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Extrait

Jeunes filles poursuivies par des singes

Voltaire, Candide ou l’Optimisme, chapitre XVI, 1759
Accompagné de son valet Cacambo, Candide se retrouve au Paraguay où il retrouve le frère de Cunégonde, qu’il tue lorsque celui-ci lui refuse la main de sa sœur. Maître et valet s’enfuient alors dans la campagne environnante.

En parlant ainsi, il ne laissa pas de manger. Le soleil se couchait. Les deux égarés entendirent quelques petits cris qui paraissaient poussés par des femmes. Ils ne savaient si ces cris étaient de douleur ou de joie mais ils se levèrent précipitamment avec cette inquiétude et cette alarme que tout inspire dans un pays inconnu. Ces clameurs partaient de deux filles toutes nues qui couraient légèrement au bord de la prairie, tandis que deux singes les suivaient en leur mordant les fesses. Candide fut touché de pitié ; il avait appris à tirer chez les Bulgares, et il aurait abattu une noisette dans un buisson sans toucher aux feuilles. Il prend son fusil espagnol à deux coups, tire, et tue les deux singes. « Dieu soit loué, mon cher Cacambo ! j’ai délivré d’un grand péril ces deux pauvres créatures : si j’ai commis un péché en tuant un inquisiteur et un jésuite, je l’ai bien réparé en sauvant la vie à deux filles. Ce sont peut-être deux demoiselles de condition, et cette aventure nous peut procurer de très grands avantages dans le pays. »

Voltaire, Œuvres complètes, tome 21, Paris, Garnier frères, 1877-1885, pp. 169-170.
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