiens, ou incisés dans une coupe, comme chez les musulmans, l'eau en passant sur le texte se charge - selon la tradition - d'un pouvoir thérapeutique réputé guérir le malade qui l'ingère.

Stèle magique d’Horus sur les crocodiles
Stèle magique d’Horus sur les crocodiles |

Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Poncet

Amulette
Amulette |

Musée de l’Homme, 74. 179.3 (don du Dr Joël Le Corre)

À l'opposé du papier journal, vulgaire réceptacle d'écrits provisoirement intéressants qui peut donc être froissé et jeté sans inconvénient une fois lu, le talisman est cet objet hanté dont le texte est devenu indélogeable, et qui n'en finit plus d'émettre la puissance active de l'écrit qu'il renferme.

Matières pérennes, écrits éternels

La pierre

Sommet d’une stèle mésopotamienne portant des symboles divins inscrits
Sommet d’une stèle mésopotamienne portant des symboles divins inscrits |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Mathieu Rabeau

Les inscriptions dans la pierre sont quasi universelles. Mieux que d'autres matières plus périssables, la pierre a gardé trace des premiers signes d'écriture, mais surtout elle a été choisie de volonté délibérée chaque fois qu'on a voulu donner à l'écrit durée, solennité et publicité : matériau presque indestructible, la pierre pérennise le message qu'elle porte.

Aussi fut-elle le support de prédilection des textes fondateurs de nombreuses civilisations, qu'ils émanent d'autorités religieuses ou politiques.

Si le métal, lui aussi, offre une garantie de durée - il est toujours utilisé pour les plaques commémoratives -, c'est la pierre qui, dans son emploi pour les inscriptions funéraires, illustre finalement le mieux la quête humaine d'éternité.

Matières nobles

Figurine-clou de fondation
Figurine-clou de fondation |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot

En Mésopotamie, pour transcrire des messages royaux, on préférait à l'argile d'usage courant des matériaux plus durs et plus beaux, difficilement importés des montagnes lointaines : or, argent, cuivre, bronze, lapis-lazuli, cornaline, agate, diorite noire ou albâtre, capables de défier le temps, étaient les supports de l'écriture destinée aux dieux et aux rois. Ainsi gravait-on dans ces supports précieux des écrits commémoratifs destinés à être enfouis dans les fondations des édifices religieux bâtis par les souverains.
Cette figurine de cuivre représente le roi dans sa fonction de bâtisseur : il porte sur la tête un couffin rempli de brique. La pointe, couverte d'une inscription votive nommant le roi, devait être enfoncée comme un clou dans le sol afin - disait-on - de purifier les fondations de l'édifice et de les protéger des démons. Ce rite assurait la stabilité du temple en reliant ses bases souterraines à ses constructions extérieures.

Stèle portant un décret impérial
Stèle portant un décret impérial |

Bibliothèque nationale de France

Cette stèle porte un décret de l'empereur Auguste (Ier siècle avant l'ère chrétienne), traduit en grec, ordonnant la mise à mort des pilleurs de tombes. Gravée dans le marbre, l'écriture fixe le message pour l'éternité, dans une rigide graphie monumentale qui contribue à la solennité du discours.

Matières précieuses

Les matières précieuses subliment l'écrit, mais elles peuvent aussi l'éclipser de leur splendeur, puisque c'est l'ensemble qui constitue un objet remarquable. On en use le plus souvent pour célébrer les dieux et les princes. Si les anciens souverains ont fait graver leurs lois dans la pierre, leurs sujets leur ont rendu hommage, ou ont tenté de gagner leurs faveurs, en leur offrant des livres précieux, tel ce livre de jade chinois, écrin précieux renfermant un texte dont le sens s'efface derrière le prestige de l'objet et le symbole de la matière.

Rouleau peint du Sutra de Kannon
Rouleau peint du Sutra de Kannon |

© Bibliothèque nationale de France

Dans les monastères bouddhistes, lorsqu'un jeune garçon entre dans la communauté, il est d'usage que ses parents offrent un Kammavâcâ (recueil de textes réglant la vie monastique) soigneusement calligraphié sur un matériau d'exception : ivoire, métal, mais aussi tissu de rebut venant de la robe d'un moine réputé.

En Chine, la soie a été le support de l'écrit avant le papier, à peu près en même temps que les lattes de bambou, qui étaient, elles, d'usage courant. Matière coûteuse, la soie était réservée à l'élite impériale ; à partir du 4e siècle, avec l'emploi généralisé du papier, elle resta le matériau des livres de luxe.

Traité sur la discipline des moines bouddhistes
Traité sur la discipline des moines bouddhistes |

© Bibliothèque nationale de France

Le Sutra de la Grande Vertu de sagesse
Le Sutra de la Grande Vertu de sagesse |

© Bibliothèque nationale de France

En Occident, il arrive qu'on utilise aussi la soie, mais de façon plus anecdotique : ce foulard de 1877 imprimé sur soie illustre l'alliance d'Adolphe Thiers et de Léon Gambetta dans la campagne électorale des républicains contre le président Mac Mahon.

Foulard de soie blanche à bordure rouge
Foulard de soie blanche à bordure rouge |

© Bibliothèque nationale de France

Pour la gloire

La noblesse des matériaux utilisés dans la fabrication de cette reliure prestigieuse contribuait sans doute à magnifier le caractère sacré du texte biblique. Elle est constituée de deux plaques d'or fixées sur des ais. Sur la plus ancienne d'entre elles (13e siècle) sont fixés un crucifix filigrané et trois statuettes en ronde-bosse réalisées à l'aide de plusieurs feuilles d'or coulé, puis ciselé et poli. Saphirs, rubis, émeraudes, spinelles et perles rehaussent l'ensemble. Sur le sond plat, saint Jean l'Évangéliste écrit, entouré des symboles des quatre évangélistes. Au-dessus de sa tête une inscription indique que Charles V a offert cette reliure à la Sainte-Chapelle de Paris en 1379. L'émail noir des lettres et du fond a été obtenu à partir d'un mélange d'argent, de plomb et de soufre réduit en poudre, liquéfié au four, puis poli une fois refroidi.

Reliure d’orfèvrerie
Reliure d’orfèvrerie |

© Bibliothèque nationale de France

Les reliures médiévales

Au Moyen Âge, les reliures des livres d'église sont à l'image des autres objets du culte. Leur décoration de pierres précieuses, d'ivoire ou d'orfèvrerie, confère aux évangéliaires une inestimable valeur servant la gloire du texte sacré. Les reliures des livres de bibliothèque sont loin d'être aussi riches : leurs ais sont simplement recouverts d'un cuir rude (truie, cerf, mouton, bœuf...) parfois décoré selon la technique de la ciselure ou de l'estampage. L'étoffe est utilisée pour les livres les plus précieux, religieux ou profanes : velours orné de broderies, ou soie brodée d'or et d'argent.

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