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Brève histoire de la peinture de manuscrits en Iran
 

Recueil des œuvres poétiques
Recueil des œuvres poétiques

Bibliothèque nationale de France

Le format de l'image est incompatible
Profondément liée aux traditions islamique et antique, la peinture persane se déploie au cœur des manuscrits. Depuis le 14e siècle, une tradition picturale originale se met en place dans les grands centres urbains de la région, alimentée par le mécénat des princes.
 

La formation du style classique persan et son épanouissement (1360 - 1460)

La Couronne des actes mémorables
La Couronne des actes mémorables |

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Après la chute des Il-Khâns (1353), une dynastie se met en place en Iran occidental et à Bagdad, les Djalâyerides (1360–1410). Ceux-ci pratiquent un mécénat très fécond. Ils commandent nombre de manuscrits à peintures, dans lesquels la mise en page se transforme, intégrant l’image dans le texte. À la même époque apparaît un nouveau style d’écriture, le nasta’liq, sans doute créé vers 1375 à Tabriz. Le nasta’liq s’adapte à merveille à la copie des textes persans, surtout de la poésie, si bien que dès 1380, il sert à calligraphier des manuscrits.

Les Curiosités des créatures et les merveilles des êtres
Les Curiosités des créatures et les merveilles des êtres |

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Les Cinq poèmes
Les Cinq poèmes |

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Tamerlan, ayant réussi vers 1400 à réunir sous son autorité l’ensemble du plateau iranien, rassemble à sa cour savants, artistes et lettrés de tous les territoires conquis. Il en résulte une synthèse étonnante, d’abord visible dans les manuscrits réalisés vers 1415 à Ispahan et Chirâz, pour son petit-fils Eskandar. L’un des règnes les plus brillants est celui de Bâysonqor, vice-roi timouride de Hérât (1412–1434) ; son ketâbkhâneh continue après sa mort et un autre atelier est en vigueur à Samarqand. À Chirâz se développe un style provincial à la cour des vice-rois Ebrâhim et ‘Abd-ollâh, jusqu’en 1451. L’héritage de ces ateliers princiers est repris par un prince du clan des Qara-Qoyounlous, Pir Bodâq, maître de Chirâz puis de Bagdad jusqu’en 1466

Jardin de fleurs et belles pensées en vers
Jardin de fleurs et belles pensées en vers |

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Le Livre de Kalila et Dimna
Le Livre de Kalila et Dimna |

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L'éclat timouride face au foisonnement turkmène (1460 - 1502)

L’atelier de Hérât connaît à partir de 1460, et jusqu’en 1511, un nouveau souffle. Les sultans timourides du Khorâssân donnent à leur cour un éclat très grand. Le sultan Hoseyn Mirzâ Bayqarâ et son vizir Mir ‘Ali Chir Navâ’i sont eux-mêmes des lettrés, amateurs de poésie, protecteurs attentifs des artistes. Plusieurs enlumineurs et un peintre, Kamâl al-D'in Behzâd, dominent cette période. Behzâd introduit une nouvelle façon de représenter les sujets les plus classiques, accordant grande importance à l’expression des sentiments.

Les Quatre poèmes
Les Quatre poèmes |

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La partie occidentale de la Perse est, jusqu’en 1501, entre les mains de princes turkmènes, les Aq-Qoyounlous, eux aussi grands amateurs de manuscrits enluminés. Moins que dans leur capitale de Tabriz, c’est surtout à Chirâz que se développe tout un art du livre, très fécond. À côté de quelques créations exubérantes, l’illustration exprime surtout l’idéal de la noblesse du temps. Scènes de chasses, de fêtes, de guerres alternent dans de nombreuses copies des grands textes de la littérature persane. Parmi ceux-ci, on trouve surtout poèmes, épopée nationale (Ferdowsi), épopée romanesque (Nezâmî, Khosrow), ainsi que toutes les œuvres constituant le patrimoine littéraire commun à l’aristocratie de la Perse.

Les Huit Paradis
Les Huit Paradis |

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Il faut éviter, malgré les différences de style, de mettre en opposition l’art des cours aq-qoyounlou et timouride, car des échanges incessants sont en cours entre Hérât, Tabriz et Chirâz.

Recueil des œuvres poétiques
Recueil des œuvres poétiques |

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Un héritage partagé (1502 - 1545)

Les ateliers de Chirâz continuent leur activité après la prise de la ville par les Safavides, et manifestent une remarquable vitalité. Les Safavides avaient pris Tabriz en 1501 et devinrent rapidement les maîtres de toute la Perse, jusqu’à Hérât, qu’ils disputeront durant de longues années aux sultans ouzbeks. Les Safavides sont chiites et imposent le chiisme à tous leurs sujets musulmans, ils s’opposent ainsi aux Ottomans, aux Ouzbeks et aux Timourides qui, eux, sont sunnites.

Joseph et Zoleykhā
Joseph et Zoleykhā |

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Deux feuillets d'un manuscrit à peintures montés dans un album
Deux feuillets d'un manuscrit à peintures montés dans un album |

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Dans leur capitale de Tabriz, les premiers Safavides et surtout Châh Tahmâsb, grand amateur de peinture, font réaliser de beaux manuscrits et encouragent les artistes. Ils ont hérité de la tradition aq-qoyounlou et, après 1525, de celle de Hérât dont le peintre Behzâd est la figure de proue. Tabriz, centre très brillant dans le domaine du livre, reste capitale jusqu’en 1548 mais l’État ouzbek des Chaybânides, constitué autour de Samarqand à partir de 1500, possédait lui aussi une semblable tradition locale.

Combat de lutteurs
Combat de lutteurs |

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L’évanouissement du cheikh San’ân apercevant la chrétienne
L’évanouissement du cheikh San’ân apercevant la chrétienne |

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Après 1530, une partie de la tradition timouride de Hérât est reprise par les artistes de la cour de Boukhara et donne lieu à la réalisation de très beaux manuscrits, fidèles répliques de leurs modèles.

Le poète Sa’di en compagnie du sultan
Le poète Sa’di en compagnie du sultan |

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De son côté, l’empereur Homâyoun constitue à Kaboul un premier atelier, qui constitue l’embryon des ateliers moghols d’Inde, et rassemble des artistes de Hérât et de Tabriz. La cour ottomane d’Istanbul accueille également plusieurs artistes venus de Perse. Le style persan est fort estimé des bibliophiles.

La cour persane à Qazvin : une période de transition (1545 - 1600)

Après 1545, l’atelier de la cour safavide perd de l’importance et les commandes royales sont moins nombreuses. La capitale persane est alors établie à Qazvin. En l’absence de mécénat royal, certains des manuscrits à peintures réalisés à Qazvin tendent facilement vers un art semi-populaire.

Reliure persane laquée à décor animalier
Reliure persane laquée à décor animalier |

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Reliure d’un recueil de poèmes représentant un prince assis dans un jardin lors d’une fête
Reliure d’un recueil de poèmes représentant un prince assis dans un jardin lors d’une fête |

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En revanche, Ebrâhim Mirzâ, prince et gouverneur du Khorâssân de 1556 à 1565, fait de cette province, dont la ville principale est Machhad, un centre important, où se retrouvent calligraphes, peintres et relieurs. Plusieurs manuscrits se rattachent à son atelier. La constitution d’albums où alternent calligraphies et peintures isolées est encouragée par des théories qui associent l’esthétique de ces deux arts. À partir du milieu du XVIe siècle, ces albums sont de plus en plus en vogue et supplantent un peu les copies des grands textes de la littérature persane.

Traité d'épistolographie
Traité d'épistolographie |

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Les Qualités des amants
Les Qualités des amants |

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Au Khorâssân, à partir de 1560, se développe, dans le sillage des ateliers de Machhad, un style assez original. Les manuscrits réalisés au Khorâssân dans le dernier tiers du XVIe siècle sont nombreux, et semblent avoir été fort recherchés des bibliophiles.

Le rayonnement international de Chirâz  (1545 - 1620)

Entre 1545 et 1620, après le déclin de l’atelier royal safavide et le changement de capitale, le nombre de manuscrits enluminés réalisés à Chirâz est considérable. Les ateliers de Chirâz continuent sur plus d’un point l’art de la cour de Tabriz sous Châh Tahmâsb, en même temps que la tradition locale. À côté de quelques commandes princières, il s’agit le plus souvent d’une production commerciale destinée à un vaste public aristocratique ou lettré, bien souvent au-delà des frontières de la Perse safavide.

Bahrâm Gûr V terrassant les deux lions
Bahrâm Gûr V terrassant les deux lions |

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Fuite de Farruh
Fuite de Farruh |

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Calligraphie et illustration ont parfois un caractère plus stéréotypé, mais les manuscrits sont objets d’un très riche programme d’enluminures comprenant souvent un très grand nombre de peintures. L’illustration met en scène de nombreux personnages qui semblent comme les acteurs d’un théâtre. Le décor est constitué de paysages aux éléments souvent interchangeables ou d’architectures fortes chargées en motifs décoratifs.

Siège de Hamadân (1221)
Siège de Hamadân (1221) |

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L’évolution artistique que l’on observe à Qazvin laisse transparaître ses effets dès 1575 à Chirâz. Certains manuscrits ont été commandés à Chirâz par des souverains comme les sultans de Golconde au Deccan

Les ateliers de Chirâz sont encore florissants lorsqu’Emâm-Qoli Khân est gouverneur, puis ils cessent leur activité après 1630, au profit de ceux de la capitale. Chirâz est un centre important de production de manuscrits enluminés, sans être capitale politique du royaume.

Le Livre d'Alexandre
Le Livre d'Alexandre |

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Fête donnée par un prince
Fête donnée par un prince |

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Provenance

Cet article provient du site Splendeurs persanes, 1999.­­

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