Les monnaies françaises depuis la Révolution (1791-1964)

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5 décimes de la Première République
Le 12 septembre 1793 était décidée la fabrication d’espèces de 5 décimes. Mais ces monnaies n’ont quasiment pas été frappées. Elles portent au droit la fontaine d’Isis, la date et la signature du graveur, Dupré. Au revers, à l’intérieur de la légende RÉPUBLIQUE FRANÇAIS et d’une couronne de chêne et d’olivier, on lit la valeur de la pièce, qui surplombe le bonnet de la liberté. Sur la tranche est gravée la devise ÉGALITÉ. LIBERTÉ. INDIVISIBILITÉ.
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Monnaies de la Révolution
Les monnaies courantes de la monarchie constitutionnelle
Le 11 janvier 1791, une loi édicta la fabrication en urgence de nouvelles espèces, toujours libellées en sols et deniers, et le recours à des types originaux.

Double sol de la monarchie constitutionnelle
Le décret du 17-20 mai 1791 détermina le type des pièces de cuivre de la monarchie constitutionelle : l’avers conservait une effigie de Louis XVI, celle de Duvivier, tandis qu’au revers, on trouvait un faisceau traversé d’une pique portant le bonnet de la liberté. La légende était « la nation, la loi, le roi » autour d’une couronne de feuilles de chêne.
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L’effigie de Louis XVI demeura sur le droit des pièces. La représentation choisie fut celle de Duvivier.
Le revers, sélectionné fut celui d’Augustin Dupré, graveur très proche des révolutionnaires, qui devint graveur général de la monnaie à la place de Duvivier. Il représentait le Génie de la France, personnage ailé debout devant un autel et gravant sur des tables le mot Constitution au moyen d’un sceptre à l’extrémité duquel l’œil ouvert figurait la raison. Le coq symbolisait la vigilance, le faisceau, l’union et la force, le bonnet, la liberté. La légende retenue, « Règne de la loi », remplaçait la vieille légende latine, sit nomen domini benedictum ( « béni soit le nom du Seigneur » ), introduite sous le règne de saint Louis.
Les monnaies de cuivre prévues par le décret du 17-20 mai 1791 ne portaient au revers qu’un faisceau traversé d’une pique portant le bonnet de la liberté. La légende était « la nation, la loi, le roi » autour d’une couronne de feuilles de chêne.
La Première République (1792-1799)
Avec la chute de la monarchie (10 août 1792), l’avènement de la République (20 septembre 1792) et la mort de Louis XVI (21 janvier 1793), la Convention voulut manifester le changement de régime sur les monnaies aussi.
Le premier type républicain fut une simple couronne de feuilles de chêne accompagnant la mention « République française » (5 février 1793), alors que sur l’autre face, le type du Génie était conservé (monnaies d’or de 24 livres et d’argent de 6 livres en 1793). Pour le cuivre, le type était aussi dû à Dupré : la Table et les balances (justice, équité).
Le décret du 24 août 1793 introduisit le système décimal (1 livre = 10 décimes, 1 décime = 10 centimes) en prescrivant une nouvelle émission de divisionnaires qui ne fut quasiment pas mise en œuvre.
Le décret de la Convention du 8 octobre 1793 posait le principe d’un monnayage républicain d’or et d’argent au titre de 900/1000e, la républicaine (argent) et le franc d’or, devant peser 10 g pour une unité à nommer mais qui pèserait un centième du grave (kilo) d’argent ou d’or. Ce texte resta à court terme sans effet au vu de la situation financière et monétaire du pays.
La loi du 28 thermidor an III (15 août 1795) qui donna à l’unité monétaire le nom de franc et la divisait en 10 décimes de 10 centimes chacun indiquait quelles espèces étaient à frapper (pièces de 1 (5 g), 2 et 5 francs d’argent et divisionnaires en cuivre, 2, 1 décime, 5, 2, 1 centime) et leur type.

Cinq francs de la Première République
Sur le revers de cette pièce de cinq francs créée par Augustin Dupré, la légende est entourée d’une couronne de feuilles de chênes, tandis que l’avers représente Hercule unissant la Liberté et l’Égalité, selon une esthétique néoclassique.
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Augustin Dupré, médailleur attitré du nouveau régime, imposa ses projets avec l’appui influent du peintre David. Selon les canons artistiques de la fin 18e siècle, marqués par le goût néo-classique, les pièces présentaient des figures inspirées de l’Antiquité gréco-romaine. Celles d’argent portaient la représentation d’Hercule entre deux allégories féminines de la Liberté (bonnet sur une pique) et l’Égalité (niveau de maçon). Ce modèle avait déjà proposé par Dupré en 1791, sur une suggestion de David. Les monnaies de bronze portaient une figure de la République et une allégorie de la Liberté, un buste féminin très sobre (de Minerve ? ), devant incarner démocratie, justice et vertu. Il était coiffé du bonnet phrygien, symbole de liberté et d’égalité dans une référence erronée au bonnet en fait grec que le maître posait sur la tête de l’esclave qu’il affranchissait.
Monnaies du Premier au Second Empire
Le Consulat et le Premier Empire (1799-1815)
Le retour d’un pouvoir personnel sous le Consulat et le premier Empire entraîna naturellement le retour de l’effigie du monarque comme type monétaire principal. L’article 16 de la loi du 17 germinal an XI indiquait les types de la nouvelle monnaie : au droit, l’effigie de Bonaparte accompagnée de la légende « Bonaparte Premier consul ».
Le nouveau graveur général, Pierre-Joseph Tiolier, resta en place jusqu’en 1816. Après un concours pour choisir les gravures des monnaies d’or et d’argent, Droz l’emporta pour l’or, Brenet pour l’argent, mais en attendant que leurs poinçons et coins et coins fussent prêts, Tiolier utilisa sa propre gravure de l’effigie du consul.

Pièce de 20 francs or, dite Napoléon
La pièce de 20 Francs Or Napoléon Empereur de l’An 12 a été créée par le décret du 7 messidor An XII (correspondant au 26 Juin 1804). Elle représente, au droit, le buste de Napoléon Ier, identifié comme empereur par la légende circulaire, de profil, tête nue. Au dessous prend place la signature, en cursif, du graveur Pierre-Joseph Tiolier. Au revers, les mots « REPUBLIQUE FRANCAISE » servent de légende circulaire, tandis que dans une couronne formée de deux branches de laurier est indiquée la valeur de la pièce : 20 francs. À côté du millésime, on aperçoit à gauche le coq, emblême national, et à droite la lettre A, qui désigne l’atelier de Paris, comme sur les monnaies d’Ancien Régime. Sur la tranche de la pièce, on lit également « DIEU PROTEGE LA FRANCE ».
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Un décret du 17 messidor an XII remplaça la titulature consulaire par l’impériale en laissant « République française » au revers. Les nouvelles empreintes furent enfin utilisées en l’an XIII. À partir de 1806, les monnaies impériales retrouvèrent un millésime traditionnel. En 1807 l’effigie de l’empereur dut porter une couronne de laurier et en 1809, la légende « République française » fut remplacée par « Empire français ».
La Restauration et la monarchie de Juillet (1815-1848)
Les rois de la Restauration et de la monarchie de Juillet ne dérogèrent pas à la règle, si ce n’est que les monnaies de Louis-Philippe prirent en compte le significatif changement de titulature, le « roi de France » devenant le « roi des Français ».
Durant la première Restauration (1814) ne furent effectivement frappées que des pièces de 20 francs et 5 francs, portant au droit un buste de Louis XVIII par Tiolier et au revers les armoiries royales à trois fleurs de lis. L’inscription de la tranche, « Dieu protège la France » qu’on avait toujours conservée depuis 178 fut remplacée par Domine salvum fac regem ( « Seigneur, protège le roi » ).

Pièce de cinq francs de Louis-Philippe
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Avant les Cent-Jours, un concours avait été lancé pour de nouvelles empreintes, et le résultat fut connu au retour définitif du roi. C’est le graveur Michaut qui l’emporta pour l’or et l’argent. Le buste du roi habillé d’un « collet » laissa la place à un buste au cou nu. Michaut gagna ensuite le concours relatif aux monnaies de Charles X.
La révolution des 27, 28 et 29 juillet 1830 et l’avènement de Louis-Philippe d’Orléans changèrent forcément les types monétaires. Tiolier fils grava provisoirement une effigie à la tête nue comme celle des deux rois précédents. Le graveur Domard fut primé au terme d’un nouveau concours. Le roi des Français portait une couronne de feuilles de chêne.
La Deuxième République (1848-1851)
Le 3 mai 1848 la nouvelle République prescrivit la frappe de monnaies d’or, d’argent et de cuivre au type de la République et organisa donc un nouveau concours en demandant aux candidats d’imaginer un type pour chaque métal. La fabrication devait commencer en 1849.

Pièce de 20 francs de la Deuxième République
Cette pièce, conçue par le sculpteur Louis Merley, présente à son droit la figure de Cérès, couronnée d'épis de blés, surmontée d'une étoile à six branches et accompagnée d'un faisceau de licteur. Son oreille est ornée d’un pendentif en forme d’équerre maçonnique. Au revers, la devise républicaine s'accompagne d'une couronne de lauriers et de feuilles de chêne. L'atelier de Paris est encore désigné par la lettre A, comme sous l'Ancien Régime.
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Le type de Domard pour le cuivre ne fut jamais produit par manque de temps : on réutilisa la Liberté au bonnet de Dupré. Au demeurant les graveurs primés exprimèrent une telle révérence vis-à-vis de la République qu’ils restèrent fidèles au classicisme antiquisant. La divinité Cérès (fertilité, abondance de la terre de France avec les épis de blé dans sa chevelure) des pièces d’argent d’Oudiné paraît encore plus austère que la Liberté de Dupré. Elle devait être accompagnée du bonnet phrygien et de deux symboles maçonniques, le niveau et fil à plomb (équilibre, modération) et les mains jointes (l’union) ; mais on préféra pour les pièces courantes une étoile à six branches (rayonnement), plus universelle.
Le type gagnant de Merley pour l’or est également une Cérès parée d’épis et ornée d’un pendentif en forme d’équerre maçonnique et accompagnée d’un faisceau de licteur romain (pouvoirs du magistrat élu dans la Rome républicaine).
Le Second Empire (1852-1870)
Le retour de l’Empire se traduisit par le retour des légendes impériales. Le profil de l’empereur est coiffé d’une couronne de lauriers après 1860 pour honorer ses victoires en Crimée et en Italie. Au revers des espèces d’or et d’argent figurèrent les grandes armoiries impériales avec l’écu à l’aigle, sauf sur les pièces de 50 et 20 centimes (argent) qui portèrent la couronne impériale. Le monnayage de bronze (5, 2 et 1 centimes) représentait l’aigle posé sur un foudre.

Cinq francs de Napoléon III
Cette monnaie provient d’un « trésor » retrouvé à Déchy, dans le nord de la France, mais elle a été frappée à Strasbourg. Réalisée en argent, elle vaut 5 francs et représente, sur son droit, le buste de Napoléon III dont la tête est ceinte d’une couronne de laurier et sur son revers, les armoiries impériales.
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Monnaies de la Troisième République
Peut-être en liaison avec les circonstances douloureuses et chaotiques de sa naissance, peut-être par volonté de s’inscrire dans la tradition républicaine, le nouveau régime fit tout d’abord réutiliser les empreintes d’Augustin Dupré et d’Oudiné. Puis, enfin stabilisée politiquement, la République put exister personnellement dans ses propres types monétaires.
Naissance de la Semeuse
En 1895, le ministre des Finances Paul Doumer, graveur lui-même, fit appel à trois artistes, Chaplain, Roty et Daniel-Dupuis pour créer les types des monnaies d’or, argent et bronze sans contrainte, en toute liberté de choix de sujet. Le seul élément commun fut le bonnet phrygien.
Chaplain et Daniel-Dupuis proposaient un buste féminin moderne, resté très sévère chez le premier. Roty présenta la première République en pied, la semeuse. Les trois, néanmoins, faisaient passer la représentation du symbole de l’idéal, le mythe à plus de réalité, de naturalisme : la divinité laissait la place à la féminité, notamment celle de Daniel-Dupuy, douce et souriante. Le rayonnement de la France républicaine ne se représentait donc plus par une étoile, mais par une jeune femme semant au vent le bon grain sur un fond irradié par le soleil.
Pour la pièce de 20 francs or, successeur du louis et du napoléon, marque populaire de la fortune, Chaplain choisit le coq. Il apparaissait déjà comme élément secondaire de type sur les monnaies de la monarchie constitutionnelle (1791-1792) avec le Génie de la France, et sur celles de Louis-Philippe. Le coq à l’allure énergique voire martiale symbolisait pour les uns la vigilance et le courage, pour les autres la nation française, le mot latin gallus ayant depuis la Renaissance latinisante donné lieu à un jeu de mot à cause de sa double signification, ( « Gaulois » et « coq » ).

Pièce de 20 francs de la Troisième République
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Le revers des bronzes de Daniel-Dupuy est plus complexe : la République casquée tenant le drapeau national d’une main et le rameau d’olivier de l’autre figure la France vaincue par l’Allemagne en 1870-1871, prête à la guerre mais aspirant à la paix ; sous sa protection, l’enfant tient d’une part un épi de blé, de l’autre un maillet pour signifier que les Français peuvent travailler, prospérer et faire prospérer l’agriculture et l’industrie nationales à l’abri du régime républicain.
La semeuse parut à partir de 1897 sur les pièces de 50 centimes, 1 et 2 francs (1898) en argent, le type de Daniel-Dupuy à partir de 1898 pour les divisionnaires de bronze, les pièces d’or de Chaplain l’année suivante.
En 1903 était prévue l’émission de pièces de nickel, en particulier celle de 25 centimes. Le graveur général de la monnaie Auguste Patey réalisa un modèle : la République, sous forme d’une femme au bonnet posé de façon plus légère sur une abondante chevelure dénouée ; on retrouvait au revers le faisceau de licteur quoique adouci par les feuilles de chêne.
La franc Poincaré
La mise en place du franc Poincaré (loi du 25 juin 1928) entraîna la création d’espèces, 100 francs or, 20 et 10 francs argent. Le jury du concours désigna Bazor pour l’or, Turin pour l’argent. En outre il nomma Morlon pour faire les coins de la menue monnaie.

Pièce de 100 francs de la Troisième République
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Les Républiques de Bazor et Turin sont de nouveaux des bustes de profil coupés au cou. On retournait aussi à la sévérité dans un tracé rigide et anguleux, avec une chevelure entièrement prisonnière du bonnet phrygien. Les ailes chez Bazor évoquaient le Mercure protecteur du commerce et de l’industrie, tandis que le revers des pièces de Turin portait les épis de blé encadrant la devise de la République. La Cérès de Morlon (1931) était elle aussi très figée ; le revers portait deux cornes d’abondance.
La pièce de 5 francs de Lavrillier (1931) est au contraire beaucoup moins allégorique : c’est le profil d’une femme des années 1930, le bonnet ayant été abandonné.
Monnaies pendant et après la Seconde Guerre mondiale
L’État français sous le régime de Vichy
Les espèces frappées au nom de l’État français furent peu nombreuses. Une pièce de 5 francs gravée par Bazor portait le profil du maréchal Pétain et la francisque avec le bâton de maréchal au revers. La devise du nouveau régime, « travail famille patrie », fut substituée à la devise républicaine.
Les pièces de 2 francs, 1 franc et 50 centimes furent frappées jusqu’en 1943 selon le type de Morlon d’avant-guerre, puis au type de la francisque accostée de deux épis de céréales au droit et deux branches de chêne au revers, avec la nouvelle devise. Les divisionnaires de zinc (20 et 10 centimes) portaient ces mêmes végétaux et le nom de l’État français.

Franc dit « à la francisque »
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La Quatrième République
Les types d’avant-guerre furent utilisés jusqu’en 1950. Par la suite, les pièces de 50, 20 et 10 francs en bronze d’aluminium portèrent une Marianne nu-tête avec une cocarde, réalisée par Georges Guiraud.

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La Cinquième République et le nouveau franc
La mise en place du nouveau franc en 1958 fut l’occasion de se démarquer du précédent régime dans les espèces monétaires. On choisit la semeuse de Roty pour se rattacher à la tradition de bonne et stable monnaie du franc germinal du début du 20e siècle, à la fois sur les pièces de 1 franc (nickel) et de 5 francs (argent).

Pièce de 5 francs de 1960, type Semeuse
En revanche, le type des monnaies divisionnaires (50, 20 et 10 centimes puis 5 centimes) fit l’objet d’un concours (1961) remporté par Henri Lagriffoul avec une Marianne dont les mèches de cheveux longs flottent hors du bonnet phrygien et dont le visage et le buste graciles correspondent aux canons esthétiques contemporains.
L’Hercule d’Augustin Dupré reparut une troisième fois en 1964 sur les pièces de 10 francs.