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Extrait

Jules Verne père de la littérature d'anticipation selon Michel Butor

Michel Butor, 1966 et 1960

Il a un sens de la description et en particulier de l’énumération tout à fait remarquable. Mais je suis plus impressionné encore par la construction de son œuvre. Il faut la replacer dans les grands ensembles romanesques du XIXe siècle. Toutes proportions gardées, les Voyages extraordinaires représentent une entreprise du même type que La Comédie humaine ou Les Rougon-Macquart.

Tout le monde a lu Jules Verne, et a éprouvé cette prodigieuse puissance de faire rêver qui fut le partage de son génie érudit et naïf. Les mythes que Jules Verne nous exposait, dans son langage précis, nous habitent encore. On peut dire, sans aucune exagération, qu'ils sont à l’origine souterraine de presque toute la littérature « fantastique » moderne, et pour qui lit les anticipations d'écrivains peut-être actuellement plus en renom, il est bien clair qu'elles ont toutes leur première source dans les Voyages Extraordinaires, et qu'elles tirent le meilleur de leurs prestiges de cet arsenal inépuisable d’invention qui paraissait si tranquillement tous les mois dans le Magasin d’Éducation et de Récréation.

Reprenez ces admirables grands volumes que l’éditeur Hetzel avait si somptueusement habillés, et pour qui il savait si bien choisir ses illustrateurs et ses graveurs minutieux : il suffit de promener son regard pendant fort peu de temps sur les paysages sous-marins qui décorent Vingt Mille Lieues sous les Mers, pour que le vieux rêve de marcher au fond des eaux se réveille avec toute sa force.

Michel Butor, « L’image du monde au XIXe siècle », Arts et Loisirs, no 27, 30 mars-5 avril 1966, p. 10.
Michel Butor, « Le point suprême et l’âge d’or à travers quelques œuvres de Jules Verne », dans Répertoire, t. 1, Éditions de Minuit, 1960, p. 130.
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