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Extrait

Vers une définition du romantisme

Stendhal, Racine et Shakespeare, 1825
Au terme de la confrontation entre le modèle classique et le modèle romantique, Stendhal donne un premier contenu théorique au « romanticisme », défini ici comme la prise en compte de l’ancrage historique de la création littéraire et la promotion d’un droit à la nouveauté contre la notion de tradition défendue par les classiques.
 

Le Romanticisme est l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l’état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible.
Le classicisme, au contraire, leur présente la littérature qui donnait le plus grand plaisir possible à leurs arrière-grands-pères.
Sophocle et Euripide furent éminemment romantiques ; ils donnèrent aux Grecs rassemblés au théâtre d’Athènes les tragédies qui, d’après les habitudes morales de ce peuple, sa religion, ses préjugés sur ce qui fait la dignité de l’homme, devaient lui procurer le plus grand plaisir possible.
Imiter aujourd’hui Sophocle et Euripide, et prétendre que ces imitations ne feront pas bâiller le Français du dix-neuvième siècle, c’est du classicisme.

[…]

Il faut du courage pour être romantique, car il faut hasarder.
Le classique prudent, au contraire, ne s’avance jamais sans être soutenu, en cachette, par quelque vers d’Homère, ou par une remarque philosophique de Cicéron, dans son traité De Senectute. Il me semble qu’il faut du courage à l’écrivain presque autant qu’au guerrier ; l’un ne doit pas plus songer aux journalistes que l’autre à l’hôpital.

Stendhal, Racine et Shakespeare, Paris, Le Divan, 1928, pp. 43-45.
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