Des euros symboliques

De même que les anciennes monnaies constituaient un élément d’identité, voire du patrimoine national, l’euro se doit de manifester une identité européenne ressentie positivement par les différentes opinions nationales. L’enjeu présente donc deux aspects, à savoir la création d’images identitaires européennes forcément originales d’une part et la prise en compte des sensibilités forgées dans les passés nationaux d’autre part, pour assurer une transition en douceur. Le problème a été résolu de deux façons très différentes sur les billets et sur les pièces, la création des premiers étant placée sous la responsabilité d’une institution proprement européenne, l’Institut monétaire européen puis la Banque centrale européenne, celle des secondes laissées aux soins des autorités nationales.

Les billets

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Verso des billets en euros

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Banque centrale européenne / PawełMM-Wikimedia Commons

La nouvelle monnaie unique de papier était vouée à incarner l’unité européenne, unité de valeurs, unité de civilisation, plutôt que la diversité de ses composantes. La typologie en est donc commune à tous les pays participants pour les deux faces. C’est l’architecture dans son histoire et sa symbolique qui a été choisie pour porter l’expression de cette unité dans l’ouvrage, le temps et l’esprit.

Le recto est le côté de l’ouverture à tous les sens du terme, représentée par des portes et des fenêtres. Le verso est celui du lien, de la libre circulation, qui associe des ponts et une carte de l’Europe conçue au sens large de la géographie. Dans l’ordre croissant des valeurs, chaque coupure représente, de l’Antiquité à nos jours, un style architectural qui a marqué une période de l’histoire et de la civilisation européennes par sa diffusion continentale : antique, roman, gothique, Renaissance, baroque, première révolution industrielle, époque contemporaine. Cependant les monuments représentés ici n’existent pas dans la réalité. Même s’ils sont plus ou moins visiblement inspirés d’ouvrages réels (comme l’aqueduc romain), ils ne sont que purs exercices de style, car on a voulu ménager les susceptibilités en refusant de sélectionner tel ou tel monument au détriment des autres parmi les richesses du patrimoine européen. C’est vraisemblablement pour le même motif qu’ont été écartées les représentations de personnages ou d’événements de dimension européenne.

Les formats et la mise en page d’une part, la palette des couleurs utilisées d’autre part renforcent cette impression de recherche d’un consensus, d’une réunion de la tradition de l’Europe du Nord (format, graphisme) et du goût de l’Europe méditerranéenne pour des tonalités tout en retenue.

Les faces françaises des pièces du système euro

Comme les autres pièces européennes, les faces nationales des centimes et euros français s’inscrivent obligatoirement dans le cadre circulaire d’une Europe qui semble devoir être définitivement représentée par douze étoiles.

Les types français ne se distinguent guère par leur originalité au regard du passé mais au contraire par un souci de continuité symbolique lié aussi à la proximité des valeurs libératoires converties. Sur les centimes d’euro (1, 2 et 5 centimes d’euro), on retrouve une Marianne qui prolonge celle des dernières pièces de 5, 10 et 20 centimes de franc, mais qui est passé, du profil à la position de trois quarts face et qui présente un aspect rajeuni, mais d’une beauté volontaire qui confine à la froideur. La France marche ici résolue vers un futur européen.

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Pièce française de 20 centimes d'euros

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Banque centrale européenne

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Pièce de 5 francs de 1960, type Semeuse

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Eric Gaba (Sting)/Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0

Les pièces de 10, 20, et 50 centimes d’euro héritent de la semeuse de Roty (50 centimes, 1, 2 et 5 francs), ou plutôt de ses seuls contours, empreints en relief, donnant une allégorie quelque peu désincarnée et intemporelle. La semeuse travaille désormais non plus sur le seul espace français mais pour la prospérité et la diffusion des valeurs de la République française dans l’ensemble européen.

Le dernier type (1 et 2 euros) poursuit la bichromie, le bimétallisme des pièces de 10 et 20 francs, tout en apparaissant un peu plus créatif, quoiqu’il puisse rappeler l’arbre de la liberté de la période révolutionnaire. Inscrites dans la République (devise « liberté, égalité, fraternité » ) et l’espace français (l’Hexagone), l’histoire et la civilisation de la France (racines et tronc) doivent s’épanouir dans une large ouverture (ramures et frondaison) à un avenir européen (le tout dans le cercle d’étoiles rayonnantes).