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Colophons des éditions typographique et xylographique du Jikji 1

Comparaison des premières pages des coplophons
Mise en vis-à-vis du début des kan’gi (colophons) des deux éditions anciennes du Jikji.
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L’exhortation du maître de Chan Jianfu Chenggu
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Titre complet du Jikji
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Date, technique et lieu d’impression
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Fin de la postface
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Début du colophon
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Le « mémoire de publication » kan’gi d’Asie Orientale présente des points communs avec le « colophon » de l’histoire du livre en Europe. Il consiste en une note placée en fin d’ouvrage, donnant des informations sur la date et les circonstances de la publication. En contexte bouddhique, le kan’gi indique la localisation du monastère et le rôle des fidèles religieux ou laïcs dans l’œuvre éditoriale : donateurs, collecteurs et autres, ainsi que leur statut ou état religieux.
La comparaison des « mémoires de publications » est donc instructive pour comprendre les spécificités des différentes éditions, en particulier quand il s’agit d’un même ouvrage imprimé grâce à des techniques différentes. Dans le cas du Jikji, les colophons respectifs précisent que l’édition typographique réalisée à partir des caractères fondus du monastère de Hŭngdŏk fut achevée un an avant l’édition xylographique du monastère de Ch’wi’am, grâce à l’engagement d’acteurs communs : les disciples de Paegun.

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Mise en vis-à-vis du début des kan’gi (colophons) des deux éditions anciennes du Jikji.

Première page des kan’gi de l’édition typographique de 1377, à droite, et de l’édition xylographique de 1378, à gauche

L’exhortation du maître de Chan Jianfu Chenggu

Édition typographique de 1377

Dernier extrait de la seconde partie du Jikji.
Traduction : 165. Exhortation au bien du maître de Chan Jianfu Chenggu
Maître de Chan Chenggu exhortait constamment tout le monde [à ceci] :
« N’étudiez pas le Dharma de bouddha, mais cherchez seulement à atteindre par vous-même l’état de non-pensée. Ceux qui ont des prédispositions avantageuses se libèrent en une journée, ceux qui ont des prédispositions moins affûtées mettront trois à cinq années, voire dix ans au maximum. Si vous ne réalisez pas l’Éveil, votre vieux moine entrera à votre place dans l’enfer des menteurs où sont arrachées les langues. »

Le choix de cet extrait à la toute fin de l’ouvrage n’est pas anodin. ll n’est pas motivé par une logique de progression chronologique. Il exprime la certitude de Paegun dans l’efficacité universelle des enseignements du Chan des Patriarches, et son corolaire : la responsabilité des maîtres expérimentés dans le secours des êtres. En cela, l’enseignement de Paegun réalise l’idéal de l’école Sŏn : l’Éveil bénéfique à l’individu et à la multitude pour se libérer de la souffrance inhérente à l’existence humaine.

Titre complet du Jikji

Édition typographique de 1377

La notation de l’intégralité du titre d’un ouvrage dans les éditions coréennes anciennes apparaît au début et à la fin de chaque grande division des cahiers imprimés : le « rouleau » dont le nombre de pages n’est pas fixe. Ici, le titre est mentionné à la fin du « rouleau inférieur ».
Traduction du titre : Compilation par le Révérend Paegun d’extraits essentiels de la montrance directe du substrat de l’esprit par les bouddhas et les patriarches

La longueur du titre du Jikji en 14 sinogrammes (Paegun hwasang ch’orok pulcho chikchi simch’e yojòl) explique l’usage d’une abréviation qui reprend l’abréviation du « cœur de planche » (titre courant) en deux caractères (les 9e et 10e) : chik chi : « montrer directement ». On note que dans l’édition de 1378, l’abréviation utilisée dans le cœur de planche n’est pas la même : sim yo (11e et 13e caractères du titre). La tranche de queue de l’édition de 1377, comporte l’abréviation : Jikji simgyeong. Le titre abrégé de Jikji a été adopté dans les médias dans un sens élargi pour désigner l’ouvrage indépendamment des différentes éditions, comme en témoigne, par exemple, le prix Jikji de l’UNESCO. On observe une tendance à désigner le Jikji par l’abréviation Jikji simche yojeol en Corée du Sud au 21e siècle.

Date, technique et lieu d’impression

Édition typographique de 1377

Début du « mémoire de publication » : les informations sont données dans cet ordre : datation, lieu de fonte des caractères, technique utilisée, usage.
Traduction : « Un jour de la 7e lune de l’an 7 de l’ère Xuanguang, en chŏng-sa
Imprimé et diffusé en caractères fondus du monastère de Hŭngdŏk de l’extérieur de la préfecture de Chŏngju »

Ce passage du Jikji est important dans la mesure où il constitue un premier élément de preuve de la datation de l’ouvrage. Lors de copies, les colophons étaient parfois reproduits à l’identique, si bien qu’une datation fiable doit s’appuyer sur d’autres critères, notamment matériels. La date est signifiée par deux éléments : 1) le nom d’ère, en l’occurrence l’ère de Xuanguang (1369-1377) du souverain (Zhaozong, r. 1370-1378) de la dynastie des Yuan du Nord (1368-1388) ; 2) la combinaison de deux caractères cycliques : la 54e dans le cycle sexagésimal associant le 4e des 10 troncs célestes et le 6e des douze rameaux terrestres. Abandonné en 1356, l’usage du nom d’ère des Yuan fut réinstauré officiellement pendant une courte période (1377-1378), à l’occasion de la réception des émissaires des Yuan du Nord à la cour du Koryŏ, alors sous l’influence du lettré fonctionnaire Yi Inim (?-1388), partisan d’une politique pro-Yuan ; le roi coréen U n’était alors âgé que de quinze ans. Un calendrier luni-solaire était utilisé au Koryŏ : combinant quatre saisons (solaires par définition) et lunaisons (du cycle lunaire divisé en mois de 30 jours). Le bon fonctionnement d’un tel calendrier nécessitait l’insertion périodique de mois intercalaires selon le cycle de Méton.
Le monastère de Hŭngdŏk, quant à lui, présentait la difficulté de n’être mentionné dans aucune source écrite médiévale. Au cours d’une fouille archéologique de sauvetage à Ch’ŏngju effectuée en 1985, le site du monastère a été mis au jour et authentifié par des inscriptions sur des objets de culte. Le monastère aurait été incendié lors d’une incursion dévastatrice de la piraterie japonaise vers 1378, puis laissé à l’abandon.
Enfin, le « mémoire de publication » (appelé par commodité ici « colophon »), indique que l’ouvrage fut imprimé en « caractères fondus » chuja et diffusé comme don. L’objet n’aurait donc pas fait l’objet d’une marchandisation. La mention la plus ancienne des « caractères fondus » dans les sources est datée de la première moitié du 13e siècle.

Fin de la postface

Édition xylographique de 1378

Il s’agit ici de la partie finale de la postface à l’édition xylographique de 1378 publiée au monastère de Ch’wi’am où Paegun avait quitté ce monde quatre ans plus tôt. 1378, se situe une année seulement après l’édition typographique établie à partir des fontes du monastère de Hŭngdŏksa (exemplaire conservé à la BnF).   
Traduction : Postface de l’édition de 1378
(donnée ici entière pour une meilleure compréhension)

« Entrer dans la sainteté, dépasser les hommes ordinaires et ne pas en imposer.
Dragon couché craint durablement la pureté du clair étang.
Si l’on cherche durablement à ce qu’il en soit ainsi,
Comment la grande Terre aurait-elle laissé mémoire d’un nom ?
Naissance, tenue, différenciation et disparition de la pensée ; naissance, vieillissement, maladie et mort du corps ; formation, maintien, effondrement et anéantissement d’un territoire sont douze sortes de choses propres [à susciter] une extrême stupéfaction.
L’ascète du Sŏn Pŏmnin vint me trouver animé de la recherche sincère de propos [d’enseignement]. Il aida mes affaires avec prudence. Je ne pus faire autrement que de frotter mes yeux fatigués et copier les extraits importants du Pulcho chikchŭng simch’e, les rassemblant en deux livres. J’ai répondu à sa sincérité en lui faisant cette demande [le texte de la page commence ici] : “Il n’y a jamais eu de génération spontanée de Sākyamuni ni de Maitreya. Saisir immédiatement l’éclat de la beauté, et voir ce qui est en dehors des mots. C'est cela qui convient.”
L’année se trouvant en im-ja [1372], la 9e lune, demeurant dans les monts Sŏngbul, écrit de la main du vieux bhikṣu Kyŏnghan Paegun à l'âge de soixante-quinze ans.
Les anciens disent : “Prendre une grande décision et formuler un vœu ne se fait assurément pas dans les moments perdus où l’on s’adonne à des pensées frivoles. Ce n’est qu’en ayant atteint le niveau auquel les Anciens eux-mêmes étaient parvenus que l’on peut alors faire halte et s’arrêter.”
Ils disaient encore : “L’enseignement des [bouddhas] anciens illumine l’esprit, n’est-il pas vrai ?” »

La postface de l’édition xylographiée du Jikji de 1378 présente l’intérêt de citer un court écrit de Paegun datant de 1372 dans lequel il rapporte les circonstances de la compilation du Jikji. L’explication donnée n’est pas contradictoire avec l’interprétation selon laquelle le Jikji serait une version construite à partir d’un ouvrage chinois confié en 1352 par son maître Shiwu Qinggong (1272-1352). Compilé à la fin de sa vie, l’ouvrage peut être considéré comme une synthèse de propos jugés les plus efficaces, parfois résumés à leur pointe, et adaptés à une large diversité de situations de pratiquants.

Début du colophon

Édition xylographique de 1378

Date indiquée dans le « mémoire de publication » :
Traduction : « Un jour de la 6e lune de l’an 8 de l’ère Xuanguang, en mu-o »

La date est signifiée par deux éléments : 1) un nom d’ère de Xuanguang (1369-1377) de la dynastie des Yuan du Nord (1368-1388) ; 2) la 55e combinaison dans le cycle sexagésimal associant le 5e des 10 troncs célestes et le 2e des douze rameaux terrestres.