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Parcours pédagogique

Les villes de demain

Par Céline Poulmane, professeure d'histoire-géographie
Affiche pour le film Metropolis
Dans la continuité du travail engagé dans le premier chapitre du thème 1 de géographie « Les métropoles et leurs habitants », le programme propose de se pencher sur les problématiques liées à « La ville de demain ». Le professeur est ainsi invité à s’appuyer sur les constats des difficultés et des défis posés par l’urbanisation croissante du monde établis dans le chapitre 1 : habiter, cohabiter, se déplacer, gérer la croissance souvent exponentielle des villes.

Ce parcours pédagogique se propose de passer de la fiction à la réalité, de l’imaginaire à la prospective territoriale. Une première approche consiste à utiliser des extraits d’œuvres de fiction afin de comprendre comment les réalisateurs ont imaginé des dystopies ou des utopies urbaines en partant des défis que présentent déjà les villes des années 1920 à nos jours. Puis dans un deuxième temps, le parcours propose de confronter les élèves à la façon dont on pense et réalise la ville du futur à travers une série de documents consacrés à l’avant-gardisme architectural et urbanistique de la fin du 19e siècle aux années 1930.
Les ressources pour réaliser l'activité

Un monument du septième art

Monstre sacré du cinéma, tout à la fois film à grand spectacle, colossal chef d’œuvre et « blockbuster » avant l’heure, Métropolis de Fritz Lang (1927) est une œuvre résolument novatrice. Ancré dans les mémoires collectives comme dans le patrimoine cinématographique mondial, il constitue un des points d’orgue de l’histoire du cinéma allemand des années 1920. Il s’agit d’un film de science-fiction adapté du roman éponyme de Thea von Harbou, l’épouse de Fritz Lang. Ce dernier décrit une dystopie urbaine où une société en proie au progrès industriel et au capitalisme poussé à son paroxysme a scindé en deux sa mégapole : le monde supérieur où les riches commandent et vivent dans l’opulence au grand jour ; le sous terrain où se terre dans la nuit la morne cité ouvrière et où le prolétariat réduit en esclavage est sacrifié chaque jour à la Machine. Cette opposition verticale, chère à l’œuvre de Fritz Lang, reprend et renforce le concept de la lutte des classes dans un monde marqué par le dualisme social.

En substance, Métropolis, œuvre majeure de Fritz Lang, s’est nourrie de nombreuses références dont il a su faire la synthèse, qu’elles soient littéraires (Quand le dormeur s’éveillera, 1897 ; La machine à explorer le temps de H. G. Wells, 1895 ; Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, 1831 ; la Bible…), architecturales et sculpturales (voyage aux Etats-Unis en 1924 et traversée de New-York et Chicago ; éléments architecturaux du Parc Güell d’Antoni Gaudí à Barcelone…) ou encore cinématographiques. On reconnaît ainsi des références à Cabiria de G. Pastrone (1914) dans le traitement terrifiant et monstrueux de la Machine-cœur vue à travers les yeux de Feder et une influence indéniable du traitement des masses dans les films de Lubitsch tels que Mme du Barry (1919). Métropolis synthétise et focalise donc de nombreuses influences tout en contribuant au renouveau de l’art.

Si de nombreuses références sont donc sensibles dans Métropolis, l’œuvre a également atteint la postérité dans la seconde moitié du 20e siècle. On ne compte plus aujourd’hui le nombre de films directement inspirés ou influencés par la ville tentaculaire imaginée par Fritz Lang, et son organisation sociale verticale : de Blade Runner (Ridley Scott, 1982) au Cinquième Élément (Luc Besson, 1997) en passant par Dark City (Alex Proyas, 1998), Akira (Katsuhiro Otomo, 1988) ou encore Métropolis (Osamu Tesuka, 2001), tous ont érigé cette œuvre d’anticipation en un véritable modèle.

Utilisation pédagogique

Métropolis présente le double intérêt de permettre le travail sur des notions au cœur du programme de géographie de 6e (les caractéristiques principales des métropoles, la notion d’habiter, imaginer d’autres manières d’habiter dans le cadre d’une réflexion sur le développement urbain durable) tandis qu’elle autorise également une première réflexion du professeur et de sa classe sur l’art comme témoin de l’évolution du monde contemporain.

Trois séquences sont particulièrement pertinentes :

  1. Ville basse, ville haute (Chapitre 2, Prélude : Enfer et paradis, 4'50 à 9'20) : à l'heure d'un changement d'équipes, des ouvriers, tête basse, se croisent en rangs serrés, certains se rendant au travail, d'autres retournant chez eux à l'aide d'ascenseurs aux barreaux carcéraux. Étouffante, la ville basse, où ils résident, se composent d'immenses immeubles monotones. Au même moment, dans la ville haute, le « club des fils » cultive son corps dans un stade ou se détend dans des jardins luxuriants, en compagnies de jeunes femmes aux costumes extravagants.
  2. La traversée de la ville (Chapitre 4, Moloch – 17’40 à 19’02) : le déplacement de Freder, fils du maître de la ville, vers la « Nouvelle tour de Babel », son centre névralgique, est prétexte à l'exposition d'une cité futuriste, toute en verticalité monumentale, où des moyens de transports multiples (avions, voitures, camions, trains...) empruntent des voies qui leurs sont réservées – et pour une large part, embouteillées.
  3. Vues sur la ville (Chapitre 5, L’autre visage du père – 24’ à 24’26) : depuis son bureau dans la « Nouvelle tour de Babel », le père de Freder observe la ville tentaculaire qu'il dirige : des immeubles gigantesques, aux milliers de fenêtres scintillantes, surmontés d'enseignes d'entreprises.

Pour aller plus loin, il peut être intéressant de proposer aux élèves une comparaison avec un film issu de la « descendance » de Metropolis.

Les ressources pour réaliser l'activité

Dans les années 30, les architectes et urbanistes sont persuadés « qu’une bonne architecture peut améliorer la qualité de la vie des hommes » (Hitchcock). Le CIAM (Congrès International d’Architecture Moderne) est créé en 1928 et souligne alors que les changements structurels que connaît la société impactent de fait l’architecture des bâtiments. Le style international se développe, se met au service de la société de masse et exerce une influence décisive et essentielle sur l’architecture du XXe siècle. Démocratique, ce style est essentiellement dévolu à la construction de logements. Le style architectural doit aller de pair avec la fonction. Le bâtiment est repensé, tout comme la ville et de grands projets voient le jour dans l’après-guerre.

Dans ce deuxième chapitre, le parcours propose de confronter les élèves à la façon dont on pense et réalise la ville du futur en travaillant sur l’avant-gardisme architectural et urbanistique des années 30 aux années 50.  Les élèves seront amenés dans le cadre du programme à réfléchir aux aménagements pour la ville de demain en coopérant et mutualisant pour entrer dans une réflexion prospective collective. Ils auront à développer des projets communs et à imaginer des solutions. Avant cela, il est tout à fait intéressant et approprié de se demander comment architectes et urbanistes ont déjà tenté par le passé de corriger les déséquilibres sociaux et environnementaux observés entres les quartiers, entre les métropoles.

La Cité-jardin de Suresnes et la Cité-Radieuse de Marseille fournissent à ce titre deux exemples pertinents : ils permettent aux élèves de revenir sur les défis que posent le développement des métropoles dans les années 30-50 et les solutions envisagées par les architectes et urbanistes. Ce deuxième chapitre est donc à envisager comme un tremplin vers la réflexion collective qui sera initiée par les élèves sur la ville du 21e siècle.

Pour aller plus loin