Découvrir, comprendre, créer, partager

Extrait

La création du monde dans le Livre des rois

Ferdowsî, Le Livre des rois (Shâh Nâmeh), vers 36-60
Monument de la littérature et de la culture iraniennes, le Livre des rois relate, dans son introduction, une cosmogonie où Dieu rencontre les éléments issus de la tradition philosophique grecque.

Il faut que tu saches bien en premier lieu,
Quels furent les éléments des cieux,            

Car Dieu a créé les choses à partir de rien,
Que l’on sache qu’il en est le souverain.

Il fit la matière de quatre éléments,
Il les fit sans peine ni tourments,

Le premier fut en haut le feu de l’éther,
Au milieu l’air, puis l’eau et l’obscure terre,

Dès lors que le feu en bougeant s’accrut,
Par sa chaleur, la sécheresse apparut,

Puis, pendant le repos, le froid fut créé,
Qui engendra par la suite l’humidité,

Les quatre éléments se firent voir,
Alors, se révéla le monde transitoire,

Les éléments se mélangèrent entre eux,
Il s’éleva toutes sortes d’êtres nombreux,

Puis vint la voûte à la course rapide,
Et ses merveilles toujours si splendides,

Les sept planètes sur les douze se plaçaient,
Chacune prenant la place qui lui revenait,

La fortune et la justice alors y apparurent,
Les sages, comme il convient, les reçurent,

Les cieux, l’un dans l’autre, s’emboîtèrent,
Leurs cours, en harmonie, commencèrent,

Avec mers, montagnes, plaines et coteaux,
La terre fut comme un brillant flambeau,

Les monts s’élevaient, les eaux coulaient,
La tête des plantes vers le haut se tendait,

La terre n’avait pas de hauteur où s’asseoir,
Ce n’était qu’un centre tout obscur et noir,

Les étoiles là-haut étaient des merveilles,
Avec la terre que leurs lumières balayent,

Le feu en haut, l’eau en bas eurent séjour,
De la terre, le soleil fit alors tout le tour,

Les herbes grandirent et des arbres variés
Élevèrent leurs cimes, par le sort favorisés,

Ils s’étendent, c’est tout ce qu’ils peuvent,
Ils ne sont point animaux qui se meuvent,

Aussi, quand ceux-ci se mirent à marcher,
Ils écrasèrent les plantes sous leurs pieds,

La faim, le sommeil, le repos les poussent,
Ils veulent avoir une vie bien plus douce,

N’ayant d’usage ni de langue, ni de raison,
Épines et broussailles sont leur alimentation,

Pour eux, bien et mal ne sont pas une fin,
Leur obéissance, le créateur n’en veut point,

Dieu est sage, puissant et de justice féru,
Il ne voit donc pas les secrets comme vertus,

Visible ou non, quelle sera la fin du monde,
Il ne se trouve personne qui y réponde?

Ferdowsi, Shâhnâmeh, Le Livre des Rois, tr. Pierre Lecoq, Paris : Les Belles Lettres, 2019.
  • Lien permanent
    ark:/12148/mm32z6s43d7