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La librairie de Charles V

Jacques Bauchant offre son livre à Charles V
Jacques Bauchant offre son livre à Charles V

© Bibliothèque nationale de France

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Charles V (1364-1380), premier roi lettré de la tradition française, installe à l’intérieur du château du Louvre, dans la tour de la Fauconnerie, une vaste bibliothèque. Dans cette « libraire », les collections héritées de saint Louis voisinent avec les nouvelles productions fraîchement traduites du latin au français à la demande du roi lui-même.
Charles V protecteur des lettres
Charles V protecteur des lettres |

© Bibliothèque nationale de France

Charles V est le roi mécène et bibliophile par excellence. Il ne se contente pas de perpétuer une tradition de mécénat artistique ou intellectuel, il construit une véritable politique culturelle avec, en son cœur, les deux éléments principaux que sont le développement de la Librairie royale et les traductions en français.

De cette « librairie » de Charles V au palais du Louvre, plusieurs inventaires ont été conservés : ils classent les livres selon la place qu’ils occupaient dans l’ancienne tour de la Fauconnerie, à l'angle nord-ouest du palais, réaménagée en 1364 pour être transformée en bibliothèque. Composée de trois étages, la tour a des fenêtres étroites, qui sont couvertes de grillage pour empêcher que les oiseaux n’y pénètrent. Les murs de pierre sont « lambrissés de bois d’Illande » pour réchauffer l’atmosphère. Du mobilier est transporté de l’ancien palais de la Cité : sièges, roues à livres, bancs et lutrins. Le souverain dote la bibliothèque d’un « Garde », Gilles Malet, chargé d’en rédiger le premier inventaire.

Les plus de neuf cents volumes qui composent la collection royale sont répartis sur les trois étages en fonction de leurs sujets :
. au 1er étage, la bibliothèque de bibliophilie : les Bibles, les Chroniques, les traductions, tous manuscrits somptueusement illustrés ;
. au 2e étage, la bibliothèque de divertissement : roman de la rose et roman de chevalerie, livres de médecine et plusieurs livres de chansons ;
. au 3e étage, la bibliothèque en latin, contenant en particulier les textes d’astrologie dont le roi est féru, mais aussi plus généralement les manuscrits scientifiques : Encyclopédies, ouvrages d'astronomie, de mathématiques, de géométrie et de divination (géomancie, chiromancie et astrologie).

L’ancien terme de « librairie » est révélateur : il ne s’agit pas d’une bibliothèque au sens où la « bibliothèque » est, étymologiquement, une collection centrée
sur les livres bibliques. Si tous les classiques, et en particulier les livres bibliques comme les Psaumes ou l’Apocalypse, s’y trouvent, la majeure partie des livres est en langue vulgaire. Romans de chevalerie, ouvrages historiques, vies de saints… tous les genres s’y côtoient à l’exception des livres de chasse.

L’originalité de la bibliothèque du Louvre est de détenir beaucoup plus d’ouvrages d’étude que les autres bibliothèques princières. Charles V fait acheter des ouvrages chez les libraires, il en fait copier d’autres repérés dans des collections privées. Enfin il passe de nombreuses commandes de traduction aux personnalités intellectuelles les plus brillantes de son temps. Plus d’un quart des livres commandés par Charles V sont des livres de réflexion politique : le Songe du vergier d’Évrard de Trémaugon, le Livre du gouvernement des rois et des princes de Guillaume Peyraut, le Policratique de Jean de Salisbury ou encore les livres d’Aristote, Éthiques, Politiques et Économiques. Ces traités politiques mettent en avant les prérogatives royales à une époque où le pouvoir royal est affaibli. Charles V s’identifie à un modèle de roi sage et s’écarte du modèle du roi chevalier, batailleur et fougueux.

Entre 1373 et 1380, 76 nouveaux livres entrent dans aa bibliothèque du Louvre, en complément des 917 ouvrages mentionnés en 1368. L’afflux de livres est tel que l’inventaire de 1380 indique la difficulté de les ranger. Dans les années qui suivent la mort de ce roi « sage » (1380), une partie de la collection est dispersée et beaucoup de livres empruntés ou échangés ne reviennent pas dans les murs de la « librairie » du Louvre. Malgré cela, le souvenir de cette bibliothèque est resté prégnant, en particulier au XIXe siècle où elle a été considérée comme un des ancêtres de la Bibliothèque nationale, qui conserve encore, de fait, un certain nombre d'ouvrages qui en sont issus.