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Le cunéïforme, de l’image à l’abstraction

Poids en pierre
Poids en pierre

Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Maurice et Pierre Chuzeville

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Le système cunéiforme s’est développé dans l’ancienne Mésopotamie à partir de l’écriture sumérienne, à ses débuts fondamentalement idéographique ou logographique (les signes expriment des idées ou des mots). Toutefois, dès les origines, la notation de noms propres a impliqué des conventions graphiques amorçant une évolution vers le phonétisme (les signes exprimant des sons).
L’écriture cunéïforme
L’écriture cunéïforme |

© Bibliothèque nationale de France

Idéogrammes composés

Diverses innovations ont permis d’enrichir les possibilités limitées du système primitif, notamment pour pouvoir écrire les mots abstraits. C’est ainsi qu’on a eu recours à des idéogrammes composés, en ajoutant un élément au signe de base ou en imbriquant deux signes distincts : homme (LU2) et grand (GAL) pour signifier le grand homme (LUGAL), c’est-à-dire le roi.

Polyphonie des signes

Une autre solution consiste à utiliser un même idéogramme comme symbole d’objets, d’actions, de concepts ou d’idées proches de son sens premier et à jouer sur la polyphonie des signes. Ainsi, le signe KA note la bouche, mais aussi le nez, la parole, l’idée de parler, de crier...

Le lecteur doit choisir entre ces divers sens. Pour faciliter sa lecture, sont apparus des déterminatifs de classification, placés en début ou en fin de mot et ne se prononçant probablement pas. Ils ont pour fonction de préciser à quelle catégorie appartient le concept exprimé : dieu, homme, femme, pays, oiseau...

Homophonie des signes

Enfin, l’écriture joue sur l’homophonie des signes. Largement monosyllabique, la langue sumérienne est riche en homophones (plusieurs objets ou concepts se prononcent de la même façon) ou en sons voisins distingués dans la langue parlée par une nuance de ton. Plusieurs mots ou concepts, se prononçant d’une façon semblable ou proche et notés au départ par des idéogrammes différents, ont ensuite été écrits arbitrairement par un seul de ces idéogrammes, selon le principe de nos rébus.

En sumérien par exemple, 16 signes différents (classés aujourd’hui de 1 à 16) se prononcent tous DU, mais ont des significations distinctes. On a alors eu l’idée de noter le son DU arbitrairement par un seul de ces signes : ainsi, le signe du « pied » (DU1) sert à écrire le verbe « faire » (DU3).

Homophonie des signes
Homophonie des signes
Relief perforé voué par Dudu, prêtre de Ningirsu, dieu de l'État de Lagash
Relief perforé voué par Dudu, prêtre de Ningirsu, dieu de l'État de Lagash |

Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Ce processus ainsi que la nécessité de noter tous les éléments relationnels du langage et les formes grammaticales, ont conduit à perfectionner cette approche phonétique par l’introduction d’un système syllabique : les idéogrammes sont alors vidés de leur sens pour ne conserver que leur son. Par exemple, le signe « pied », peut exprimer tout simplement le son DU.

La valeur idéogrammatique et symbolique des signes n’a jamais disparu complètement. Mais, par l’élimination d’un grand nombre de signes qui avaient la même valeur phonétique, le répertoire est passé de plus ou moins 900 signes à l’époque primitive, à environ 500 vers 2 400 av. J.-C.

Contrat en akkadien avec épigraphe araméenne
Contrat en akkadien avec épigraphe araméenne |

Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Raphaël Chipault

On a cessé de parler la langue sumérienne vers 2 000 av. J.-C., mais elle est restée la langue de l’érudition jusqu’au 1er siècle de notre ère. L’écriture cunéiforme, qui a donné son nom à tout le système d’écriture de l’ancienne Mésopotamie, a en outre été utilisée pour noter d’autres langues, dont celle des Akkadiens.

Le cunéiforme commence à régresser au cours du 1er millénaire avant notre ère, concurrencé par l’alphabet linéaire des Araméens.

Provenance

Cet article provient du site L’aventure des écritures (2002).

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