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L’échiquier

Le Livre des échecs amoureux
L’échiquier
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Cette miniature du Maître d’Antoine Rolin représente le même diagramme que le précédent. Les émeraudes taillées en amande et serties dans le cadre sont les yeux de Narcisse. Aux quatre coins de l’échiquier, des rubis entourés de perles sont un mauvais présage. Ils annoncent le mat en l’angle qui menace l’amant. En effet, la Dame avec laquelle la jeune fille fera mat est taillée dans un rubis semblable à une escarboucle. Dans la marge supérieure se trouvent les « deux conduits aux creux profonds » dont parle le roman et qui alimentent la fontaine.

Il manque quatre pièces sur la deuxième rangée de l’amant. Sans doute est-ce une omission volontaire. On peut difficilement imaginer qu’Antoine Rolin, bibliophile averti et richissime héritier du puissant chancelier Nicolas Rolin, se soit fait délivrer un diagramme entaché de quatre erreurs. Ce n’est sans doute pas un hasard si, seulement sur cette deuxième rangée, les lettres rouges, qui servent à nommer les cases, ont été écrites de manière à prendre toute la place sur ces cases. Ainsi on ne peut pas rajouter le nom des pièces. Tout incline à penser que le retrait des figures de la deuxième rangée est volontaire. Peut-être les pièces ont-elles été retirées afin de dissimuler plus encore la partie d’échecs pour que l’on ne découvre que difficilement le Roman de la rose qu’elle recèle. Quoiqu’il en soit, la dynamique de la partie fait apparaître les pièces « manquantes » sur l’enluminure lorsqu’elles sont nommées au fur et à mesure du déroulement du jeu. Et c’est comme si c’était la partie d’échecs qui faisait « fonctionner » la miniature. Le joueur comprend alors que la position des pièces, au moment du premier trait de la demoiselle, était symétrique. Il y a donc miroir, et l’enluminure peut alors représenter la Fontaine de Narcisse.

Dans le Roman de la rose, une inscription gravée dans la pierre, sur le bord supérieur de la fontaine, indiquait qu’ici était mort le beau Narcisse. À sa place, comme s’il avait craint de suivre le sort du beau jeune homme, Antoine Rolin a fait apposer, dans la marge supérieure, son écu parti de celui de sa femme, Marie d’Ailly. Comme par hasard, le champ de l’écu d’Ailly a la couleur de la rose et son chef échiqueté représente les cases mêmes où l’amant a été fait mat ! Sans doute les propriétaires du manuscrit s’identifiaient-ils aux amants du Roman de la rose. Antoine mourut environ un ou deux ans après la confection de son livre et Marie le suivit dans la tombe quelques mois plus tard.

© Bibliothèque nationale de France

  • Date
    15e siècle
  • Lieu
    Flandre
  • Auteur(es)
    Evrart de Conty. Peint par le Maître d’Antoine Rolin
  • Description technique
    Manuscrit sur parchemin
  • Provenance

    BnF, Département des manuscrits, Français 9197 fol. 437

  • Lien permanent
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