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Haute Égypte

Le secret de l’histoire naturelle contenant les merveilles et choses mémorables du monde
Haute Égypte
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Si le paysage de la Basse Égypte semblait dépourvu d’humanité, en revanche pour décrire la Haute Égypte l’auteur n’a retenu de la longue légende que deux scènes qui marquent le triomphe de l’humanité sur la bestialité.
Deux scènes séparées, nettement individualisées tant par la couleur des paysages que par le fleuve, sans doute le Nil où se baigne un dragon, qui traverse l’espace en diagonale. D’un côté, par delà le fleuve, le désert, avec au fond un établissement religieux, église et monastère. Peut-être l’abbaye de ces “religieux hermites” que décrit le texte, dont un jeune moine vient puiser l’eau du fleuve “qui estoit a deux mille loin de l’abbaye”, afin, par obéissance, d’arroser une branche sèche plantée par son abbé jusqu’à ce qu’enfin elle reverdisse. C’est dans ce désert que se produit la rencontre de saint Antoine avec un homme sauvage :

Il rencontra un petit homme sauvage tout velu et tout nu qui avoit les narines presque toutes renversées, le front cornu et les piez comme une chèvre, lequel lui fist une moult grant révérence et lui donna par manière d’onneur des dattes que il portait.

Il s’agit d’un Faune, sorte de reliquat de divinités anciennes, dont on aperçoit la troupe, sous forme d’ombres, à l’arrière plan, qui lui indique son chemin et décline son humanité :

Et lors saint Antoine le conjura au nom de Dieu en lui commandant que il lui dist qui il estoit et de quelle condicion. Adonc il lui respondit : “Je suis homme meortel qui demeure et habite en ces désers, et suis un dou troupe des Faunes et Satires et Incubes que la gent paysanne qui est moult aveuglée par diverses erreurs, a accoustumée de adourer par ydolatrie ancienne.

Et de demander humblement au saint de prier pour lui et son peuple :

Item je suis cy envoïé en ambassade par devers toy de par la commune de ceulx de nostre estat et de nostre condicion qui te requièrent que tu veuilles prier pour nous le Dieu qui est commun à touz qui est Dieu des dieux, duquel tu es loyal serviteur, car nous avons eue certaine cognoissance que il est en ce monde venu pour le salut de tous les hommes, et en toutes terres en est déjà la renommée, et en touz lieux a esté ouÿ le son de sa parole”.

Un récit célèbre, rapporté par saint Jérôme dans la Vie de Paul l’ermite, par Sulpice Sévère dans ses Dialogues, destiné à nier l’existence des Faunes, Satyres et autres divinités païennes, et dont on ne saurait douter :

“Cet épisode ne doit susciter ni scrupule ni incrédulité. Il voit sa véracité défendue sous le règne de Constance, avec le témoignage de l’univers entier. Car un homme de cette espèce fut amené à Alexandrie, vivant – grand spectacle pour le peuple ! Et plus tard son cadavre inanimé – et salé pour éviter que la chaleur de l’été le décompose – fut emporté à Antioche afin que l’empereur le vît” (Saint Jérôme)

De l’autre côté du fleuve, au premier plan, se place une autre rencontre du saint avec une être encore plus ambigü, un onocentaure ou hippocentaure :

“Quant saint Antoine chemina et erra parmi les grans desers d’Egypte, il trouva en son chemin un tès hideux monstre ou beste sauvage et qui estoit de terrible façon et sembloit estre moitié homme et moitié cheval, homme devant et beste derrière. Et combien que saint Antoine n’entendist point son langage bestial, toutefoiz ce monstre le conduisi et le adreça à son droit chemin par signes et par contenances, dont il loua et remercia moult Dieu. Et quant il eut longuement esté avec lui, ce monstre le laissa et s’en alla à son repaire on ne sceut où.”

L’attitude dubitative de l’ermite, le tau à la main, traduit peut-être l’interrogation sur la nature des êtres de cette sorte ?

“Était-ce un simulacre diabolique destiné à l’effrayer, ou bien le désert, habituellement fertile en créatures monstrueuses, produit-il aussi cette bête-là ? Nous n’avons là-dessus aucune certitude.” (saint Jérôme)

Bibliothèque nationale de France

  • Date
    Vers 1480-1485
  • Lieu
    Cognac
  • Auteur(es)
    Robinet Testard, enlumineur
  • Description technique
    Parchemin, 95 feuillets, 305 × 210 mm 
  • Provenance

    BnF, département des Manuscrits, FRANÇAIS 22971, fol. 16

  • Lien permanent
    ark:/12148/mmq91zjkcc3r7