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Le fonds Doré de la Bibliothèque nationale de France

Macbeth apercevant le spectre des rois
Macbeth apercevant le spectre des rois

© Bibliothèque nationale de France / Gisèle Nedjar

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Le département des Estampes et de la Photographie de la BnF conserve un riche ensemble d'œuvres de Gustave Doré : pas moins de 4221 pièces, réunies par la suite dans 34 recueils. Un fonds colossal, entièrement numérisé.

La composition du fonds: estampes originales et dessins d'illustration

Ce corpus se répartit entre les estampes originales de l’artiste qui représentent un faible pourcentage de l’ensemble (48 eaux-fortes et 389 lithographies, soit un peu plus de 10%), et les dessins d’illustration gravés sur bois qui forment la partie la plus importante (3 784 unités). Ces illustrations pour des ouvrages ou pour des périodiques sont soit des épreuves d’essai, autrement appelés fumés, soit des tirés à part. Elles sont classées par titres d’ouvrages illustrés et représentent 35% des illustrations dessinées par Gustave Doré si l’on se réfère au chiffre de 9 450 auquel est arrivé Henri Leblanc dans son catalogue de 1931.

Outre l’intérêt de disposer des illustrations sous la forme de feuilles désolidarisées des ouvrages, avantage fort apprécié des commissaires d’exposition pour une présentation en cimaise de plusieurs illustrations d’un même livre, ces épreuves offrent les qualités d’un tout premier tirage réalisé au noir de fumé ou à l’encre maigre par frottage manuel sur un papier mince sur lequel s’établissait le bon à tirer. Certains de ces fumés présentent tous les aspects d’épreuves de travail, tantôt annotées, tantôt retouchées par Doré ; beaucoup se distinguent par une qualité d’impression supérieure au tirage sous presse de l’édition définitive. Quelques fumés inédits (au nombre de 76), correspondant à des illustrations écartées ou remplacées, enrichissent notablement le corpus.

À côté de ces épreuves de travail qui apportent des indications précieuses sur l’élaboration matérielle des illustrations, le département des Estampes et de la photographie conserve aussi quelques très intéressants spécimens de matrices. Certaines d’entre elles sont gravées, comme par exemple les vignettes exécutées pour une soixantaine de Fables de La Fontaine, données par l’éditeur Hachette, d’autres ont le mérite de n’être pas gravées du tout ou à demi-gravées laissant voir simultanément la technique du dessinateur et du graveur. Ainsi une planche destinée à illustrer l’œuvre de Shakespeare, Macbeth apercevant le spectre des rois, dessinée au lavis sur bois de bout, qui n’a pas été retenue pour la gravure, témoigne de la manière dont Doré dessinait ou le plus souvent peignait très librement sur le bois, combinant l’usage du crayon à celui du pinceau trempé dans l’encre, le lavis ou la gouache blanche.

« Et l’on acheva de bien laver Don Quichotte. »
« Et l’on acheva de bien laver Don Quichotte. » |

© Bibliothèque nationale de France / Gisèle Nedjar

Scène de la guerre de Crimée
Scène de la guerre de Crimée |

© Bibliothèque nationale de France / Gisèle Nedjar

Une autre planche destinée à l’illustration de Don Quichotte de Cervantès, publié par Hachette en 1863, n’a été que partiellement gravée par Héliodore Pisan. Abandonné pour une raison inconnue, ce bois était destiné à illustrer un épisode du tome 2 ("et l'on acheva de bien laver Don Quichotte"). Grâce à l’observation de ces matrices non utilisées, la technique privilégiée de Doré dite du « bois de teinte », dans laquelle le graveur a pour tâche d’interpréter de véritables petits tableaux sur bois, s’éclaire de manière didactique.

Des pièces issues de l'atelier de Gustave Doré

Don Quichotte et Sancho Panza
Don Quichotte et Sancho Panza |

© Bibliothèque nationale de France / Gisèle Nedjar

« Il ouvrit le petit livre et vit un sonnet qu’il lut à haute voix. »
« Il ouvrit le petit livre et vit un sonnet qu’il lut à haute voix. » |

© Bibliothèque nationale de France

Les acquisitions par achat constituent le mode d’entrée principal des œuvres de Doré dans les collections du département des Estampes et de la photographie. Les entrées par dépôt légal qui concernent surtout les lithographies restent minoritaire (284 unités) au regard des acquisitions réalisées majoritairement à la vente de la collection du docteur Joseph Michel, neveu de Doré, qui eut lieu du 21 au 25 mars 1892. Le 24 mars, le Cabinet des estampes s’est porté acquéreur de très nombreux lots d’estampes représentant un total de 1 910 pièces, provenant toutes de l’atelier même de Doré.

Parmi les lots les plus importants, il convient de signaler 672 fumés pour le Rabelais, 130 pour les Fables de La Fontaine, 61 pour le Don Quichotte, 64 pour la Bible et 109 pour Londres. Ces achats massifs ont été complétés par quelques acquisitions ponctuelles en mai 1893, février 1894 et juin 1900, venant enrichir le corpus des illustrations de Doré d’autres fumés ou tirés à part sur papier de Chine.
Jusqu’au mois d’octobre 2013, l’œuvre de Gustave Doré était décrit en 359 numéros classés chronologiquement dans l’Inventaire du fonds français après 1800. Cet inventaire sommaire rédigé en 1954 par Jacques Lethève, en suivant la distinction de l’œuvre original (lithographies et eaux-fortes) et des illustrations gravées sur bois, est accompagné d’un index alphabétique des titres d’ouvrages anonymes et noms d’auteurs qui permet retrouver plus facilement les différents ouvrages illustrés par Doré au sein du classement chronologique. Les illustrations ne sont pas décrites à l’unité mais par regroupements d’ouvrages ou de périodiques illustrés ; seul le nombre des planches par ensemble est indiqué.

Un fonds entièrement catalogué et numérisé

« Triste et mélancolique languissait le blessé don Quichotte. »
« Triste et mélancolique languissait le blessé don Quichotte. » |

© Bibliothèque nationale de France

Le partenariat entre le musée d’Orsay et la Bibliothèque nationale de France, à l’occasion de l’exposition Gustave Doré (1832-183. L'imaginaire au pouvoir, à Paris, au musée d’Orsay (18 février-11 mai 2014) puis à Ottawa, au musée des Beaux-arts du Canada (12 juin-14 septembre 2014), a incité le département des Estampes et de la photographie à se lancer dans une entreprise de longue haleine, jamais envisagée auparavant, consistant à décrire pièce à pièce, dans le catalogue général de la BnF, les 4 221 œuvres de Doré et à les numériser pour les rendre accessibles dans Gallica. En plus de l’intérêt évident de disposer d’images numériques de ce vaste corpus, le catalogage à la pièce offre, par la diversité des accès à la notice de chaque unité, un outil précieux pour les chercheurs exploitable sous de multiples angles. À titre d’exemple, l’indexation des noms de graveurs, relevés systématiquement sur les gravures sur bois, permet de dresser la liste raisonnée des interprètes de Doré et de reconstituer le fruit de leur collaboration, rendant ainsi justice à leur travail trop souvent oublié.

Verso du bois du Soleil et les grenouilles
Verso du bois du Soleil et les grenouilles |

© Bibliothèque nationale de France / Gisèle Nedjar

Le soleil et les grenouilles
Le soleil et les grenouilles |

© Bibliothèque nationale de France / Gisèle Nedjar

Ce corpus du département des Estampes et de la photographie, qui se caractérise par la présentation en feuilles des illustrations, est parfaitement complémentaire de celui des ouvrages illustrés par Doré conservés pour la plupart à la Réserve des livres rares et qui ont également faits l’objet d’une campagne de numérisation.  

Le loup et le renard
Le loup et le renard |

© Bibliothèque nationale de France / Gisèle Nedjar

Provenance

Cet article provient du site Gustave Doré, l'imagination au pouvoir (2014), réalisé en partenariat avec le musée d'Orsay.

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