Découvrir, comprendre, créer, partager

Extrait

À quoi sert la presse people ?

Philippe Marion

Autrement dit, le média people remplit une fonction de médiation en établissant un dialogue entre les polarités paradoxales du populaire : il cherche à rapprocher l’accessible (l’ « homme moyen » ) de l’inaccessible (la sphère mondaine). La médiation people tente d’abolir les distances et ce dans un double mouvement : d’un côté, elle fait "descendre" le monde des vedettes vers le commun des mortels ; de l’autre, elle fait « monter » ces derniers vers les premiers. Ces mouvements ascensionnels et descendants sont solidaires et liés. L’effet conte de fées participe ici d’une fonction très importante de mise en proximité, de familiarisation. D’un côté, il situe les rois et les princes dans leur inaccessible palais tout en invitant le lecteur à s’en rapprocher, à venir les rejoindre. Comme en atteste la fréquence de titres tels que : « Sylvie Vartan. Elle nous reçoit dans sa villa d’Hollywood » (Gala, n° 612, 2 mars 2005). Cette proximisation s’opère aussi sous le mode d’une dramaturgie de l’humain moyen. Car que découvre-t-on dans ces palais et palaces ? De l’humain, basique, universel : celui du relationnel et de l’affect. Des passions amoureuses qui naissent et qui meurent, de la jalousie, des coups de gueule, des divorces, des réconciliations, des naissances, des violences, des déprimes... Bref, tout ce qui forme ce magma de vécu du commun des mortels. Non seulement le gotha n’hésite pas à nous recevoir dans son intimité, mais en plus il ne se distingue que fort peu de nous : voilà ce que la presse people suggère. En quelque sorte, celle-ci intercède pour son lecteur. Sa peoplelisation est un travail d’intercession médiatique, sémiotique et narrative qui vise à incarner familièrement des personnages inaccessibles.

Philippe Marion, De la presse people au populaire médiatique, Hermès, 2005.
  • Lien permanent
    ark:/12148/mmkm2001gnb6w