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Extrait

Un enseignement adapté aux « indigènes »

Georges Hardy, Une conquête morale. L’enseignement en AOF, 1917.

Georges Hardy, directeur de l’instruction de l’AOF entre 1912 et 1920, définit ici les principes de la politique scolaire qu’il met en œuvre sur ce territoire.

1° Mesurer l'extension de l'enseignement aux aptitudes actuelles et réelles de l'indigène. – Un bon jardinier ne soigne pas un rosier sauvage de la même façon qu'une délicate orchidée, et il n'est pas besoin d'être médecin pour savoir que la suralimentation est désastreuse pour certains estomacs. De même, il est certain que l'enseignement des indigènes ne peut se donner les mêmes programmes et les mêmes méthodes au Tonkin et au Congo ; il s'adresse ici à des populations tout à fait barbares, là à des races dont la civilisation, pour différente qu'elle soit, est plus ancienne que la nôtre. Là, on pourra, à la rigueur, prévoir l'organisation d'un enseignement secondaire et supérieur ; ici, l'enseignement primaire, à ses débuts, devra réduire ses programmes les plus modestes et demeurer strictement concret. Une parfaite connaissance de l'âme et de la vie indigènes doit guider ceux qui sont chargés d'organiser les écoles ; les progrès, pour être vraiment utiles, doivent être lents et profonds : ils ne se marquent par nécessairement, comme on le croit trop volontiers, par l'augmentation du chiffre d'élèves, pas plus qu'un beau verger ne doit sa valeur au seul nombre de ses arbres, et il est d'une politique imprudente de couvrir d'écoles, du jour au lendemain, telle colonie, ou de doter telle autre, sans expérience suffisante, des trois ordres d'enseignement. Donnons donc aux intelligences qui nous sont confiées une nourriture appropriée et soigneusement mesurée.

Georges Hardy, Une conquête morale. L’enseignement en AOF, Paris : L'Harmattan, 2005, p. 14 (1re éd. Paris : Armand Colin,1917).
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