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Focus

Lorenzaccio face à la critique

Depuis La Nuit vénitienne ou les Noces de Laurette qui a connu un échec retentissant en 1830 au théâtre de l’Odéon, Musset écrit des pièces de théâtre à lire « dans un fauteuil », refusant de les représenter. C’est le cas de Lorenzaccio qui, publié en 1834, est très loin de rencontrer un accueil chaleureux de la part des critiques. La première représentation n’a lieu qu’en 1896, près de quarante ans après la mort de son auteur.

Catulle Mendés

« On a lieu d’être choqué par l’incohérence des multiples actions enchevêtrées, mal excusée d’une fausse ressemblance avec la logique du désordre shakespearien ; oui on est agacé par le dandysme de la vertu bafouée, de l’héroïsme aboli, de l’idéal ravalé à la chimère d’une griserie de vin d’Espagne […] et surtout on reste navré d’un style incorrect, lâche, épars et turbulent où il semble que la syntaxe ait la danse de Saint-Guy, où des images qui n’avaient que faire ensemble, se rebiffent et se collettent en le tohu-bohu de l’extravagance […] Eh bien tout de même, à chaque moment de ce drame extraordinaire jusqu’à l’évidence du fait-exprès d’être étonnant et fou jusqu’au médiocre, surgit, éclate, rayonne, le primesaut du génie. »

Le Mouvement poétique français de 1867 à 1900, 1903 (à lire sur Gallica).

Philarète Chasles

« Le drame de Lorenzaccio n’est pas un drame mais un amas de faits, un tumulte d’entretiens [sic], un luxe de mal qui n’intéresse personne […]. Ici on ne sait point où l’on est ni avec qui l’on vit, on voit des empoisonnemens [sic] absurdes, des cruautés de monomanes et je ne sais quoi encore. M. de Musset était à l’aise ''dans un fauteuil'' quand il a écrit tout cela ; mais le lecteur est fort en peine d’y trouver un spectacle. »

Journal des Débats politiques et littéraires, 4 octobre 1837 (à lire sur Gallica).

Théophile Gautier

« M. Alfred de Musset, l’un des plus élégants et des plus spirituels auteurs de ce temps-ci, a publié sous le titre d’Un spectacle dans un fauteuil, une collection de charmantes petites comédies qu’aucun directeur de théâtre ne voudrait assurément représenter mais qui n’en sont pas moins les plus délicieuses bluettes que l’on puisse imaginer […] et ce n’est que dans les comédies romanesques de Shakespeare que vous trouverez ce mélange de sensibilité, d’humour et de poésie ; il est fâcheux que le Spectacle dans un fauteuil ne puisse devenir le Spectacle dans une loge […]. Parmi ces pièces il s’en trouve une qu’aucun maître ne désavouerait, nous voulons parler de Lorenzaccio […]. C’est une magnifique étude philosophique d’un comique terrible et douloureux qui fait le plus grand honneur à M. de Musset comme poète et comme philosophe. »

La Presse, 27 août 1839 (à lire sur Gallica).