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Focus

L’Asie dans l’Atlas catalan

Le Jugement dernier
Le Jugement dernier

Bibliothèque nationale de France

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Fondée essentiellement sur le récit de voyage de Marco Polo, l’Asie est le lieu des épices et des mythes. Sa représentation dans l’Atlas catalan mêle détails réalistes, indications commerciales et êtres imaginaires.

Le Khan de la Horde d’Or
Le Khan de la Horde d’Or |

Bibliothèque nationale de France

La partie orientale de l’Atlas catalan est presqu’exclusivement fondée sur le Livre des merveilles. Récemment intégré à l’empire mongol qui avait unifié les peuples de l’Asie, le Cathay, dans le nord de la Chine, avait été visité pour la première fois en 1253 par un franciscain émissaire de saint Louis, Guillaume de Rubrouck. Sa capitale Cambaluc (ici Chambalech) fait son entrée parmi les hauts lieux de la cartographie ancienne, en compagnie d’un certain nombre d’autres villes chinoises. Parmi elles Canton (Cincalan) n’est pas mentionnée par Marco Polo, mais par un autre franciscain Odoric de Pordenone envoyé du pape auprès du Grand Khan après le retour de Marco Polo. L’auteur de l’atlas a donc manifestement croisé ses sources.
Représenté la tête en bas (les cartes nautiques rappelons-le, n’ont ni haut ni bas) trône précisément le Grand Khan dont la légende explique qu’il est le plus grand souverain de la Terre. Le souverain mongol avait couvert Marco Polo d’honneurs et de cadeaux après lui avoir donné plusieurs missions de confiance.

Alexandre le Grand et un démon
Alexandre le Grand et un démon |

Bibliothèque nationale de France

Au nord, au-delà d’une chaîne de montagnes, qui n’est pas sans rapport avec la muraille de Chine, sont refoulés, toujours plus à l’est, certains personnages mythiques de la cartographie médiévale : l’Antéchrist et le prince de Gog et Magog, ce peuple cité dans la Bible qui aurait été isolé derrière ces montagnes par Alexandre le Grand.
Pour l’Atlas catalan, le monde s’arrête à la mer de Chine. Rien ne laisse supposer que l’auteur soit persuadé de la rotondité de la Terre, alors qu’il nous paraît pourtant très proche de cette vérité. L’île de Sumatra, appelée Trapobana de son nom antique et visitée par Marco Polo, est amputée de sa partie orientale. Elle constitue le bout du monde, la dernière terre avant l’inconnu. Près d’elle, dans une constellation d’îles multicolores, au nombre de 7 548 nous dit le texte, ont été repoussées les terres légendaires transmises par les géographes de l’Antiquité tels que Hérodote, Pline, Isidore de Séville, et affectionnées par le Moyen Âge : les îles aux sirènes, ces êtres mi-femme mi-poisson ou bien mi-femme mi-oiseau. Un peu plus au nord, des insulaires vivent nus, boivent de l’eau de mer et vivent de poisson cru : ce sont les premiers « sauvages ».

Les rois mages en route vers Béthléem
Les rois mages en route vers Béthléem |

Bibliothèque nationale de France

En prenant le chemin du retour vers l’Europe, nous rencontrons deux caravanes. La plus importante longe les monts de Sibérie au nord ; sa légende nous indique qu’elle se dirige vers le Cathay et on l’utilise souvent pour illustrer le voyage de Marco Polo. La plus petite, au centre, n’est composée que de trois cavaliers. Ce sont les rois mages en route pour Bethléem avec pour présents leurs merveilleux produits d’Orient : l’or, l’encens et la myrrhe. Le commentaire signale qu’ils sont inhumés dans la ville de Cologne, où se trouvent encore aujourd’hui leurs reliques.
Plus au sud, tenant une pépite d’or, la reine de Saba, souvent évoquée dans la littérature médiévale, illustre le passé de la riche Arabie. Celle-ci est alors aux mains des musulmans dont la ville sainte, Mecha, est figurée avec un fidèle en prière et l’arche de Mahomet. Ainsi voisinent sur cette carte, œuvre d’un juif, des allusions à l’islam et à la religion chrétienne. Elle offre une synthèse des cultures latine, chrétienne, juive et arabe.