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Extrait

Le crocodile égyptien chez Pline l'Ancien

Pline l’Ancien, Histoire naturelle, VIII, 37
L'auteur de L'Histoire naturelle se penche ici sur le cas du crocodile, animal nilotique.

Crocodilum habet Nilus, quadripes malum et terra pariter ac flumine infestum. unum hoc animal terrestre linguae usu caret, unum superiore mobili maxilla inprimit morsum, alias terribile pectinatim stipante se dentium serie. magnitudine excedit plerumque duodeuiginti cubita. parit oua quanta anseres, eaque extra eum locum semper incubat praediuinatione quadam, ad quem summo auctu eo anno egressurus est Nilus. nec aliud animal ex minore origine in maiorem crescit magnitudinem. et unguibus autem armatus est, contra omnes ictus cute inuicta. dies in terra agit, noctes in aqua, teporis utrumque ratione.

Hunc saturum cibo piscium et semper esculento ore in litore somno datum parua auis, quae trochilos ibi uocatur, rex auium in Italia, inuitat ad hiandum pabuli sui gratia, os primum eius adsultim repurgans, mox dentes et intus fauces quoque ad hanc scabendi dulcedinem quam maxime hiantes, in qua uoluptate somno pressum conspicatus ichneumon, per easdem fauces ut telum aliquod inmissus, erodit aluum.

Le Nil nourrit le crocodile, monstre à quatre pieds, et dangereux sur la terre comme dans les eaux. De tous les animaux terrestres, c'est le seul qui n'ait pas l'usage de la langue; seul aussi il a la mâchoire supérieure mobile, et sa morsure est terrible, attendu que les rangées de ses dents s'engrènent en forme de peigne. Sa largeur dépasse presque toujours dix-huit coudées; la femelle pond des œufs aussi gros que ceux d'une oie, et, par une sorte de divination, elle les couve toujours au delà de la limite que l'inondation du Nil atteindra. Aucun animal n'arrive à de plus grandes dimensions relativement à sa petitesse en naissant. Il est armé de griffes, et sa peau est impénétrable ; il passe le jour à terre, la nuit dans l'eau, déterminé dans l'un et l'autre cas par le besoin de la chaleur. Rassasié de poisson et la gueule toujours pleine de débris, il se livre au sommeil sur le rivage; là, un petit oiseau qu'on appelle en Égypte trochilos, et roitelet en Italie, l'invite à ouvrir la gueule pour y chercher la nourriture, nettoyant d'abord le dehors de la gueule en sautillant, puis les dents, et le gosier même, que le crocodile, chatouillé agréablement, dilate autant qu'il peut : l'ichneumon, le voyant accablé par le sommeil au milieu de ce chatouillement, s'élance comme un trait dans son gosier, et lui ronge le ventre.

Désiré Nisard (éd.), Émile Littré (trad.), Histoire naturelle de Pline, t. 1, Paris : Firmin Didot, 1877, p. 333.
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